Il y a quelques semaines, les spécialistes à Sainte-Justine ont remarqué des formes atypiques de la maladie de Kawasaki chez de jeunes patients. Les tests de COVID-19 se sont révélés négatifs. Mais les médecins montréalais n’étaient pas les seuls à se questionner sur ces symptômes inhabituels en pleine pandémie : leurs confrères français et britanniques ont sonné l’alarme cette semaine sur un possible lien entre le coronavirus et une hausse du nombre de cas probables de ce syndrome vasculaire rare.

La maladie se manifeste habituellement par de la fièvre sur plusieurs jours, des éruptions cutanées, des rougeurs aux lèvres, des gonflements aux mains et aux pieds. Elle cause l’inflammation des vaisseaux sanguins et peut toucher le cœur. On ne connaît pas sa cause exacte, mais elle peut être traitée grâce à la transfusion de gammaglobuline et à l’aspirine.

Il n’y a pas de test de dépistage de la maladie de Kawasaki, qui est diagnostiquée en se basant sur les symptômes ; en Europe, on parle donc d’une hausse des cas probables, puisqu’on ne peut confirmer avec certitude qu’il s’agisse du même syndrome.

Étude à Sainte-Justine

À Sainte-Justine, une étude est en cours pour tenter de savoir si les patients hospitalisés avec ce type de symptomatologie pourraient avoir été infectés à la COVID-19.

« On ne sait pas encore, on va l’étudier, note le DElie Haddad. En Europe, ils ont réussi à montrer que certains de ces cas étaient liés à la COVID. Mais ils ont eu aussi beaucoup de cas qui n’étaient pas liés à la COVID, donc c’est un mélange des deux et on est en train de faire la part des choses. »

Le chef du service d’immunologie et de rhumatologie pédiatrique à l’Hôpital Sainte-Justine et clinicien chercheur en immunologie pédiatrique insiste qu’il n’est pas rare de voir des symptômes atypiques dans la maladie de Kawasaki, même hors pandémie.

N’empêche, en cette ère de COVID-19, tous les syndromes inflammatoires sont analysés avec le prisme du coronavirus en tête, pour faire avancer les connaissances.

L’alerte lancée par les autorités sanitaires de Royaume-Uni et de France, pour avertir d’une possible corrélation, pourrait-elle avoir un impact sur le retour des élèves en classe ?

Pour le DHaddad, il s’agit possiblement d’un « nouvel élément de la maladie qui touche les enfants, peut-être pas ». Il note que les rares patients qui ont eu la maladie dans les dernières semaines ont bien réagi au traitement habituel. « Mais on en apprend tous les jours », nuance-t-il.

Les enfants sont moins touchés par les complications graves de la COVID-19, selon les statistiques recueillies partout dans le monde.

Des symptômes atypiques

Ces dernières semaines, c’est « une grosse fièvre, de gros syndromes inflammatoires, des anomalies au niveau de l’échographie du cœur », qui ont attiré l’attention des médecins de Sainte-Justine. Au Royaume-Uni, des douleurs abdominales et des troubles gastro-intestinaux ont aussi été rapportés. Des symptômes se rapprochaient aussi du syndrome du choc toxique.

La Dre Rosie Scuccimarri, rhumatologue pédiatrique à l’Hôpital de Montréal pour enfants, s’intéresse de près à la maladie de Kawasaki. Elle précise bien qu’il n’y a pas de corrélation confirmée entre la COVID-19 et le syndrome. Mais s’il y en avait un, elle ne serait pas étonnée.

« On ne connaît pas encore la cause de la maladie [de Kawasaki], mais nous pensons que c’est dû à une réaction immunologique anormale à une infection chez un enfant génétiquement prédisposé, explique-t-elle. Ça ne me surprend pas si on voit des cas associés avec la COVID-19 parce qu’on trouve souvent cette maladie liée à d’autres infections virales comme l’influenza et l’adénovirus. »

Quand la maladie n’est pas traitée, elle peut laisser des séquelles aux artères du cœur de l’enfant, dans 25 % des cas, précise-t-elle, soulignant l’importance de ne pas prendre les symptômes à la légère.

Normalement, la maladie de Kawasaki est plus présente chez les jeunes enfants. Dans les cas suspectés de cette maladie en lien avec la COVID-19, les enfants étaient de plusieurs âges.

Consulter

Le DShaun Morris, pédiatre à l’Hospital for Sick Children à Toronto dirige une étude pour le Programme canadien de surveillance pédiatrique sur la COVID-19 chez les enfants ayant une morbidité associée chronique. Il suit les nouvelles de ses confrères européens avec intérêt.

L’important reste pour lui que les parents soient alertes aux symptômes de leurs enfants. Les statistiques, qui montrent que les enfants sont moins à risque de complications avec la COVID-19, ou la peur de se rendre à l’hôpital en raison de la pandémie ne devraient pas dissuader les parents de consulter un médecin. « Personne ne connaît mieux un enfant que ses parents, dit-il. Si le parent voit que l’enfant ne va pas bien et est inquiet, il devrait consulter le médecin, peut-être appeler avant de se rendre aux urgences. »

Avec la maladie de Kawasaki, les complications peuvent généralement être évitées si le traitement est donné assez rapidement, note la Dre Scuccimarri.

Malgré l’apparition récente de cas inhabituels, signalés en Italie, en France, aux États-Unis, en Espagne, en Belgique et au Royaume-Uni, la maladie reste rare et concerne un petit nombre d’enfants.

La Société canadienne de pédiatrie et l’Association des pédiatres du Québec ont dit suivre « de près » la situation.

La seule certitude des scientifiques pour l’instant est le besoin de recherches. Le DHaddad comme le DMorris utilisent tous les deux le même mot face au virus : l’humilité. « Vraiment, dans cette maladie, il faut vraiment être humble, souligne le DHaddad. On apprend tous les jours. Et les choses qu’on savait par le passé ne sont pas forcément vraies. »