(Québec) Même si le premier ministre affirme que le nombre de CHSLD gravement touchés par la COVID-19 diminue, il est toujours difficile d’avoir un portrait exact de la situation. La nouvelle liste détaillant les cas recensés dans chaque CHSLD de la province publiée mardi comporte toujours son lot d’erreurs, a constaté La Presse. Le gouvernement Legault envisage par ailleurs une commission d’enquête pour faire la lumière sur la crise qui sévit dans les CHSLD, là où se produisent encore de nouvelles éclosions.

La fameuse liste du 14 mai, révisée à la demande du premier ministre, était truffée « de nombreuses disparités » et d’« incohérences dans la collection des données », a admis mardi le ministère de la Santé. « Nous travaillons présentement afin de donner les bons chiffres. Il y a effectivement de nombreuses disparités depuis quelques jours partout dans les établissements indiqués sur les tableaux. »

Si bien qu’un nouveau bilan des établissements touchés par la COVID-19 a été mis à jour en ligne en après-midi.

Or, des vérifications faites par La Presse révèlent cependant que ce dernier cumulatif contient lui aussi bon nombre d’erreurs.

En date du 18 mai, Québec évalue que 51 CHSLD ont plus de 15 % de leur clientèle qui est infectée, soit cinq de plus qu’il y a quatre jours. En comparaison avec la liste du 14 mai, on apprend que la moyenne des usagers infectés dans les 29 CHSLD « en situation critique » est passée de 18 à 35 %.

Le total de décès atteint 2236 en CHSLD (+ 85) et le nombre de cas déclarés se situe maintenant à 2388 dans 147 établissements.

Certains CHSLD ont vu leur nombre de cas de COVID-19 augmenter depuis jeudi. Au Centre d’hébergement du Boisé Sainte-Thérèse, la proportion de résidants infectés par la COVID-19 est passée de 18 % à 35 %.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Le nombre de décès confirmés au CHSLD Pierre-Joseph-Triest, dans l’est de Montréal, est passé de 26 à 40.

Le nombre de décès confirmés au CHSLD Pierre-Joseph-Triest, dans l’est de Montréal, est passé de 26 à 40. Actuellement, 37 % des résidants y sont infectés. Au CHSLD Jeanne-Le Ber, aussi dans l’est de la métropole, le nombre de résidants atteints de la COVID-19 est passé de 80 à 94.

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Au CHSLD Jeanne-Le Ber, dans l’est de Montréal, le nombre de résidants atteints de la COVID-19 est passé de 80 à 94.

Les CISSS des Laurentides et de l’Est-de-l’Île-de-Montréal n’ont pu commenter la situation mardi.

Or, au moins cinq établissements qui figurent sur la liste du 18 mai présentent plus de cas de COVID-19 ou de décès que ce qui est rapporté.

Alors que la liste mentionne que 15 décès ont eu lieu au CHSLD Paul-Gouin, l’un des plus touchés actuellement par la COVID-19, un mot envoyé vendredi par le PDG du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, Frédéric Abergel, parle plutôt de 24 décès.

Le cas du CHSLD Vigi Mont-Royal soulève aussi des questions. Vendredi, la FIQ rapportait que 226 résidants étaient confirmés positifs à la COVID-19. Or, selon la liste publiée mardi par le Ministère, 38 patients, soit 22 % des résidants, étaient infectés dans cet établissement.

La FIQ rapportait aussi vendredi que 149 des 160 résidants du CHSLD Vigi Dollard-des-Ormeaux étaient infectés et que 67 étaient décédés. La dernière liste fait plutôt état de 39 cas actifs au CHSLD Vigi Dollard-des-Ormeaux et 32 décès.

Des lecteurs ont aussi écrit à La Presse pour faire état des écarts entre les chiffres du Ministère et la réalité sur le terrain. Un seul décès lié à la COVID-19 a par exemple été confirmé au Centre d’hébergement de la Marée, selon la liste. Mais vendredi, un mot envoyé à certaines familles ayant des proches hébergés dans cet établissement parlait de six décès au total.

Le Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA) a aussi dénoncé des irrégularités sur l’état de la situation dans les RPA.

Une amélioration ?

Ces chiffres, publiés après le point de presse de M. Legault, semblent en total décalage avec les propos du premier ministre, mardi. « Je pourrais vous dire, de façon générale, que le nombre de CHSLD qui ont plus de 15 % de personnes infectées a quand même pas mal diminué. C’est encourageant », a-t-il lancé.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

François Legault, premier ministre du Québec

La baisse évoquée par M. Legault s’appuie sur des indications fournies par la Santé publique lors de récentes réunions qui n’ont pas encore été comptabilisées, a précisé par la suite l’attaché de presse du premier ministre, Ewan Sauves.

Au cabinet de M. Legault, on soutient que la liste du 14 mai et celle du 18 mai ne peuvent être comparées puisque la méthode de compilation a été modifiée. 

Selon M. Sauves, le bilan du 18 mai reflète mieux la réalité.

Il faut rappeler que François Legault a demandé de retirer la liste des CHSLD touchés au début de mai puisque dans le bilan disponible pour les résidences où plus de 15 % des usagers sont infectés, il n’y avait pas eu de mise à jour des cas actifs. Il aura fallu attendre une bonne dizaine de jours pour que l’on accouche de la liste du 14 mai.

« On n’est pas à l’abri de devoir apporter d’autres ajustements », a-t-il prévenu, disant préférer publier une liste qui peut être imparfaite que de n’en publier aucune. L’intention du gouvernement est de mettre à jour quotidiennement cette liste.

Pour le président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), Jeff Begley, « c’est un problème d’avoir l’heure juste sur le nombre de cas et le nombre de décès » au Québec. « Depuis le début, le Ministère a un problème à colliger les données nationales et à se mettre à jour régulièrement », a-t-il déploré.

Vers une enquête publique ?

Devant l’ampleur de la crise vécue dans les CHSLD et les résidences pour personnes âgées, François Legault envisage, à l’instar de son vis-à-vis ontarien, de tenir une commission d’enquête pour faire la lumière sur les évènements.

« Ce que je note, c’est que Doug Ford a annoncé une commission d’enquête qui ne serait pas publique et dont les travaux commenceraient seulement au mois de septembre. Nous, on est en train de réfléchir. Je l’ai dit, une fois qu’on va être en contrôle de la crise […], on n’exclut rien », a-t-il soutenu.

« On va trouver une manière d’aller au fond des choses, voir ce qui est arrivé, mais sans non plus perdre du temps, parce qu’il y a des solutions qu’on connaît déjà, qu’on veut appliquer au cours des prochains mois », a ajouté M. Legault.

Interrogé en anglais, il a précisé qu’il préférait « prendre quelques semaines supplémentaires » pour prendre « la bonne décision » et avoir « une annonce qui placerait tous les détails sur la table ». L’Ontario compte 1115 décès liés à la COVID-19 dans des établissements de soins de longue durée.

Nouvelles éclosions

La ministre de la Santé, Danielle McCann, a confirmé que des éclosions avaient été rapportées dans deux établissements pour personnes âgées de la région de Québec, sans les nommer, ainsi qu’un autre dans le secteur de Côte-Saint-Luc à Montréal. « Après deux mois, les équipes savent quoi faire quand il y a une éclosion », a-t-elle dit.

« Évidemment, il faut analyser qu’est-ce qui s’est passé, et ça peut être des sources différentes d’une situation à l’autre », a ajouté la ministre. Le Dr Horacio Arruda a cité en exemple un travailleur asymptomatique ou un visiteur dans un milieu « semi-fermé », notamment, comme une source potentielle de contamination.

« Il va y avoir des cas dans les CHSLD. Ce qui va être important, c’est de les contenir le plus rapidement possible et de mettre en pratique les applications. Les équipes dédiées et les équipes de [prévention des infections] vont jouer un rôle majeur », a-t-il expliqué.

« Mais de vous dire que c’est impossible que ça ne rentre dans aucun CHSLD, je pense que c’est difficile », a ajouté le Dr Arruda.

— Avec Vincent Larouche, La Presse

Legault « déçu » de la FIQ

Menées par leur présidente Nancy Bédard, des infirmières membres de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) ont manifesté devant les bureaux du premier ministre à Québec mardi. Elles dénoncent un arrêté ministériel qui suspend des dispositions des conventions collectives depuis le début de la pandémie. Elles réclament le droit de prendre des vacances. Cette manifestation, « ça me déçoit », a réagi le premier ministre François Legault. Il a fait valoir que « la principale revendication » de la FIQ est d’augmenter le nombre d’infirmières, mais que les postes créés dans les derniers mois n’ont pas tous été pourvus. Il s’est dit ouvert à rendre permanentes les primes temporaires « COVID-19 » afin d’inciter les infirmières à travailler à temps plein. Quant à l’enjeu des vacances, la ministre de la Santé, Danielle McCann, a dit que le gouvernement a l’intention « d’aller au maximum de ce qu’on peut » pour en accorder.

— Tommy Chouinard, La Presse

Préposés aux bénéficiaires : les négociations progressent

La FTQ a présenté une nouvelle offre à Québec pour renouveler les conventions collectives des secteurs public et parapublic. La centrale propose que le salaire des préposés aux bénéficiaires augmente de 12 % pour atteindre 25 $ au sommet de l’échelle, comme le souhaite le gouvernement. « C’est un pas dans la bonne direction », a réagi François Legault, qui veut donner des hausses plus importantes aux préposés qu’aux autres employés de l’État. Cependant, il a aussitôt ajouté que « le mauvais côté de la nouvelle, c’est que [la FTQ] continue d’exiger qu’il y ait un effet de domino sur d’autres postes », qui pourraient donc se retrouver à avoir eux aussi des augmentations importantes. 

— Tommy Chouinard, La Presse

« De bonnes nouvelles » dans le bilan

Il y a de « bonnes nouvelles » dans le bilan de la COVID-19, a observé François Legault mardi. Pour la deuxième journée de suite, le nombre de nouveaux décès, 51, est modéré et « continue à être en baisse » comparativement aux semaines précédentes. Le Québec atteint « le plus bas total de nouveaux cas de COVID-19 depuis le 11 avril » : 570, pour un total de 44 197 cas. Parmi ces personnes, au moins 12 500 sont guéries. La situation est stable dans les hôpitaux, alors que 1784 personnes sont hospitalisées (+ 13), dont 183 aux soins intensifs (+ 1). 

— Tommy Chouinard, La Presse

Bientôt un calendrier de déconfinement

Québec prépare toujours un calendrier de déconfinement pour, par exemple, les salons de coiffure, les restaurants et les camps de jour. « On devrait être capables d’annoncer ça dans les prochains jours », a précisé François Legault. Il a toutefois prévenu que le déconfinement ne doit pas provoquer de relâchement dans le respect des consignes sanitaires comme la distanciation physique de deux mètres et le lavage des mains. Le port du masque est fortement recommandé. « Comme on le dirait au hockey, ce n’est pas le temps de pogner une punition niaiseuse, puis perdre le match », a-t-il lancé. « On reprend tranquillement le contrôle, mais la partie n’est pas gagnée. […] Le virus continue de rôder. » Le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, a relevé que « les choses vont bien » depuis que le déconfinement a débuté à l’extérieur de la Communauté métropolitaine de Montréal. 

— Tommy Chouinard, La Presse

Québec serre la vis aux agences de placement

Québec serre la vis aux agences de placement privées, dont certaines ont gonflé leurs prix depuis le début de la pandémie. En vertu d’un arrêté ministériel, il fixe un montant maximal pour les services d’une infirmière (71,87 $ l’heure) ou d’un préposé aux bénéficiaires (35,45 $), par exemple. La mesure a un effet rétroactif. Toute tarification supérieure à ces montants et facturée à un établissement de santé ou une résidence pour aînés depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire le 13 mars 2020 doit être « réduite conformément à ce qui y est prévu, et ce, sans pénalité ou autre réparation ou indemnité ». Le gouvernement Legault interdit aux agences de faire du maraudage dans les hôpitaux ou les résidences pour aînés, alors que certaines revendaient les services des travailleurs recrutés à fort prix. Québec adopte également une mesure pour empêcher un travailleur ayant été en contact avec une personne soupçonnée d’être infectée par le coronavirus de se retrouver dans une unité où il n’y a aucun cas de COVID-19. 

— Tommy Chouinard, La Presse