OK, allons-y avec la chronologie.

Le vendredi 1er mai, Horacio Arruda a annoncé que, dans la semaine à venir — donc avant le 8 mai —, Québec allait passer à 14 000 tests de dépistage par jour.

C’est important, le dépistage du coronavirus. Ça permet d’avoir un portrait un peu plus clair de l’épidémie, de la présence du virus dans une population. Ça permet de jauger si un territoire est mûr pour se déconfiner, par exemple.

Le 8 mai, le directeur national de santé publique a donc débarqué à Montréal-Nord, un des quartiers les plus touchés dans la ville la plus touchée par le coronavirus au Canada. C’était vendredi dernier. Il est venu annoncer qu’un dépistage massif allait cibler les quartiers chauds de Montréal, comme Montréal-Nord…

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le 8 mai, le Dr Horacio Arruda s'est rendu à Montréal-Nord, notamment en compagnie de la mairesse Valérie Plante, pour annoncer qu’un dépistage massif allait cibler les quartiers chauds de Montréal.

Donc, le 8 mai, dans le quartier-symbole de Montréal-Nord, coiffé d’un élégant chapeau assorti à sa veste de cuir bleue, Horacio Arruda est venu dire que la cadence des tests allait augmenter…

Je pensais que ç’avait été clair une semaine avant quand on nous avait annoncé les 14 000 tests quotidiens, mais peut-être que de le dire sur le terrain avec un masque, flanqué de la mairesse Valérie Plante, de la mairesse d’arrondissement Christine Black et de la directrice régionale de santé publique de Montréal, Mylène Drouin, rendait ça plus clair…

Mais il y a un hic…

Hier après-midi, lundi, trois jours après le passage remarqué d’Horacio Arruda à Montréal-Nord, le CLSC local où les gens de Montréal-Nord pouvaient se faire tester en était à ses dernières heures.

Sa fermeture était prévue pour la fin de l’après-midi.

Oui, oui, je sais : la STM offre un service d’autobus qui va trimballer des tests de dépistage mobile. Ce fut annoncé avant la visite du Dr Arruda. Ce fut un beau décor, ce bus, pour la visite du Dr Arruda à Montréal-Nord.

Mais dans Montréal-Nord, personne ne sait quand cet autobus de la STM sera dans les faits à Montréal-Nord !

Il n’y était pas lundi. Il était, me dit-on, dans Saint-Laurent, bien moins touché que Montréal-Nord. Il n’y sera pas ce mardi. À moins que quelqu’un ne lise cette chronique et ne détourne le bus vers Montréal-Nord. On me dit : peut-être jeudi.

Ou samedi.

C’est pas clair.

C’est souvent pas clair, non ? Mais je m’égare…

Oui, oui, on dira que les gens de Montréal-Nord sont « desservis » par un centre de dépistage. C’est ce que dira le CIUSSS local…

Mais ce centre de dépistage est à Rivière-des-Prairies. Pas à Montréal-Nord.

Ce n’est pas qu’un symbole : dans un des arrondissements les plus pauvres, c’est pas tout le monde qui a une bagnole pour aller à RDP…

Lundi après-midi, un peu après 15 h, la mairesse d’arrondissement Christine Black m’a confirmé que le CLSC allait cesser de faire du dépistage en fin de journée, qu’il n’y aurait plus possibilité pour les gens de Montréal-Nord de se faire tester à Montréal-Nord…

Pourquoi diable Horacio Arruda est-il allé faire un show à Montréal-Nord sur le dépistage massif un vendredi si le mardi suivant, les gens de Montréal-Nord ne peuvent pas se faire tester à Montréal-Nord ?

Où est la faille logistique qui permet une telle absurdité ?

Qui, du CIUSSS, du MSSS, du DSP national, de la DSP Montréal dort au gaz À CE POINT ?

J’ai reproché samedi à Horacio Arruda de faire de la politique. Enfin, je lui ai reproché de flirter avec le politique, ce qui n’est pas son rôle…

Est-ce trop demander qu’il ne fasse pas d’annonces publiques s’il ne peut pas « livrer » ?

Finalement, il y a eu des tractations en fin d’après-midi et en début de soirée lundi — disons que la mairesse Black a fait connaître son mécontentement, que la députée Paule Robitaille aussi et que la ministre de la Métropole, Chantal Rouleau, s’est mêlée dans ses pinceaux chez Patrice Roy — et que le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal a miraculeusement, providentiellement et heureusement, vu la lumière : deux équipes de prélèvements restent finalement au CLSC ! On l’a su lundi, autour de 19 h…

Est-ce trop demander que quelqu’un, quelque part, ait la décence et l’intelligence de s’assurer que le monde de Montréal-Nord sera bel et bien testé « massivement » quand le directeur national de santé publique vient y annoncer un dépistage « massif » ?

Sinon, on pourrait penser que le monde de Montréal-Nord a été utilisé pour être un beau décor, dans une stratégie de comm.

Oh, et tant qu’à ne pas être dans les arcs-en-ciel, ça fait maintenant 11 jours qu’Horacio Arruda a promis qu’on allait passer à 14 000 tests de dépistage par jour « d’ici une semaine », et on n’en est toujours qu’à 10 000…

Ai-je rêvé ou, porté par l’euphorie du moment, le directeur national de santé publique avait même évoqué que l’on passerait à « 30 000 tests » ? Je vérifie et… Et non, je n’ai pas rêvé. Heureusement, au sujet de ces 30 000 tests, le DSP n’a pas précisé l’année. Ça lui laisse une marge de manœuvre.

Je sais, je sais, il danse bien, Horacio, il est sympathique, il est adorable et comme vous, j’aimerais bien l’inviter à mon premier barbecue. Je sens que le party lèverait. Mais maudite affaire, il a tendance à parler à tort et à travers.

Évidemment, si le point de presse de 13 h n’est pour vous qu’une forme de divertissement — « District 13 » ! – visant à tuer l’ennui en ces temps de confinement, mes bémols peuvent ressembler à du bitchage…

Mais ces rendez-vous de 13 h ne sont pas de la fiction. C’est bien là le problème.

LE VRAI PORTRAIT — C’est utile quand même de dire qu’il faut faire attention quand on compare les États, quant aux morts de la COVID-19…

Ça permet de se faire croire qu’on calcule mieux que les autres.

Il faut rêver, ça fait du bien de rêver.

DOUG FORD — Le PM ontarien a triché, il a accueilli ses filles chez lui à la maison en fin de semaine…

Il s’est démené en s’expliquant, a dit qu’il n’a mis personne en danger, qu’il n’est pas en contact avec des vieux, que…

Qu’importe, il a triché.

En même temps, voici une opinion impopulaire : je pense que si on ne devient pas tous fous, c’est parce que des fois, on triche un peu…

Essayez pas, je le sais.

Oui, non, je sais, vous, Madame, vous ne trichez pas, vous, vous appelez la police.

PELCHAT — Martin Pelchat, notre chef des nouvelles, s'est éteint. Trop tôt, trop jeune. Il incarnait l’importance d’une salle de rédaction : il était la somme de près de 40 ans de journalisme, et toute cette connaissance rayonnait sur nous tous, de mille façons, elle améliorait nos textes, nos angles, nos flashs…

Et nous empêchait d’avoir l’air fou, des fois.

OK, souvent…

J’avais encore le réflexe de lui envoyer mes chroniques, pour savoir ce qu’il en pensait, je commençais à taper dans l’espace destinataires : mpe…

Et je me rappelais qu’il était sur la touche, malade.

Boss, je t’ai envoyée celle-ci avant publication. J’espère que tu l’aimeras, où que tu sois. Sache que chaque fois que tu me répondais « Maudite bonne histoire », j’avais un petit frisson de satisfaction…

Salut, Pelchat, ce fut un honneur.