Oubliez les écouvillons à insérer dans le nez, le transport des échantillons, les réactifs qu’on se dispute partout sur la planète et les résultats qui mettent parfois des jours à être communiqués. Si le pari d’une équipe de l’École polytechnique s’avère payant, on pourrait à terme détecter la COVID-19 en quelques secondes avec un simple échantillon de salive.

Un tel test, précisons-le tout de suite, ne serait pas disponible avant plusieurs mois. Mais les chercheurs qui le développent estiment qu’il a le potentiel de changer la façon dont s’effectue le diagnostic des maladies infectieuses.

« C’est un projet à haut risque, mais à haut potentiel », résume Frédéric Leblond, professeur au département de génie physique de Polytechnique Montréal et chercheur au centre de recherche du CHUM.

L’idée est d’utiliser une technique appelée « spectroscopie Raman » pour tenter de déceler le virus de la COVID-19 dans un échantillon de salive. Le principe consiste à projeter un laser sur l’échantillon de salive, puis à examiner comment les différentes longueurs d’onde sont modifiées par celui-ci.

« Ça nous donne un spectre composé de pics et de vallées, une sorte de signature de l’échantillon », explique le professeur Leblond. L’hypothèse des chercheurs est que la signature de la salive sans le virus de la COVID-19 est différente de celle de la salive contenant le virus. 

C’est une hypothèse qui est soutenue par des résultats publiés au cours des dernières années.

Frédéric Leblond, professeur au département de génie physique de Polytechnique Montréal

Pour vérifier la thèse, les chercheurs commenceront par tester leur système avec des virus inactivés de la COVID-19, du rhume et de la grippe. Des tests auprès de véritables sujets, atteints ou non de la COVID-19, seront ensuite menés. Comme c’est le cas dans plusieurs autres projets de recherche en cours portant sur la COVID-19, l’intelligence artificielle sera mise à profit. C’est elle qui examinera les signatures fournies par la spectroscopie Raman et qui verra s’il est possible de distinguer les échantillons positifs des négatifs.

L’approche est très similaire à celle qui avait permis à l’équipe de concevoir une sonde de la taille d’un crayon capable de distinguer les tissus sains des tissus cancéreux en une fraction de seconde. Cet outil, notamment conçu pour être utilisé pendant les opérations chirurgicales, est aussi basé sur la spectroscopie Raman et des algorithmes d’intelligence artificielle.

De premiers résultats en juin

Frédéric Leblond, qui travaille notamment avec la Dre Dominique Trudel, pathologiste au CHUM, affirme qu’un tel test pourrait tenir dans une valise et être transporté dans des cliniques, des aéroports ou même dans les transports publics.

« Si ça fonctionne, ce serait vraiment rapide et très simple. À la limite, on peut imaginer ça dans un Jean Coutu », dit-il. À peine quelques microlitres de salive seraient nécessaires pour établir un diagnostic. Difficile, toutefois, de dire quand un tel test pourrait être déployé sur le terrain.

« L’objectif est d’avoir un protocole d’acquisition de données qui fonctionne d’ici six semaines, dit Frédéric Leblond. Ensuite, on voudrait faire 100 patients dans un horizon de trois mois. À ce moment, on va avoir une bonne idée si on a un modèle assez robuste. C’est sûr qu’il va falloir éventuellement plus de patients, mais ça va dépendre. Si on a un signal vraiment clair qui fonctionne après 100 patients, on pourra commencer à l’utiliser rapidement. »