De nouveaux défis attendent Léa Déry. Ancienne préposée aux bénéficiaires, elle amorce sa carrière d’infirmière en pleine pandémie, à l’hôpital Jean-Talon, à Montréal. Bien que l’établissement ne soit pas désigné COVID-19, on y rapporte quelques cas d’éclosions. La Presse l’a accompagnée lors de sa première journée au travail.

L’hôpital Jean-Talon est un hôpital « froid ». Pourtant, y accueillir des malades, c’est comme jouer à la roulette russe. Une personne sans symptômes admise aux urgences pourrait être contagieuse. « On traite tous les patients comme s’ils avaient la COVID, ils sont en isolement dès leur arrivée », explique Léa Déry, qui connaît par cœur les informations reçues durant ses journées de formation. Sereine et avide de prêter main-forte, elle fait son tout premier quart de travail dimanche après-midi. « Je mentirais si je disais que je ne suis pas stressée, mais j’ai vu de belles choses pendant ma formation », explique la nouvelle infirmière. Le contexte actuel demeure tout de même inusité. 

Même une personne qui a 30 ans d’expérience n’a jamais vécu cette pandémie. C’est comme si on partait tous à zéro.

Léa Déry, infirmière

PHOTO HUGO SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Aussitôt la porte de l’hôpital franchie, Léa Déry se munit de son équipement de protection. Tout doit être ajusté dans un ordre particulier. On s’habille à deux, afin de s’assurer que chacun fait bien les choses. Un moment cocasse. « Tu te tournes et ton collègue te dit : “OK, là, enlève tes gants. Maintenant, défais ta blouse en commençant par le haut”, ou : “Oups, non, tu t’es touché l’oreille. Recommence du début” », s’amuse la recrue.

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Léa et Jean-Hugues Brissette discutent avec une patiente.

L’uniforme requis en temps de pandémie rend la camaraderie difficile, alors que le travail d’équipe est de mise. Les sourires se perdent sous les masques et les regards complices et encourageants s’effacent à travers les lunettes de protection. Il est commun d’être séparé d’un autre employé par un panneau de plexiglas. Les lavages de mains se font au rythme des déplacements. Au moment de traiter le patient, on revêt une blouse jaune supplémentaire. Le processus est répété plusieurs fois dans la journée.

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La première journée de Léa (à droite) est immortalisée avec Jean-Hugues Brissette, Audrey-Ann Bissonnette-Clermont, Marco Arsenault et Julie Langevin.

Tout le personnel des unités de soins, du service d’hygiène et de salubrité, du service alimentaire et tous les médecins de l’hôpital Jean-Talon seront testés ce dimanche et lundi. Léa Déry, fraîchement arrivée à son poste, est donc « plus que la bienvenue », a souligné un collègue. Les dépistages massifs font souvent en sorte qu’un certain nombre de travailleurs asymptomatiques soient mis en isolement préventif. Selon le bilan du 21 mai, il y avait deux cas de coronavirus à l’hôpital Jean-Talon. Au total, cinq unités de l’établissement sont toujours considérées comme en éclosion. Les zones touchées conservent ce statut pendant 28 jours, même après le transfert des patients.

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« La COVID-19, je m’attends à la contracter », explique la jeune femme, mère d’un bébé de 6 mois. Même en zone froide, la crainte de devenir un vecteur de contamination talonne les travailleurs de la santé. Ramener le virus chez soi ? Pas question. Mettre à risque collègues et patients ? Non. Alors il y a un protocole, même à la maison. Après avoir vécu chez une amie durant sa semaine de formation, Léa Déry a trouvé son système. Son sac, ses vêtements : rien de ce qu’elle a porté à l’hôpital n’entre chez elle. « Ensuite, je vais direct dans la douche ! »

Avant d’entrer chez moi, je me lave les mains. Puis je mets mes vêtements et mes souliers dans différents bacs devant la porte. Je les lave chaque jour. J’ai aussi des lingettes et du Purell un peu partout.

Léa Déry, infirmière

LÉA DÉRY, INFIRMIÈRE

Léa reçoit des informations de Jean-Hugues Brissette, infirmier avec qui elle va travailler pour son premier quart, quelques minutes après son entrée en poste.

Derrière la force tranquille que dégage Léa Déry se cache une leader pleine d’optimisme et d’énergie. Jamais il n’a été aussi valorisant de travailler dans le réseau de la santé, affirme-t-elle. Elle bifurque vers sa nouvelle carrière à un moment charnière et encourage les jeunes à faire de même. « On a besoin de jeunes en santé. Malgré tout ce qu’on entend, il y a de beaux milieux avec des gestionnaires formidables. On est capables de se serrer les coudes et, quand je me dis ça, ça me déstresse. »