(Ottawa) Lorsque le gouvernement Trudeau a annoncé en grande pompe cette semaine que le géant automobile General Motors fabriquerait 10 millions de masques chirurgicaux, il a omis un détail qui témoigne du long chemin à parcourir dans la lutte du Canada contre la COVID-19 : ces millions de masques seront fabriqués sur une période d’un an.

Il en sera de même pour une grande partie des millions de gants, blouses et litres de désinfectant pour les mains qui font partie de l’approvisionnement en vrac, par le gouvernement fédéral, d’équipements de protection individuelle pour aider à ralentir la propagation de la COVID-19.

Bien que ces équipements soient distribués dès leur arrivée au Canada — 42 chargements d’avions à ce jour, a précisé le gouvernement cette semaine —, en réalité, de nombreuses commandes ne parviendront pas à répondre à la demande pressante. Mais le principal problème, c’est le caractère imprévisible du virus, a admis cette semaine la ministre fédérale de l’Approvisionnement, Anita Anand, en entrevue à La Presse canadienne.

« Par conséquent, notre approche a consisté à commander de l’équipement supplémentaire, en plus des demandes des provinces et des territoires, afin que nous soyons prêts s’il y a une deuxième vague et que nous ayons besoin de respirateurs, par exemple. »

Au début de la pandémie au Canada, on s’inquiétait beaucoup du nombre de ces respirateurs. Les hôpitaux et la population ont constaté avec horreur que dans d’autres pays, une pénurie de respirateurs pour traiter la forme la plus grave de la maladie pouvait avoir des conséquences tragiques.

C’est à la mi-mars que les autorités de la santé publique et les gouvernements ont commencé à décréter le grand confinement au Canada. Les hôpitaux, les provinces et le gouvernement fédéral se sont alors précipités sur les marchés pour commander l’équipement requis. Ainsi, Ottawa a commandé près de 30 000 respirateurs ; seulement 203 sont arrivés depuis. Heureusement, les mesures de distanciation physique ont largement évité le débordement aux soins intensifs des hôpitaux, a déclaré cette semaine la responsable fédérale de la santé publique, la docteure Theresa Tam.

Parallèlement, la pénurie d’autres équipements de protection est imputée à des éclosions désastreuses dans des centres d’hébergement et de soins de longue durée, surtout au Québec et en Ontario. Les soldats appelés à la rescousse dans des foyers ontariens ont documenté la façon dont le personnel sous-utilisait l’équipement de protection individuelle, ou l’utilisait mal, en partie à cause de la pénurie et des coûts.

Jusqu’où stocker ?

La question devient alors : à quel moment le Canada en aura-t-il assez ? Une firme d’Ottawa estime que la demande au Canada de masques jetables dépassera 3,3 milliards au cours de la prochaine année.

Les conservateurs soutiennent que les libéraux doivent être plus clairs sur les détails des acquisitions et leur provenance. Ils soulignent que le gouvernement a réduit à trois reprises ses commandes de masques N95, une pièce d’équipement cruciale pour le personnel soignant de première ligne.

On a appris plus tard qu’un fournisseur chinois avait vendu des millions de masques qui ont été ensuite écartés par les autorités parce qu’ils ne respectaient pas les normes canadiennes.

« Les libéraux ont clairement des problèmes en ce qui concerne l’achat d’équipement de protection individuelle et ne sont pas transparents avec les Canadiens », a estimé dans un courriel la porte-parole conservatrice en matière d’approvisionnement, Kelly Block.

La ministre Anand a répondu mardi que des centaines de milliers de nouveaux masques sont arrivés depuis et qu’on avait renforcé les examens d’assurance de la qualité.

Production nationale

C’est là qu’entre en jeu la deuxième pièce du casse-tête : l’augmentation de l’offre d’équipement fabriqué au Canada.

Les pénuries ont révélé des maillons faibles dans la chaîne d’approvisionnement du Canada, que le gouvernement tente de combler en encourageant les entreprises canadiennes à réorienter leur production pour pouvoir tout fabriquer — des matières premières nécessaires jusqu’aux produits finis.

Plus de 6300 entreprises canadiennes ont levé la main pour aider à produire de l’équipement lié à la pandémie, a déclaré en entrevue le ministre de l’Innovation, Navdeep Bains. Et plus de 700 d’entre elles s’y sont mises depuis. « Ce que nous voulons faire, au fond, ce n’est pas seulement renforcer les capacités nationales pour aujourd’hui, mais aussi pour demain », a-t-il déclaré.

La ministre Anand rappelle que la capacité à long terme se traduit aussi par l’octroi de contrats à long terme. Ainsi, vendredi dernier, un contrat a été accordé à l’entreprise Medicom, établie à Montréal, pour produire 20 millions de masques N95 et 24 millions de masques chirurgicaux par année à partir de cet été — mais sur les 10 prochaines années.