(Montréal) Un nouveau dispositif léger pour prendre les signes vitaux des patients à distance, ensuite analysés par l’intelligence artificielle (IA), pourrait réduire le risque de contamination de bien des patients et des travailleurs de la santé en ces temps de pandémie de la COVID-19.

Comme il surveille les symptômes en continu et transmet à un ordinateur les signes vitaux comme la température, pas besoin d’une infirmière qui va les prendre en personne — en touchant le patient.

« Cela diminue les contacts », a fait valoir son inventeur, le docteur et ingénieur Fabrice Vaussenat, président-directeur général de l’entreprise Inomedis.

En plus, comme tout le monde cherche à éviter de se rendre à l’hôpital pour ne pas être contaminé, le dispositif connecté d’Inomedis permet à un cardiologue, par exemple, de surveiller l’un de ses patients sans qu’il se déplace.

Gagnant pour le médecin, gagnant pour le patient.

Le dispositif, une espèce de « patch », qui ressemble à un papillon blanc posé un peu en haut du sternum, pèse à peine 24 grammes. Le patient peut le changer lui-même, et il résiste à l’eau.

« MyAngel VitalSigns » devrait être bientôt testé sur le terrain au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM).

« On a pensé à utiliser le patch dans la crise actuelle » de la COVID-19, a dit le Dr François Tournoux, cardiologue et clinicien chercheur au Centre de recherche du CHUM (CRCHUM) qui va superviser les essais en milieu hospitalier.

Car la COVID-19 est une maladie qu’on connaît mal, et l’une des clés pour soigner ces patients est une surveillance rapprochée, parce que l’on sait que leur condition va se détériorer très vite, et qu’il est dur de prédire leur progression, a-t-il expliqué en entrevue.

Mais cette surveillance est normalement faite par les infirmières qui vont prendre la température et surveiller les autres signes vitaux.

Sauf que plus le soignant reste dans une chambre, plus il expose le patient au virus et plus il s’expose.

Se demandant quoi faire, le docteur a pensé au dispositif d’Inomedis qu’il avait déjà examiné avant la pandémie.

« On se rend compte que le dispositif peut fournir toutes les informations que l’infirmière peut obtenir dans la chambre. » Mais elle doit s’habiller de son équipement de protection de pied en cap avant d’y entrer, fait-il remarquer : masque, blouse, visière, etc. Un processus plus lourd, qui exige aussi beaucoup d’équipement de protection personnel.

Mais il y a plus, juge le spécialiste.

On devrait avoir beaucoup plus de données, et en continu : « Je serai plus à même de détecter la condition du patient si elle se détériore », estime le Dr Tournoux.

Dr Tournoux n’a pas encore réalisé ses études prévues dans un milieu de soin, mais il fonde des espoirs sur ce patch, car il a déjà eu l’occasion de l’essayer et de le manipuler.

Il croit qu’il répondra à un besoin qui n’est pas comblé actuellement. « Ça sera une valeur ajoutée très appréciée des équipes », anticipe le cardiologue.

Il a évalué d’autres dispositifs, qui captent différents signes vitaux, dont ceux qu’il veut surveiller, « mais ils sont très lourds à déployer ».

L’inventeur et sa création

Fabrice Vaussenat, l’homme qui a conçu ce dispositif, est Français d’origine. Il l’a mis au point en pensant à son frère, qui habite Drummondville. Ce dernier vivait avec une malformation cardiaque et a fait un accident cardio-vasculaire. Il est maintenant lourdement handicapé et ne peut plus marcher.

« L’idée est partie de là, dit-il. Si j’ai fait ça, c’est pour lui ».

C’est donc du Québec où il prévoit s’installer que son invention sera fabriquée : son siège social se trouve déjà à Montréal.

Dr Vaussenat a détaillé les possibilités du petit appareil : il possède trois électrodes, ce qui permet de surveiller une foule de choses, dit-il : le cœur, et donc des anomalies cardiaques, la saturation en oxygène, ce qui permet de surveiller l’état respiratoire et la fréquence respiratoire, la pression artérielle, l’hydratation, (important pour les patients dénutris) et la fréquence cardiaque, entre autres choses.

Tour cela sans brassard, sans fil, sans prise électrique et avec une électrode de plus par rapport aux dispositifs actuellement sur le marché, explique-t-il.

Surveiller les signes vitaux en milieu hospitalier, avec un holter par exemple, « c’est lourd », dit le docteur Tournoux et cela nécessite tout un appareillage, qui n’est pas toujours disponible pour tous les patients.

Tous ces signes sont analysés par le cerveau installé dans l’ordinateur propulsé par l’IA, qui peut être programmé pour surveiller les signes d’une maladie ou condition spécifique, comme l’apnée du sommeil ou les infarctus, par exemple.

« La plus-value du dispositif, c’est aussi toute l’intelligence artificielle derrière, dit le Dr Vaussenat. On a pris nos bases de données et on a entraîné nos algorithmes ».

« Ce sont tous ces éléments combinés de la patch qui fait sa force. Elle multiplie les certitudes », ajoute l’inventeur.

Et autant en ces temps de pandémie qu’après, « MyAngel VitalSigns » permet de faire de la télémédecine.

Ainsi, pas besoin d’attendre pour avoir un rendez-vous à l’hôpital. Le médecin peut consulter à distance les données de son patient et analyser la situation : « ça désengorge le système », fait valoir Dr Vaussenat.

Le dispositif n’est pas encore en vente au pays, il subit les délais de livraison des pièces causés par la COVID-19. Les tests qui doivent avoir lieu au CHUM sont actuellement retardés (formalisation du protocole d’étude et validation du comité d’éthique), mais devraient avoir lieu fort bientôt selon le Dr Tournoux. Après, le dispositif pourra compléter le processus d’approbation réglementaire de Santé Canada.

La recherche faite permettra de voir les bénéfices du dispositif, avance le Dr Tournoux qui prévoit recueillir les avis des médecins, des infirmières et des patients.

Quant à l’inventeur, il a en tête bien d’autres utilités : pour les patients en régions éloignées et pour éviter aux aînés de multiples déplacements, par exemple.

Mais il porte aussi des usages plus surprenants : pour les sportifs de haut niveau par exemple — il a été testé chez des footballeurs — et même le FBI s’est même pointé à son stand au Consumer Electronic Show (CES) l’an dernier, a rapporté le Dr Vaussenat.