Avec le déconfinement et le retour du beau temps, les policiers sont nombreux dans les parcs de Montréal pour faire appliquer non seulement les consignes de santé publique, mais également les règlements municipaux. La consommation d’alcool, surtout, redevient une priorité au fur et à mesure que les rayons du soleil se font plus chauds. Notre journaliste a accompagné les policiers dans trois grands parcs de la métropole samedi. 

« Avec le déconfinement, l’alcool devient un problème. C’est là-dessus qu’on va travailler pour qu’il n’y ait pas de débordements », annonce le commandant Martin Desbiens-Côté du Groupe d’intervention (GI) du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

À 10 h, d’autres policiers et lui forment un cercle, en se tenant à deux mètres de distance les uns des autres, pour le breffage du déroulement de la journée, dans un stationnement de l’avenue Calixa-Lavallée, en plein cœur du parc La Fontaine.

« C’est quoi, donc, la réglementation pour les BBQ ? Sur les tables à pique-nique seulement ? », demande un enquêteur de la région sud, qui arbore le mot « police » sur le dos de son gilet pare-balles.

Le commandant Desbiens-Côté rappelle qu’on peut boire de l’alcool dans les parcs à Montréal, mais que la consommation doit être accompagnée d’un repas. « Un sac de chips, ce n’est pas un repas », prévient-il.

À quelques mètres de là, en rangée, les policiers à vélo attendent les ordres et se confient à La Presse

  • Des policiers à vélo attendent les ordres au parc La Fontaine, à Montréal.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Des policiers à vélo attendent les ordres au parc La Fontaine, à Montréal.

  • Des policiers participent au breffage du déroulement de la journée, dans un stationnement de l’avenue Calixa-Lavallée, en plein cœur du parc La Fontaine, à Montréal.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Des policiers participent au breffage du déroulement de la journée, dans un stationnement de l’avenue Calixa-Lavallée, en plein cœur du parc La Fontaine, à Montréal.

  • Lors du passage de La Presse au parc Sir-Wilfrid-Laurier, samedi, les policiers ont multiplié les avertissements en portant généralement le masque lorsqu’ils s’approchaient des personnes. 

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Lors du passage de La Presse au parc Sir-Wilfrid-Laurier, samedi, les policiers ont multiplié les avertissements en portant généralement le masque lorsqu’ils s’approchaient des personnes. 

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« Hier [vendredi] soir, on a dû interpeller 100 personnes chacun au parc Laurier. On disait aux personnes qu’elles devaient respecter la distanciation et la réglementation, sinon le parc pourrait fermer, et elles perdraient leur terrain », dit l’un. 

« Si je suis devenu policier, c’est pour arrêter des criminels et non pour faire appliquer des règles de distanciation auprès de membres d’une même famille, mais ce sont des consignes de santé publique », ajoute un autre. 

« La plupart du temps, les personnes sont correctes avec nous. Nous vivons dans une société de libertés individuelles, mais avant d’être un policier, je suis un citoyen », renchérit un troisième.

Les policiers ont encore bien en tête les images de l’arrestation musclée d’une jeune femme, la veille, au parc La Fontaine, et qui ont circulé sur les réseaux sociaux. 

Ils déplorent également que des citoyens fassent le salut nazi lorsque passe dans le parc le camion-flûte par lequel le SPVM diffuse par des haut-parleurs les consignes et les règlements à respecter.

« C’est correct de critiquer, ça fait évoluer les pratiques policières, mais quand on intervient, il ne faut pas nous déranger », rappelle un autre policier.

Une bière matinale qui coûte cher

« Si des gens ne comprennent rien, ben on sort le pad [calepin]. »

Il n’est pas encore 11 h qu’un cycliste reçoit un constat de 100 $ plus des frais de 51 $ pour avoir bu une bière sur un banc du parc La Fontaine sans l’avoir accompagnée d’un repas.

« Pourquoi moi et pas la personne qui a abandonné cette bouteille vide sur l’autre banc ? », s’insurge le cycliste.

« La prochaine fois, apportez un sandwich », répond poliment un policier du GI.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Sur le mont Royal, les cavaliers Analie Coderre et Dominic Mérette distribuent environ 3 constats pour 80 avertissements en moyenne.

Sur le mont Royal, les cavaliers Analie Coderre et Dominic Mérette distribuent environ 3 constats pour 80 avertissements en moyenne. Leurs montures ont un énorme pouvoir d’attraction et d’apaisement.

« Les personnes sont plus réceptives. On donne un billet à une personne, et elle nous demande si elle peut prendre une photo », s’étonne l’agente Coderre. « J’ai fait 17 ans de patrouille dans Rosemont et je n’ai jamais vu ça », renchérit son partenaire Mérette.

Deux enquêteures spécialisées dans les brocantes, Marie-Claude et Véronique, veillent au respect de la règle de distanciation de deux mètres et saluent les joggeurs et les marcheurs sur le chemin des calèches, habillées en civil. 

« Les citoyens croient que nous sommes en moyens de pression », rigole Véronique. « Les personnes sont de bonne humeur. On en croise certains chaque jour, on finit par connaître leur nom. On crée des liens », ajoute sa partenaire. Les deux jeunes femmes comptent leur pas. « On a marché près de 17 kilomètres hier. On a fait 30 000 pas la semaine passée », lancent-elles, en défi, à deux policiers de la filature qui les accompagnent.

« Ici [sur le mont Royal], c’est une autre dynamique. Les personnes sont contentes de nous voir. Ce n’est pas comme au parc La Fontaine ou au parc Laurier », nous dit Dominic, l’un des deux fileurs.

Pique-niques sous surveillance

À 14 h, le parc Sir-Wilfrid-Laurier est plein à craquer. C’est loin d’être scientifique, mais à vue de nez, la moyenne d’âge des personnes est d’à peine 30 ans. Dans un coin, un duo de contrebassiste et de saxophoniste assure l’ambiance.

« Des gens portent des masques ; d’autres, non. Des gens se tiennent à deux mètres ; d’autres, non. On ne comprend plus rien ! C’est quoi, la règle ? », demande un cycliste à l’inspecteur André Durocher, qui accompagne l’équipe de La Presse

Le ton est donné.

Assis sur des couvertures, les visiteurs du parc, qui habitent le quartier, mais aussi la banlieue ou d’autres secteurs de Montréal, font ce qui a en tout l’apparence d’un pique-nique. Mais la nourriture n’est pas toujours au rendez-vous pour accompagner l’alcool.

Les policiers de l’intervention informent les visiteurs et multiplient les avertissements. Ils portent généralement le masque lorsqu’ils s’approchent des personnes. 

« On s’est fait dire d’aller se chercher des sandwichs. Ils ont été gentils », dit Camille, dont le groupe a pu s’éviter un constat.

« Ceux qui viennent ici sont responsables. Je n’ai jamais vu d’excès. Et je trouve que le camion qui passe et rappelle les consignes fait très 1984 », dit, en évoquant l’œuvre de George Orwell, un jeune homme qui ne croit pas que la présence de la police en si grand nombre soit nécessaire.

« Il y a des personnes qui urinent et même défèquent dans notre cour. C’est déjà un problème, mais c’est plus inquiétant en temps de COVID-19. Je suis favorable à la présence policière, pas seulement pour l’abus d’alcool », affirme Deen Cockburn, résidant de la rue de Mentana, côté ouest du parc.

Les gens sont bruyants et étirent la fête tard dans la soirée. Je travaille de la maison en raison de la pandémie et je veux dormir.

Deen Cockburn

À une table, un homme qui a consommé de la bière sans manger de repas reçoit une contravention de 150 $.

« Je suis quelqu’un de tranquille. Je ne m’attendais pas à ça. Je suis intimidé. Je ne veux pas me priver des parcs, surtout avec nos longs hivers », nous dit l’homme, manifestement sous le choc.

« [Les policiers] n’ont pas autre chose à faire ? Nous sommes frustrées et confuses », affirment, les yeux pleins d’eau, deux jeunes Américaines de 21 ans, étudiantes à Concordia, qui avaient apporté chacune une seule bouteille de bière dans le parc, pour la siroter en profitant du soleil, et un paquet de biscuits, et qui ont reçu chacune un constat de 151 $.

Vendredi, les policiers du SPVM ont effectué dans les trois parcs 1000 approches de citoyens, et ont émis un constat de 1546 $ pour non-respect des consignes de santé publique et 19 constats pour non-respect des règlements municipaux, surtout pour la consommation d’alcool sur le domaine public.

Samedi, ils ont effectué 2500 approches et ont remis trois constats de 1546 $ pour non-respect des consignes de santé publique et 12 constats pour non-respect des règlements municipaux, principalement pour la consommation d’alcool.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, ou écrivez à drenaud@lapresse.ca.