Si les enfants et les adolescents de la grande région de Montréal ne peuvent pas retourner à l’école ce printemps, il reste bel et bien cinq semaines au calendrier scolaire, et « je les veux à plein régime ».

En entrevue téléphonique avec La Presse en fin d’après-midi, jeudi, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Jean-François Roberge, a souligné que, depuis le 4 mai, les enseignants, tout comme le personnel de la santé, avaient accès aux services de garde d’urgence.

En conséquence, le ministre Roberge s’attend à partir de maintenant à « une pleine prestation de travail » des enseignants, qui doivent avoir « plusieurs contacts personnels par semaine avec les élèves, que ce soit par Zoom, par téléphone ou par courriel ».

Ce discours tranche nettement avec celui de François Legault, qui évoquait tout au plus en conférence de presse jeudi l’envoi de « petits devoirs ».

Le ministre Roberge, lui, assure qu’il n’est pas question que de petits devoirs et que les parents doivent aussi s’attendre à beaucoup plus qu’à de simples suggestions de devoirs et de leçons par les enseignants.

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Jean-François Roberge, ministre de l'Éducation

« D’ici lundi ou mardi », les 70 000 tablettes « qui dorment dans les écoles » doivent être prêtées aux élèves, et la récupération des manuels et des livres en classe doit se faire très rapidement. « Ça presse. »

Contrairement aux enseignants et aux syndicats, qui parlaient surtout jeudi de la rentrée de l'automne, M. Roberge rappelle que le calendrier scolaire n’est pas fini et qu’enseignants et élèves doivent s’atteler à la tâche dès maintenant.

Le ministre s’attend à ce que les élèves « fassent des lectures, des exercices, qu’ils les renvoient aux professeurs, qu’ils reçoivent une rétroaction par courriel ou par téléphone ».

Il s’attend aussi à ce que les élèves reçoivent de leurs enseignants des évaluations, pas nécessairement chiffrées, mais qui permettent à l’élève de savoir à tout le moins s’il a bien réussi son exercice ou pas.

Quand on souligne au ministre que ce sera là tout un changement dans la mesure où, dans un grand nombre d’écoles primaires et secondaires, les contacts entre les élèves et les enseignants étaient très limités – voire inexistants – depuis deux mois, il s’en étonne. « Il y a des correctifs à apporter si ça s’avère. Il appartient aux directions d’école de faire le travail. »

M. Roberge comprend que les directions d’école et les enseignants ont été très occupés à réorganiser les locaux, au cours des derniers jours, alors qu’il était question d’une rentrée printanière. Ils en avaient plein les bras, explique-t-il.

Ils peuvent maintenant se recentrer sur les élèves, qui sont nombreux, dit-il, à avoir déjà reçu une tablette quand ils n’en avaient pas à la maison.

Combien ont déjà été distribuées ? M. Roberge dit ne pas avoir de nombre exact, mais qu’il devrait l’avoir demain.

Et l’automne ?

Pour ce qui est de l’automne, si par malheur les écoles ne pouvaient rouvrir, tout sera mis en place, assure M. Roberge. « Nous aurons la ceinture et les bretelles. […] Comme toute la planète, on s’est fait surprendre en mars ; on ne se fera pas surprendre l’automne prochain. »

M. Roberge dit que des annonces sont à faire, mais que des discussions sont en cours avec des chaînes de télévision pour que des cours y soient donnés.

S’il parle aussi en passant du site internet créé par le ministère de l’Éducation qui contenait une foule de références et qui a été très visité, M. Roberge assure que, si les écoles restent fermées l’automne prochain, les parents ne se retrouveront pas à devoir fouiller eux-mêmes dans tout cela pour faire l’école.

Ça ne sera pas le parent qui sera l’enseignant.

Jean-François Roberge, ministre de l'Éducation

Il n’est pas impossible non plus que l’école soit « hybride » à la prochaine rentrée, que certains élèves s’y retrouvent en personne, en alternance, avance Jean-François Roberge.

« On n’a plus le droit à l’erreur »

« Après le flou en éducation des derniers mois, là, on n’a plus le droit à l’erreur, ni maintenant ni à l’automne », a réagi hier la députée Véronique Hivon, porte-parole en éducation pour les péquistes.

Mme Hivon dit s’être étonnée de l’absence de M. Roberge à la conférence de presse. Et quand M. Legault a admis qu’une période de six mois sans école était problématique, « je m’attendais à ce que la phrase qui suive soit : “Voici donc les mesures qui seront prises.” »

Au départ, rappelle-t-elle, le ministre Roberge a dit aux enseignants qu’ils étaient deux semaines en vacances, pour ensuite faire très attention de ne parler que de suivis facultatifs à assurer.

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Véronique Hivon, députée du Parti québécois

Ce « flottement » a assez duré, selon Véronique Hivon.

« À partir du moment où on annonce que l’école est arrêtée, il faut des mesures-chocs, notamment pour les élèves en difficulté d’apprentissage. »

Elle souhaiterait l’embauche immédiate d’orthophonistes et d’orthopédagogues du secteur privé en vue d’un suivi accru des élèves en difficulté.

« Pourquoi ne pas envisager des périodes de récupération par petits groupes, cet été ? »

Mme Hivon signale que depuis avril, en Ontario, des tablettes et des ordinateurs ont été prêtés aux enfants. S’il est vrai que des distributions auraient été commencées ici, Mme Hivon dit ne pas en avoir eu vent et n’avoir pas reçu les chiffres qu’elle demandait à ce propos.

De nombreuses tablettes devront aussi être configurées et ne pourront au mieux être distribuées que vers le 10 juin, à son avis.

La réouverture des écoles pour enfants handicapés n'est pas exclue

Le premier ministre du Québec, François Legault, n’exclut pas la réouverture des écoles pour enfants handicapés. Autrement, dans la région de Montréal, François Legault a invité les enseignants à communiquer avec leurs élèves. « Lors du retour à la fin août, début septembre, il y aura une certaine période pour rattraper le retard […] pour que les élèves puissent passer au prochain niveau », a précisé le premier ministre.

Le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Jean-François Roberge, n’était pas de la conférence de presse, a-t-il expliqué en entrevue, parce que la décision de fermer définitivement les écoles ce printemps s’est prise précipitamment, dès lors que les plus récentes données sur les cas de COVID-19 ont été connues.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a affirmé que « l’annulation de l’année scolaire devenait nécessaire pour limiter la propagation du virus dans la région métropolitaine ». Elle a toutefois dit craindre le risque du décrochage scolaire et même le stress que cela pourrait entraîner dans certaines familles.

Selon Mme Plante, des mesures doivent être prises, mais elle n’en a pas précisé la nature.

Pas impossible que la rentrée automnale se fasse à distance à tous les niveaux d’enseignement, mais M. Legault a dit qu’il va « tout faire pour que ça se fasse en personne. Un, c’est plus motivant. Deux, il y a une vie de jeunesse à vivre. Évidemment, il va falloir respecter certaines normes. »

Quant aux services de garde, leur réouverture est reportée d’une semaine, soit au 1er juin, si les données sur la COVID-19 le permettent.

— Kathleen Lévesque, La Presse