Il y avait de la fébrilité dans l’air et de l’inquiétude chez les parents dont les enfants retournaient en classe lundi dans les Laurentides. Mais aussi un certain espoir de retrouver la vie d’avant. La Presse a assisté à cette rentrée tout sauf banale.

L’école d’après

Bien des choses ont changé en huit semaines. À l’école primaire Saint-Joseph, à Sainte-Adèle, où La Presse s’est rendue, de petits pieds jaunes avaient été peints au sol et des foulards rouges étaient accrochés à la clôture en maille de fer pour rappeler aux parents de garder leurs distances. Les horaires des dîners et des surveillants ont été revus ; les salles de classe, les toilettes et les aires communes ont été réaménagées. L’école prévoit accueillir environ la moitié de ses élèves d’ici mercredi. Lundi, seuls les petits de maternelle et de première année étaient de retour. Les élèves de deuxième et troisième sont attendus mardi. Les autres, mercredi. La Commission scolaire des Laurentides a opté pour un retour progressif dans toutes ses écoles primaires. « Le défi, évidemment, c’est de faire en sorte que les consignes soient suivies », explique le directeur général Bernard Dufour. Dans l’ensemble des écoles des Laurentides, c’est autour de 55 % des enfants qui reprennent cette semaine le chemin de l’école.

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Pascaline Bussard derrière ses jumeaux Myron et Madison; à droite, la directrice adjointe de l’école, Caroline Bédard

La peur du virus

Mère à la maison, Marie-Claude Landry l’avoue d’emblée : elle a un peu peur. « Jusqu’à hier, j’hésitais encore », confesse — t-elle devant l’école où elle est venue conduire son plus jeune, David, 6 ans, avec sa fille Anaïs, 9 ans. « J’ai écouté ce que disait M. Legault au sujet de l’immunisation. Je me suis dit que si on est pour l’attraper, aussi bien l’attraper tout de suite. » Boulette, le chien de la famille, était aussi du voyage.

Employée dans un salon de coiffure, Geneviève Beaucage est aussi anxieuse. « Avec tout ce qui circule, je ne sais plus rien. Au départ, je n’étais pas trop inquiète. J’ai eu un petit vent d’encouragement. Puis, là, on dirait que ça redevient inquiétant, tout ça », dit cette mère qui s’attend à recommencer à travailler dans deux semaines. Sa fille ira à l’école trois jours par semaine dans un premier temps pour s’acclimater à son nouvel environnement — « pas de service de garde, pas d’autobus scolaire ».

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Le petit David, 6 ans, était le seul de sa famille à recommencer l’école. Sa mère, Marie-Claude, sa sœur, Anaïs, et le petit chien Boulette sont venus l’y conduire.

Une décision difficile

Marie-Lou Desautels a mis du temps à se décider. « Il y a tellement d’information, actuellement. On s’y perd un peu. Moi, je suis quelqu’un qui prend des décisions basées sur des faits. Puis, on est tous en bonne santé dans la famille. Donc on espère ne pas l’attraper. Mais si jamais on devait l’attraper, on pense qu’on va passer au travers. » 

Employée dans une banque, Mme Desautels fait confiance à la direction de l’école pour bien protéger les enfants. Sa fille Marine, 6 ans, est en maternelle. Contente de retourner à l’école ? « Oui, mais avec mon masque, ça va être un peu chaud, répond l’enfant. J’étais bien pareil à ma maison. »

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Marie-Lou Desautels salue sa fille Marine, 6 ans.

Besoin de motivation

Cédric, lui, avait hâte de retrouver son enseignante. « Ma fille a hâte de revoir ses amis. Mon fils, [a hâte de retrouver] son prof, précise son père, Christian Lefebvre. Ça devenait difficile de les motiver et d’étudier à la maison. Ça va être bénéfique pour eux et pour la dynamique familiale de retourner à l’école. » Le troisième enfant de la famille attend sa place en service de garde. « La garderie est restée ouverte pendant les deux derniers mois. Elle rouvre progressivement avec des ratios plus faibles qu’avant. Donc, ça va prendre un peu plus de temps. »

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Christian Lefebvre

Mère et enseignante

Mélanie Carignan enseigne à l’école Saint-Joseph. Malgré cela, elle l’admet : « J’ai réfléchi, c’est sûr. » Mais elle a été rassurée par la façon dont la direction a pris les choses en main. Elle enseigne à temps partiel dans plusieurs classes et s’attend à avoir des groupes de 10 enfants. Son fils, Charles, est le premier de ses trois enfants à remettre les pieds à l’école. Lundi, il n’avait pas l’air si pressé de quitter sa mère. « Il s’en vient avec ses frères, habituellement. Mais il y en a un qui commence demain et l’autre, mercredi », explique Mme Carignan, qui se dit heureuse de retrouver ses élèves.

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Mélanie Carignan

Nouvelle routine

Geneviève Tremblay, mère de la petite Ariel Devillers, 6 ans, a aussi été rassurée par les procédures mises en place par l’école. « Ç’a été difficile. On en a discuté beaucoup. Mais on trouvait important pour la stimuler, pour avoir un suivi. Elle a une super bonne professeure. C’est sûr qu’on est inquiets un peu, mais on va prendre nos précautions à la maison. » 

Au retour de l’école, a prévenu sa mère, Ariel devra se dévêtir complètement. Ses vêtements iront directement dans la machine à laver et elle prendra son bain. « Moi, j’ai une maman qui habite en haut de chez moi qui n’est pas en bonne santé. Ariel n’aura pas de contact avec elle, mais on ne veut pas prendre de risques. » Agente de voyages, Mme Tremblay ne s’attend pas à reprendre le boulot de sitôt.

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Ariel et sa mère, Geneviève Tremblay, se font un dernier câlin avant que l’école recommence.

Vivre avec la COVID-19

Chloé Therrien n’est pas très inquiète. Sa fille Alicia, 5 ans, fréquente depuis déjà deux semaines le service de garde d’urgence installé dans l’école Saint-Joseph. « Je suis secrétaire médicale. Donc je travaille dans une clinique. On a été ouverts tout le long. Rendus là, si on pogne la COVID, on la pognera. »

Pascaline Bussard ne s’en fait pas non plus. « Moi, j’ai des jumeaux. Donc, j’ai la chance qu’ils ne se soient pas trop ennuyés pendant le confinement. Mais je trouve que c’est important de reprendre une vie sociale. De toute façon, il va falloir vivre avec le virus et que la vie reprenne son cours. » 

Ce qui inquiète davantage Mme Bussard, c’est le comportement des gens. « Ils sont devenus agressifs et très distants, complètement fous et sauvages, déplore-t-elle. Moi, je suis une maman qui vit un petit peu seule parce que le papa est routier et il part faire de longues distances. Donc, quand je vais faire mes commissions, je suis obligée de prendre les enfants et souvent, on me regarde de travers. »

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Alicia, 5 ans, et sa mère, Chloé Therrien