« Le discours très corporatiste des syndicats » et le discours du gouvernement qui n’a parlé jusqu’au début de mai que de tâches « facultatives » ont ralenti les choses et nui à l’image des enseignants, mais l’école montréalaise se remet maintenant sérieusement à l’ouvrage, assure Hélène Bourdages, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire.

« Il y a des enseignants du primaire, des titulaires de classe qui, depuis la fermeture des écoles, n’ont pas contacté une seule fois leurs élèves et ça, c’est très dommage. Dans une même famille de quatre enfants, la fréquence des contacts a été totalement inégale. »

Mais ne revenait-il pas aux directeurs d’école de corriger le tir quand des enseignants étaient aux abonnés absents ? « On ne pouvait pas mettre de pression; tant que le gouvernement disait que le travail était volontaire, nous n’avions pas de poignée ! »

Sur la foi d’un sondage qu’elle dit avoir fait circuler auprès de ses membres directeurs d’école, elle explique que les trois quarts des enseignants étaient au travail en avril; les autres n’y étaient pas « et certains, comme des enseignants d’arts plastiques, avaient leurs raisons ».

L’image des enseignants, croit-elle, en a pris pour son rhume, en raison des discours des syndicats qui, au départ, « n’étaient pas acceptables socialement ».

« Les syndicats ont eu raison de demander que les enseignants qui retournaient en classe soient bien protégés. Mais dans les premiers temps de la crise, de les entendre dire que les enseignants, qui étaient payés, n’étaient pas en mesure d’appeler leurs élèves, alors que tant d’autres perdaient leur job dans la société, ce n’était pas acceptable. »

Maintenant qu’il est clairement établi que « le travail est obligatoire », maintenant que les enseignants de l’extérieur de Montréal sont de retour au travail, Mme Bourdages assure que les parents vont voir une différence et que les choses bougent beaucoup depuis quelques jours.

Une image à redorer

L’image des enseignants a été injustement ternie au cours de la crise, estime quant à elle Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement, qui représente 65 000 enseignants.

« Les gens ont gardé en tête les deux semaines de vacances initiales et ils ont continué de penser que les profs étaient à la maison, payés à ne rien faire. »

Elle reconnaît que tous les enseignants n’ont pas été au rendez-vous et qu’il y a eu un certain relâchement au secondaire, notamment parce que beaucoup d’élèves ne répondaient plus et ne pouvaient pas être joints. « Mais en majorité, les enseignants ont travaillé et ils ont été occupés à faire des choses que les gens ne voient pas. » 

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement

Préparer un plan de travail, organiser des séances Zoom, ajuster la trousse [de ressources pédagogiques] qui arrivait du Ministère et qu’il fallait ajuster avant de l’envoyer aux élèves, ça demande des heures de travail.

Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement

Mme Scalabrini revient d’elle-même sur cet épisode où le gouvernement a demandé aux enseignants d’appeler les enfants, surtout les plus vulnérables. « Je me suis fait ramasser dans les médias. On a dit : “C’est rien, ça, faire trois petits appels de 10 minutes par jour à des élèves !” Mais dans les faits, avec certaines familles qui avaient des difficultés, l’enseignant pouvait passer une heure au téléphone ! »

À l’heure actuelle, Mme Scalabrini rappelle que les enseignants vivent des réalités totalement différentes. D’un côté, il y a ceux qui sont retournés en classe avec ce stress accru de devoir faire respecter la nécessaire distanciation sociale, et de l’autre, il y a ceux qui doivent s’assurer de faire l’école à distance.

Mais dans tous les cas de figure, si la consigne ministérielle est de réviser les notions apprises en début d’année, les enseignants peuvent très bien aussi avancer dans la matière et enseigner de nouvelles notions.

Quant à Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome de l’enseignement, qui représente 45 000 enseignants, il estime que la difficulté, pour les enseignants, sera maintenant de convaincre les jeunes de recommencer à travailler alors qu’ils savent très bien qu’il n’y aura pas de véritable évaluation.

Les 15 000 iPad promis se font attendre

Les 15 000 iPad promis par le gouvernement Legault ne seront pas remis aux élèves avant la fin du mois. Les directions d’écoles primaires et secondaires du Québec avaient jusqu’au 14 mai pour faire connaître les besoins de leurs élèves qui n’ont ni ordinateur ni tablette électronique pour faire l’école à distance. « Ça devrait arriver dans les commissions scolaires d’ici une à deux semaines », a précisé Hélène Bourdages, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire. Ces iPad connectés à l’internet devront cependant être configurés par les écoles avant d’être remis aux enfants. Selon Mme Bourdages, ils répondront aux besoins des élèves du préscolaire et du primaire, mais pas à ceux des élèves du secondaire. « Nous estimons qu’il va en manquer encore autant au secondaire, donc au moins 15 000 », affirme-t-elle. La grande majorité des enfants qui recevront un iPad pourront le conserver tout l’été. — Suzanne Colpron, La Presse