C’est commencé : depuis lundi, le Québec se remet graduellement en marche à l’extérieur de la grande région de Montréal. Le gouvernement a déjà prévenu qu’il fallait s’attendre à une hausse des infections et même des décès liés à la COVID-19. Mais à partir de quel seuil déclarera-t-on que l’épidémie reprend trop fort et qu’il y a lieu de réinstaurer certaines mesures ?

Québec n’a jamais publié de critères précis à ce sujet. Et en ce début de déconfinement, plusieurs observateurs aimeraient connaître les règles qui guideront la nouvelle période qui s’amorce.

« C’est problématique, juge Charles Milliard, PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Le principal problème pour nous, c’est l’incertitude. On sait que le milieu des affaires a besoin de prévisibilité, que ce soit pour la chaîne logistique, pour l’expérience client ou pour s’occuper des employés. »

M. Milliard pointe l’exemple de l’Allemagne, où les autorités ont fixé des règles chiffrées. Si, dans une région donnée, on enregistre plus de 50 infections par 100 000 habitants sur une période de sept jours, cette région devra imposer à nouveau des mesures de confinement.

Je m’étonne un peu qu’on n’ait pas encore entendu de chiffres similaires de la part du gouvernement du Québec, plutôt qu’une condition floue comme : on verra comment ça évolue. Ça responsabiliserait les gens d’avoir des objectifs chiffrés.

Charles Milliard, PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec

« Surtout, poursuit-il, que ce n’est pas une invention qu’on fait, on s’inspire de ce qui se fait ailleurs. »

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain a tenu des propos similaires.

« Du point de vue de la Chambre, tout ce qui peut contribuer à réduire l’incertitude est bienvenu, parce que ça aide les entreprises à prendre les décisions les plus éclairées possible. Nous invitons le gouvernement à s’inspirer de l’Allemagne, qui a défini des critères pour le reconfinement », indique Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Pas de seuils

En point de presse, la semaine dernière, La Presse a demandé au directeur national de santé publique Horacio Arruda et au premier ministre François Legault quels indicateurs seront suivis pendant le déconfinement pour savoir s’il faudra éventuellement resserrer la vis et réinstaurer certaines règles.

« Écoutez, ça va être en lien avec l’observation d’éclosions qui pourraient être rattachées aux mesures qu’on met en place », a répondu Horacio Arruda, sans avancer de seuils chiffrés.

Benoît Mâsse, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, estime aussi que Québec devrait dévoiler des règles claires à ce sujet.

« Quel va être le critère pour déclarer qu’on doit réappliquer les freins ? Ce critère sera-t-il gardé secret ? Et devra-t-on attendre les points de presse quotidiens pour savoir si on sera reconfinés le lendemain ? », s’interroge le spécialiste.

Comme citoyen ou directeur d’école et d’entreprise, ça serait très utile de connaître ce critère, ne serait-ce que pour planifier et anticiper ce qui s’en vient.

Benoît Mâsse, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

« Pour une famille, souligne-t-il, est-ce qu’elle veut prendre le risque de mettre un dépôt sur la location d’un chalet en juillet ? Tout un chacun, nous n’avons pas tous la même tolérance aux risques, et il serait très utile de connaître ce critère. »

À la Fédération des commissions scolaires du Québec, on se montre satisfait des règles en place pour gérer le déconfinement. « Les directives reçues du gouvernement prévoient que si un cas de COVID-19 est suspecté dans un établissement (élève ou employé), la personne doit être isolée dans une pièce prévue à cet effet. De plus, une trousse d’urgence prête à être utilisée en situation de COVID est disponible dans chaque établissement. Le cas échéant, les écoles devront suivre les indications et recommandations émises par la Santé publique. Cette procédure nous convient », dit Caroline Lemieux, directrice des communications et des affaires publiques de la fédération.

En France, un haut fonctionnaire chargé d’élaborer la stratégie de déconfinement a prévenu dans un document qu’un « reconfinement en urgence doit être anticipé ».

« La possibilité d’une réversibilité des mesures doit ainsi toujours pouvoir être offerte et l’éventualité d’un reconfinement en urgence doit rester dans les esprits et être anticipée par les pouvoirs publics », a précisé le fonctionnaire en question, Jean Castex.

— Avec l’Agence France-Presse