La pandémie de COVID-19 ne ralentit pas au Québec : la province a annoncé dimanche avoir enregistré 142 morts en 24 heures, ce qui place le Québec au septième rang mondial pour le nombre de décès quotidiens.

Seuls les États-Unis, l’Équateur, le Royaume-Uni, le Mexique, l’Italie et l’Espagne ont fait état d’un nombre de morts quotidiens supérieur à celui du Québec dans la journée de dimanche. Samedi, le Québec avait rapporté 61 morts. Au cours des sept derniers jours, la province a fait état d’environ 103 décès par jour en moyenne – les victimes étant logées en majorité dans des CHSLD ou des résidences pour personnes âgées.

Alors que s’amorcent lundi la première phase du déconfinement et le retour au travail de plusieurs à l’extérieur du Grand Montréal, le Québec a fait état de 735 nouveaux cas d’infection à la COVID-19 dimanche. On dénombre maintenant 37 721 cas d’infection. Au total, 2928 personnes ont perdu la vie au Québec depuis le début de la pandémie.

On retrouve 19 197 cas confirmés à Montréal, 4600 en Montérégie, et 4082 à Laval, qui sont de loin les endroits les plus touchés par la pandémie dans la province. Montréal est aussi en tête pour les morts, qui se chiffrent jusqu’ici à 1862 personnes dans la ville. À Laval, on compte 369 morts, et 237 en Montérégie.

Beaucoup de cas dans Mercier – Hochelaga-Maisonneuve

À Montréal, Mercier – Hochelaga-Maisonneuve est l’un des arrondissements les plus touchés par l’épidémie.

Samedi, on comptait 1432 cas de COVID-19 dans Mercier – Hochelaga-Maisonneuve. Jusqu’ici, l’arrondissement a enregistré 191 morts.

Alexandre Leduc, député de Québec solidaire dans la circonscription d’Hochelaga-Maisonneuve, qui représente environ le tiers de la superficie de l’arrondissement, indique que la situation est « stressante » pour lui et les citoyens qu’il représente.

« Le nombre des décès augmente vite depuis quelques jours. C’est inquiétant », dit-il en entrevue téléphonique.

M. Leduc et ses collègues élus de l’est de Montréal ont demandé au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal de leur transmettre des chiffres plus précis sur la localisation des foyers d’éclosion dans l’arrondissement, qui compte près de 140 000 habitants.

« Est-ce qu’il s’agit de décès reliés à la situation dans les CHSLD ? Est-ce que ce sont des cas de transmission communautaire comme ça semble être le cas à Montréal-Nord ? Est-ce plus concentré dans Mercier-Ouest, dans Mercier-Est, dans Hochelaga-Maisonneuve ? On devrait être en mesure de le savoir [lundi] », dit-il.

Raphaëlle Auger, qui habite le quartier Hochelaga-Maisonneuve, déplore que les gens qui circulent à pied dans la rue Ontario ne peuvent respecter les 2 mètres de distanciation, car les trottoirs ne sont pas assez larges.

« Après bientôt deux mois de confinement, il n’y a toujours pas de corridor sanitaire sur la rue Ontario, où se trouvent de nombreux commerces, dit-elle. C’est inquiétant, car avec la réouverture prochaine des commerces non essentiels, c’est certain qu’il va y avoir plus de monde. »

Sur un tronçon de la rue Ontario près du boulevard Pie-IX, un côté de trottoir est même fermé à cause d’un chantier arrêté depuis le début de la pandémie. « Les gens n’ont qu’un seul trottoir pour passer, ce n’est clairement pas sécuritaire. »

Hochelaga-Maisonneuve comporte une importante population en situation de précarité et de pauvreté, et certains ont hâte de sortir de leur petit logement. « Les gens n’ont pas de cour pour aller dehors, alors ils vont vouloir sortir sur le trottoir, ce qui est normal, mais l’infrastructure pour les accueillir n’est pas là », note-t-elle.

On retrouve plus d’une douzaine de CHSLD dans l’arrondissement, et certains sont touchés par la COVID-19, dont le Centre de soins prolongés Grace Dart, rue Sainte-Catherine Est, où travaillait la première travailleuse de la santé morte de la COVID-19 au Québec.

« Le Québec va trop vite »

De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer la stratégie de déconfinement mise de l’avant par le gouvernement Legault au moment où la contagion se poursuit à grande vitesse dans certaines parties du Québec.

En entrevue avec La Presse, dimanche, le Dr Isaac Bogoch, spécialiste des maladies infectieuses à l’Institut de recherche de l’Hôpital général de Toronto, s’explique mal la volonté de la province d’enclencher un retour à la normale d’ici à la fin du mois.

« Le Québec est l’épicentre du Canada, et Montréal est l’épicentre du Québec !, dit-il. Je crois que c’était la bonne décision de repousser la réouverture des écoles et des commerces au 25 mai dans le Grand Montréal, mais c’est difficile de cibler des dates, car beaucoup de choses peuvent se passer au cours des deux prochaines semaines. »

Environ 800 nouveaux cas d’infection à la COVID-19 sont annoncés par jour au Québec, ce qui est trop élevé pour dire que le virus est maîtrisé, dit-il. Une bonne partie de ces chiffres vient des CHSLD, mais il y a aussi beaucoup de transmission à l’extérieur de ces centres.

« Et là, il y a la récente éclosion à l’usine de transformation de viande Cargill à Chambly [où 64 travailleurs sont infectés]. Ça fait beaucoup », dit-il, ajoutant que les cas affectent surtout le Grand Montréal, mais que les gens se déplacent et peuvent rapidement transmettre l’infection à d’autres parties de la province lors d’une réouverture.

Le Dr Bogoch voudrait voir des chiffres semblables à ceux du Nouveau-Brunswick, où entre zéro et deux nouveaux cas sont annoncés chaque jour, ou bien à ceux de la Colombie-Britannique, une province qui est passée de centaines de nouveaux cas par jour à quelques dizaines.

« Je ne dis pas de ne pas rouvrir, mais la question du timing est cruciale. Je n’éprouve aucun plaisir à le dire, mais d’après moi, le Québec est la province la moins prête à rouvrir l’économie en ce moment. »