Le retour à l’école des enfants a été ordonné par des juges dans trois cas différents où les parents séparés étaient en désaccord sur ce qui devait être fait : l’un voulait, l’autre pas.

Dans un quatrième, la décision contraire a été rendue et la juge a ordonné que l’enfant reste à la maison jusqu’à la fin de l’année scolaire. La Presse canadienne a obtenu ces quatre jugements, tous datés de jeudi.

Alors que la réouverture des écoles primaires et des garderies fermées en raison de la pandémie de COVID-19 est imminente, ces décisions étaient attendues par de nombreux parents québécois.

Et ces quatre jugements reflètent bien comment la question divise actuellement.

Le retour en classe et en garderie – facultatif – est prévu pour lundi prochain dans la plupart des régions du Québec, le 19 mai dans certains secteurs de Lanaudière et le 25 mai dans le Grand Montréal.

Situations familiales différentes

L’autorité parentale appartient aux deux parents, et ils doivent prendre ensemble les décisions importantes dans la vie de leur progéniture, comme la fréquentation scolaire. En cas de désaccord, le tribunal doit trancher, en fonction du critère du « meilleur intérêt de l’enfant ».

Dans la première affaire, la mère voulait que ses enfants retournent en classe le 11 mai : étant travailleuse dans les services prioritaires depuis le début de la pandémie, elle n’était pas en mesure d’offrir un encadrement scolaire aux enfants durant son temps de garde. Le père voulait plutôt garder les enfants à la maison, alléguant essentiellement qu’il serait inutile de les exposer à des risques accrus de contracter le virus

Le juge Claude Villeneuve de la Cour supérieure a tranché en faveur du retour à l’école, en posant ce principe : « Il n’appartient pas aux tribunaux, mais plutôt aux autorités gouvernementales compétentes, d’évaluer les risques potentiels de contamination de la population en situation de pandémie ».

Bref, la décision du gouvernement de rouvrir les écoles primaires ne sera pas remise en question par les tribunaux, à moins qu’il ne soit démontré par les parents « qu’il serait contraire aux intérêts particuliers de leurs enfants de recommencer à fréquenter l’école, en raison, par exemple, de leur état de santé », est-il écrit.

Et dans le cas de ces enfants, leur santé n’était pas en cause.

Le magistrat a donc ordonné le retour à l’école, « à moins de nouvelles directives gouvernementales à l’effet contraire ».

Dans le second cas, la mère, qui a allégué des problèmes de santé personnels, voulait garder ses enfants à la maison. Le père s’opposait car il doit retourner au travail et il s’inquiétait pour ses enfants qui sont en échec scolaire. Pour l’aider, la mère a offert de les prendre à temps plein et de leur faire l’école à la maison.

Mais le juge a estimé que la mère n’a pas fait la preuve de son état de santé précaire. Il a ordonné le retour en classe, en bonne partie parce que les enfants vivaient des difficultés scolaires, ce qui était admis par les parents.

Il a rejeté l’offre d’enseignement de la mère car « si les enfants étaient déjà en situation d’échec avant la pandémie, et ce, en dépit des plans d’intervention scolaires mis en place par l’école », le juge ne voyait pas comment elle pourrait leur venir en aide seule.

Cette situation a manifestement pesé dans la balance du juge, qui écrit que dans ce contexte, « il serait même contraire à leur intérêt respectif de ne pas fréquenter l’école jusqu’en septembre prochain ».

Dans la troisième décision, cette question des difficultés scolaires a aussi été invoquée.

La mère souhaitait que son enfant réintègre l’école le 11 mai : il a des problèmes d’apprentissage et elle veut assurer de la réussite de sa 1re année. Le père s’opposait car il alléguait que son fils souffre d’asthme et ne voulait pas prendre de risque avec sa santé.

Ici, vu les difficultés scolaires de l’enfant – admises par les deux parents – la juge Claudia Prémont de la Cour supérieure a estimé qu’un retour en classe sera bénéfique pour lui.

Mais elle souligne que la condition médicale de l’enfant « pourrait conduire à prendre la décision inverse ».

Sauf qu’ici, elle n’est pas convaincue par la preuve que l’enfant est plus à risque : il ne prend pas de médication régulière, ne fait pas l’objet d’un suivi médical particulier et n’a jamais été hospitalisé, note-t-elle.

Un cas où une juge ordonne que l’enfant demeure à la maison

Dans une quatrième affaire, les faits étaient différents et le résultat l’a aussi été.

La mère souhaitait le retour en classe, mais le père voulait garder l’enfant à la maison – celui-ci fréquentait la maternelle, et non l’école – car sa nouvelle conjointe souffre du lupus, une maladie auto-immune.

La juge Claudia Prémont a retenu « l’état de santé sévère de sa conjointe qui ne peut prendre un risque plus élevé d’être infectée ».

Mais sa décision était aussi dans l’intérêt de l’enfant : si la juge avait ordonné le retour à la maternelle, le bambin aurait dû rester à temps plein chez sa mère et aurait été privé de voir son père pendant des semaines, ainsi que les autres enfants de ce dernier.

Son milieu familial aurait été chamboulé, a-t-elle jugé.