Le coronavirus responsable de la COVID-19 ne subit pas beaucoup plus de mutations que d’autres virus respiratoires. Et il ne montre pas pour le moment de propension à varier d’une saison à l’autre. Ces deux nouvelles encourageantes découlent d’une vaste analyse de ses mutations depuis l’automne dernier, par une équipe franco-allemande.

« Nous avons fait la plus importante analyse des différents génomes du SARS-CoV-2, 7666 séquençages dans plusieurs pays », explique François Balloux, du Collège universitaire de Londres, qui est l’auteur principal de l’étude publiée le 4 mai dernier dans la revue Infection, Genetics and Evolution. « C’est une richesse de données génétiques sans précédent dans l’histoire des épidémies et des pandémies. Il n’y a pas trop de variation, moins qu’on ne pouvait le craindre. »

Lors de la crise du SRAS en 2003, par exemple, seulement 15 séquençages du coronavirus responsable de ce syndrome, le SARS-CoV-1, avaient été réalisés. Le Dr Balloux a utilisé 70 % des séquences de SARS-CoV-2 qui ont été établies dans le monde pour son analyse.

L’équipe franco-britannique a constaté 198 mutations plus récentes, dont 15 dans la protéine de spicule (spike), qui permet au coronavirus de pénétrer dans les cellules humaines. Ces 15 mutations récentes pourraient expliquer pourquoi un coronavirus animal a soudainement eu la capacité d’infecter des humains, selon le Dr Balloux. L’analyse a aussi permis de découvrir des zones stables du virus, qui pourraient être utiles comme cibles de médicaments ou de vaccins parce que les mutations plus fréquentes permettent de créer des souches résistantes.

Le taux de mutation du SARS-CoV-2 est-il comparable à celui de la grippe saisonnière, qui doit faire l’objet de nouveaux vaccins chaque année à cause de ses multiples changements ? 

C’est trop tôt pour le dire. On sait qu’il ne semble pas y avoir de mutations liées à la température ou à l’humidité, qui donneraient une transmission plus importante l’hiver que l’été, comme dans le cas de la grippe. Mais il y a d’autres dimensions à la saisonnalité d’un virus, notamment la capacité génétique de profiter du froid ou du temps sec.

François Balloux, du Collège universitaire de Londres, auteur principal de l’étude

Une attaque aux multiples fronts

La grande surprise de l’étude des 7666 séquences de coronavirus est que la plupart des pays ont été attaqués sur plusieurs fronts. « Mis à part la Chine, et dans une moindre mesure l’Italie, on ne voit pas vraiment de “patient zéro”, dit le Dr Balloux. Il y a eu des introductions simultanées par plusieurs personnes infectées. »

Ce phénomène est lié à l’apparition de la maladie très tôt en Chine, en France et en Italie, bien avant la transmission de masse. « On a un cas en Chine à la mi-novembre, probablement un cas en Italie début décembre, des cas en France en décembre, dit le Dr Balloux. Ce sont probablement des cas qui n’ont pas donné lieu à une chaîne de transmission, du moins pas une chaîne importante. »

L’analyse montre que le passage de l’animal à l’humain a eu lieu entre le début octobre et le début novembre. Est-ce que cela exclut totalement que le virus ait été fabriqué en laboratoire en Chine, puis se soit « échappé » à l’extérieur ou ait volontairement été relâché, comme le veulent les accusations américaines ? « On ne peut pas prouver que le passage de l’animal à l’homme n’a pas eu lieu en laboratoire, dit le Dr Balloux. Mais il aurait fallu que le virus sorte du laboratoire quelques jours ou quelques semaines après avoir été créé à partir de l’animal. C’est très peu probable. »

Quelques chiffres de l’analyse

15

Nombre de séquences du coronavirus SARS-CoV-1 établies en 2003

255

Nombre de séquences du coronavirus MERS-CoV, responsable du syndrome respiratoire du Moyen-Orient, établies depuis 2012

11

Nombre de séquences du virus pandémique H1N1 établies en mai 2009, deux mois après son apparition au Mexique

11 000

Nombre de séquences du SARS-CoV-2 établies en trois mois et demi, depuis le premier séquençage en janvier

Source : Infection, Genetics and Evolution