Avec le confinement, la collecte des déchets est devenue titanesque au Québec au point de provoquer une pénurie d’éboueurs. Réclamant une aide spéciale, l’industrie prévient que « l’élastique est étiré au maximum ».

Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de rupture de service, juste des retards dans les collectes, mais c’est tendu, préviennent les ténors de l’industrie des matières résiduelles, recyclables, putrescibles et autres. En conséquence, ils se sont regroupés pour réclamer du gouvernement du Québec un fonds d’urgence pour la collecte des matières résiduelles, selon les informations obtenues par La Presse.

Plusieurs facteurs expliquent le bond astronomique des quantités de déchets de tout genre, mais la principale raison est le confinement; les gens ne vont pas au restaurant, ils font livrer des produits de tout genre à la maison avec cartons d’emballage, ils font le grand ménage intérieur et le nettoyage des terrains comme jamais auparavant. 

« On dirait que les gens raclent leurs terrains en double », ironise Bernard More, porte-parole de Services Matrec, l’un des géants de l’industrie au Québec, actif dans plusieurs grandes villes, dont Montréal, Longueuil, Laval et des municipalités de la Montérégie.

L’expert explique qu’un camion à ordures, qui prend en temps normal 2 h 30 à se remplir de son tonnage, est actuellement plein à ras bord en moins de 45 minutes. 

« Ça fait 12 ans que je travaille dans l’industrie, je n’ai jamais vu ça, ajoute M. More. Nos coûts en main-d’œuvre ont explosé eux aussi. Là, ça va, il n’y a pas de rupture de service, mais on ne pourra pas fonctionner comme ça éternellement. »

Clause catastrophe

Lors des grandes inondations, en 2019, le gouvernement de François Legault avait adopté un arrêté ministériel pour compenser les pertes financières de l’industrie considérée comme un service essentiel. Mais pas cette fois. 

Dans une demande d’aide d’urgence transmise cette semaine au ministère de l’Environnement, que La Presse a obtenue, les principaux dirigeants font valoir que les contrats avec les municipalités ne comprennent pas de clause sur l’augmentation du tonnage à cause d’une crise comme la pandémie.

Leurs demandes sont appuyées par le Conseil des entreprises en technologies environnementales du Québec (CETEQ), représentant plus de 600 entreprises de ramassage de matières résiduelles.

Appels au 311

À Montréal, les citoyens sont de plus en plus nombreux à appeler au 311 pour se plaindre de retards, ont confirmé certains arrondissements. Dans Saint-Léonard, par exemple, on explique que les dépôts sauvages laissés par les citoyens sont également problématiques, notamment dans les parcs. 

« En raison de la pandémie et du plus grand nombre de citoyens à la maison, il y a une plus grande quantité de matières qui sont déposées dans les différentes collectes de matières résiduelles, précise Julie Blais, porte-parole de l’arrondissement. Cette augmentation de matières à ramasser peut occasionner certains retards dans les collectes », a-t-elle confirmé. 

La Ville de Montréal-Est a pour sa part diffusé un avis sur son site internet cette semaine demandant d’appeler les services municipaux si le contenu des bacs n’est pas ramassé le jour prévu de la collecte. Selon le maire, Robert Coutu, les entrepreneurs sous contrats, JR Sanitaires et Derichebourg, ont de la difficulté à rassembler la main-d’œuvre nécessaire en temps de pandémie. 

Les mesures d’hygiène à respecter sont problématiques. Il y a aussi la peur d’être contaminé en manipulant les bacs, les déchets. Il y a un problème de main-d’œuvre.

Robert Coutu, maire de Montréal-Est

Les deux entrepreneurs n’ont pas donné suite à des demandes d’entrevue de La Presse. Mais dans l’industrie, on explique que former des camionneurs prend du temps. Et en ce moment, il y a toute une logistique à respecter pour nettoyer les camions, ajoute M. More, porte-parole de Services Matrec.

Ailleurs au Québec

Les élus de Gatineau ont récemment dénoncé de nombreux retards dans les collectes de matières résiduelles. La Ville de Gatineau a expliqué aux médias que les quantités de déchets et les problèmes de recrutement de main-d’œuvre dans un contexte pandémique étaient à l’origine des ratés. 

En raison des mesures d’hygiène à implanter, l’entreprise responsable d’un centre de tri dans la région de Victoriaville avait annoncé en avril devoir réduire aux deux tiers ses activités. Des mesures comme le port d’un masque, d’un survêtement et des mesures de distanciation ont depuis été implantées. Depuis, la situation aurait été rétablie.

Le Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval a fait appel au sens civique des citoyens dans les derniers jours en leur demandant de ne pas laisser leurs vieux appareils électroniques sur le bord du chemin. Dans un avis, le directeur Guy Garand a exhorté la population à les conserver jusqu’à la fin du confinement. 

Gobeuse de canettes en épicerie

La fermeture de ce qu’on appelle communément les gobeuses de canettes et bouteilles de boissons gazeuses en épicerie contribue à alourdir le fardeau en matières résiduelles. Dans le Grand Montréal, les écocentres demeurent ouverts, mais l’agglomération a demandé à la population, dans la mesure du possible, de remettre à plus tard les visites.