Les mesures de distanciation « compromettent sérieusement la santé et le bien-être » des enfants, estime un groupe de 13 médecins qui unissent leurs voix pour réclamer au gouvernement un assouplissement rapide des mesures de distanciation pour les enfants de 12 ans et moins dans les écoles, les garderies et les camps de jour.

Dans une lettre envoyée vendredi au bureau du premier ministre, les médecins signataires – des pédiatres, des pédopsychiatres et des médecins spécialistes en santé publique et médecine préventive – demandent au gouvernement « d’assouplir rapidement » les mesures sanitaires pour les enfants de 12 ans et moins.

>>> Lisez la lettre ouverte des 13 médecins : Monsieur Legault, remettez les enfants au cœur de vos priorités !

« Quelques mois dans la vie d’un tout-petit de 2 ans font toute la différence. Nous sommes conscients que votre gouvernement a déjà mené plusieurs actions pour mieux soutenir les familles, mais en tant qu’experts de la santé des enfants, nous demeurons très préoccupés pour leur développement à court et à long terme », peut-on lire dans la missive.

Celle-ci a obtenu l’appui spontané de plus de 1000 médecins de partout dans la province lorsque les signataires l’ont publiée en ligne au cours du week-end.

Depuis le 1er mai, pour l’ensemble de Montréal, seules quatre éclosions ont été rapportées en services de garde, ce qui n’a généré au total que huit nouveaux cas de COVID-19 transmis sur place, selon le Bilan de la Santé publique des éclosions en service de garde de Montréal, obtenu par La Presse.

S’il était pertinent de faire preuve de grande prudence au début de cette crise sanitaire sans précédent, la communauté scientifique a maintenant assez de recul pour réajuster le tir en ce qui concerne les écoles, les garderies et les camps de jour.

  Extrait de la lettre ouverte

La lettre évoque que les données scientifiques démontrent jusqu’à maintenant qu’il y a « très peu de transmission [de la COVID-19] des enfants vers les adultes » et, par conséquent, peu de danger pour la santé de la population. À l’inverse, priver les enfants de contacts humains peut être très dommageable pour leur développement socio-affectif et langagier, plaident les médecins.

« À partir de 18 mois et jusqu’à 3-4 ans, l’enfant évolue tellement rapidement. C’est clair que ce sont des années charnières », souligne la Dre Véronique Groleau en entrevue avec La Presse. Cette gastro-entérologue pédiatre au CHU Sainte-Justine a été l’instigatrice de la lettre ouverte.

« Si tu grandis durant deux à trois ans avec toutes ces mesures-là, […] il va y avoir des impacts, des séquelles, et c’est ce que les pédiatres et les psychiatres soulèvent. Il faut mesurer les conséquences. »

« On devait être plus nombreux »

Déjà, à l’annonce du retour progressif à l’école, au début de mai, les directions des départements de pédiatrie du CHU de Québec, du CHU Sainte-Justine, de l’Hôpital de Montréal pour enfants et du CHU de Sherbrooke ont dit dans une lettre commune qu’elles accueillaient « favorablement cette décision ». 

Que ce soit le Dr Marc Lebel, pédiatre infectiologue au CHU Sainte-Justine et président de l’Association des pédiatres du Québec, le Dr Jean-François Chicoine, pédiatre au CHU Sainte-Justine, ou encore la Dre Caroline Quach, pédiatre, microbiologiste-infectiologue et épidémiologiste au CHU Sainte-Justine, les pédiatres se succèdent dans les médias depuis quelques semaines et réclament un déconfinement plus large pour les enfants. N’empêche, les mesures sont demeurées inchangées pour les tout-petits, excepté pour l’accès aux modules de jeux dans les parcs, de nouveau permis.

Le message est clair, mais il y a des structures qu’on ne peut pas bouger : des syndicats, des plus haut placés à la Santé publique, des gens dans les ministères… Mais ce n’est pas vrai que nos enfants vont payer le prix. C’est inacceptable !

 La Dre Véronique Groleau

« Je savais qu’il fallait frapper fort. Quand tu vois les experts qui le disent depuis un mois, et que rien ne bouge, on devait être plus nombreux. Alors j’ai décidé de monter une équipe », explique celle qui a entrepris le projet mercredi dernier et qui accumule les nuits blanches depuis. « On a eu vent que les mesures [pour les enfants] allaient peut-être changer. Quand ils révisent quelque chose, il faut frapper fort tout de suite, pendant qu’ils se penchent là-dessus. »

Dans son équipe de 13 personnes, on retrouve même deux médecins de la Santé publique qui vivent la crise de l’intérieur.

« Il y a du monde de partout, avec différentes expertises. Ils disaient, “oui, j’embarque”, et je n’ai eu à convaincre personne. »

Dans leur lettre, les médecins apportent aussi des solutions, conscients que les éducateurs et les enseignants sont aussi à prendre en considération. Par exemple, plutôt que de demander le retrait complet du masque, ils suggèrent l’idée d’un masque avec un plastique devant la bouche, pour que l’enfant voie les expressions faciales de l’adulte avec qui il interagit, sans se sentir menacé.

Cinq changements réclamés par les signataires

• Que la règle de distanciation de 2 mètres soit levée pour les enfants de 12 ans et moins ;
• Que le port du masque ne soit pas requis pour les enfants de 12 ans et moins ;
• Que des lunettes de protection soient fournies sur le terrain (plutôt que des visières), ainsi que des masques transparents permettant aux enfants de voir les sourires et les lèvres des adultes ;
• Que toutes les activités sportives individuelles ou en groupe pour les enfants et adolescents puissent reprendre dès que possible ;
• Que l’utilisation du matériel éducatif et le partage des jouets soient de nouveau permis, sans nécessité de désinfection entre chaque usage.