(Québec) La ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, assure que le gouvernement « trouvera des solutions » pour éviter que l’embauche massive prévue de 10 000 préposés aux bénéficiaires (PAB), qui seront payés 26 $ l’heure, provoque un exode des PAB du secteur privé vers le public. Québec «examine» l'imposition par décret d'un salaire plancher.

« On ne va pas déshabiller [Pierre] pour habiller [Paul] », a lancé jeudi la ministre Marguerite Blais devant les journalistes. Elle répondait aux inquiétudes des associations de résidences privées et syndicats qui anticipent que la grande séduction de Québec pour recruter de nouveaux PAB leur fasse très mal.

Dans ces établissements, le salaire moyen d’un PAB est de 14 $ l’heure.

« On ne veut pas ça, justement [un exode], on est en pourparlers constamment, à la fois avec l’Association des CHSLD privés conventionnés, celle des CHSLD privés et avec le Regroupement québécois des résidences pour aînés », a-t-elle ajouté.

La possibilité que Québec impose un salaire plancher pour les PAB qui sont à l’emploi dans les résidences privées par l’adoption de décrets de convention collective « est examinée » par le ministre du Travail, Jean Boulet, a confirmé Mme Blais.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Marguerite Blais

Elle ne ferme pas la porte à ce que la prime temporaire de 4 $ l’heure, offerte aux PAB du secteur privé en raison de la pandémie, soit maintenue. « Pour l’instant, on gère une situation qui est exceptionnelle. […] Je crois qu’il faut prendre les choses, une à la fois, pour l’instant, il y a eu des primes [temporaires], on verra par la suite », a-t-elle dit.

Les craintes des résidences privées n’émeuvent guère Québec solidaire. « J’ai beaucoup de difficulté à entendre des entreprises comme Chartwell, qui sont des entreprises multimillionnaires qui chargent 4000 $, 5000 $, 10 000 $ par mois à des aînés pour vivre dans des résidences, [dire] qu’[elles] n’ont pas les moyens de payer leur personnel 20 $ de l’heure », a lancé son porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois.

Le député de Gouin propose deux solutions au gouvernement : « décréter les salaires dans le secteur privé à la même hauteur que dans le secteur public » ou nationaliser tous les CHSLD privés et toutes les résidences privées pour aînés. « Dans les deux cas, le premier ministre va avoir l’appui de Québec solidaire s’il va dans ce sens-là », a-t-il affirmé.

Québec doit aider, dit le PQ

Le Parti québécois estime que le gouvernement doit verser une aide financière aux préposés du privé, rappelant que ce ne sont pas toutes les résidences qui ont les moyens des grands groupes de ce secteur. Car « il y a prévisibilité que des travailleurs de la santé se déplacent du privé vers le public si les conditions deviennent meilleures » comme l’a annoncé le gouvernement.

« Si le gouvernement du Québec a été capable de supporter, en temps de pandémie, à travers une subvention salariale, une rallonge salariale, les préposés aux bénéficiaires du domaine privé, qu’est-ce qu’il l’empêche de le faire également post-pandémie ? Parce qu’un aîné qui est dans le secteur public a besoin d’autant de soins qu’un aîné qui est dans le secteur privé », a-t-il affirmé.

Mercredi, le premier ministre François Legault a annoncé qu’une « grosse campagne de promotion » allait être mise en branle d’ici les prochains jours pour embaucher 10 000 préposés. Ces recrues seront payées 21 $ l’heure pendant leur formation, qui durera trois mois, de la mi-juin à septembre.

Ensuite, ils gagneront « le nouveau salaire que l’on donne, soit via les primes temporaires ou ce qu’on offre dans les conventions collectives [une fois la négociation terminée], qui commence à 26 $ l’heure, donc 940 $ par semaine, 49 000 $ par année », a expliqué M. Legault en conférence de presse mercredi.

Si le député libéral Monsef Derraji salue l’annonce du gouvernement, il affiche un certain scepticisme. « Former 10 000 travailleurs en trois mois, bonne chance. J’aimerais bien voir le plan du gouvernement pour avoir 10 000 préposés aux bénéficiaires [supplémentaires] d’ici septembre », a-t-il lancé. La décision pourrait déséquilibrer le marché de l’emploi, alors que des secteurs en pénurie de main-d’œuvre pourraient être victime d’un exode de travailleurs selon lui.

Québec souhaite que les nouveaux travailleurs soient à pied d’œuvre dans le réseau de la santé dès le mois de septembre. Ils pourront ainsi prendre en partie la relève des 1000 militaires des Forces armées canadiennes déployés dans les établissements du Grand Montréal et donner du répit aux équipes en place.