Chaque jour, je décortique les chiffres, à la recherche du moment où l’on pourra enfin dire que le pire est derrière nous. Et chaque jour, depuis trois semaines, je suis déçu, misère.

Le 18 avril, j’écrivais que le pic semblait enfin atteint, après un sommet moyen de 106 décès, le 17 avril. Du moins, on entrevoyait un plateau, avais-je constaté, et la descente de la courbe dépendait de la maîtrise de la situation dans les centres pour aînés. Malheureusement, l’hécatombe s’est poursuivie et le plateau est longtemps resté en hauteur.

Ces derniers jours, cependant, le Québec semble enfin avoir franchi le pic et commencé à redescendre progressivement la montagne. Ce constat est appuyé par cinq indicateurs différents qui, je l’espère, ne seront pas déjoués par le virus.

D’abord, le nombre de morts annoncé quotidiennement est en net déclin. Pour y voir clair, j’utilise une moyenne mobile de trois jours, question d’éliminer le bruit des variations quotidiennes. Selon cet indicateur, donc, le nombre de morts est en baisse marquée pour la quatrième journée de suite, soit depuis le sommet du 13 mai. Jamais n’y a-t-il eu quatre baisses de suite au Québec depuis le début de la pandémie.

Cet indicateur n’est toutefois pas idéal pour identifier le pic, car de nombreux décès sont inscrits avec quelques jours de retard. Par exemple, sur les 82 décès annoncés dimanche, seuls 33 sont réellement survenus la veille. Le reste vient des jours précédents, selon les données de l’Institut national de santé publique (INSPQ).

L’INSPQ produit toutefois une série de données en replaçant les décès aux dates où ils ont vraiment eu lieu. Dans ce cas, les dernières données fiables remontent au 7 mai, selon ce que j’ai pu constater, ce qui correspond à un délai de 10 jours.

Quand on analyse le bilan des morts avec cette courbe, on voit clairement un pic de morts quotidiens atteint le 30 avril, il y a plus de deux semaines. On comptait alors une moyenne de 114 décès, alors que nous en étions à 81, le 7 mai, après une baisse constante.

On verra si la tendance se maintient, mais à voir la baisse récente du nombre de cas rapportés quotidiennement, il y a lieu d’espérer.

Plus de 80 % des décès ont frappé des personnes vivant dans les CHSLD ou les résidences pour aînés. Nombre de décès sont tout de même survenus dans une séquence qui a commencé par des hospitalisations, puis par le recours aux soins intensifs, dans le pire des cas. Or, ces deux courbes pointent elles aussi vers le bas.

Par exemple, le nombre de personnes hospitalisées est en baisse pour la cinquième journée de suite (avec ma moyenne mobile de trois jours), du jamais-vu depuis le début. Cette baisse, précisons-le, est en partie attribuable aux patients guéris qui n’avaient pas été transférés dans leur milieu de vie, compte tenu de la situation qui y sévissait.

Quant aux malades aux soins intensifs (moyenne quotidienne de 180), ils n’ont jamais été aussi peu nombreux depuis six semaines.

Enfin, dernier indicateur intéressant : les nouveaux cas. Depuis une semaine, les nouveaux cas quotidiens sont relativement stables, avec une moyenne de 738 par jour. Toutefois, on aurait dû s’attendre à une augmentation, compte tenu du plus grand volume de tests. Or, ce n’est pas ce qui s’est produit.

Pour en prendre la pleine mesure, il faut suivre l’évolution de la proportion des personnes positives parmi les personnes testées. Après avoir connu une hausse presque constante pendant deux mois, avec un sommet le 4 mai, la proportion de tests positifs a reculé, à 9,1 % lundi.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

À la lumière de ces cinq indicateurs, on peut notamment penser que la vague qui a frappé les CHSLD est en déclin, enfin. Cette analyse n’a évidemment pas la prétention scientifique de celles de l’INSPQ, mais les récentes données donnent de l’espoir.

Le 5 mai, l’Institut dévoilait des projections basées sur un modèle qui retenait les 500 meilleures prédictions d’un lot de 50 millions. Or, pour un Grand Montréal qui ne serait PAS déconfiné, le modèle prévoyait 6 fois sur 10 une poursuite de la hausse des décès et des hospitalisations au cours des semaines suivantes. Et pour un Grand Montréal déconfiné, le modèle voyait une hausse rapide des cas et des décès. Jusqu’à 150 morts par jour étaient même évoquées pour juillet. Ouch !

Depuis, le gouvernement Legault a repoussé à la fin d’août la réouverture des écoles, au 25 mai celle des commerces qui ont une porte donnant sur la rue et au 1er juin celle des services de garde.

La bataille contre la COVID-19 n’est donc vraiment pas gagnée.

Quatre éléments me rendent craintif. D’abord, on assiste à une éclosion dans certains milieux, comme à Montréal-Nord.

Ensuite, dans les parcs, on constate un certain relâchement (ou une incapacité) dans le respect des 2 mètres de distance. Dans les commerces achalandés, la proportion de clients qui portent un masque est encore trop faible. Et admettez-le, bien des familles se permettent quelques tricheries.

Avec l’arrivée du printemps, ce comportement est bien normal. Mais si le degré de propagation R0 se remet à augmenter, ce ne sera pas jojo.

De grâce, chers Québécois de la région de Montréal, gardez votre discipline. On y est presque et personne, mais vraiment personne ne veut subir une deuxième vague de ce damné virus.