Les réactions n’ont pas tardé à fuser après que Québec eut dévoilé son plan pour la réouverture graduelle des écoles. Les doutes sont nombreux chez les parents et les enseignants. Des questions complexes se poseront aussi sur le plan juridique.

Parents

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Sophie Banford, mère de deux garçons de 7 et 14 ans

J’ai une entreprise avec des employés qui vont revenir travailler. J’aurais besoin d’envoyer mon plus jeune fils à l’école. Il faut que je gagne ma vie. Mais mon ex qui attend un enfant avec sa nouvelle conjointe préfère qu’il n’aille pas à l’école pour ne pas risquer de contaminer la famille. Il va falloir trouver une solution pour le garder à la maison, mais cette solution, nous ne l’avons pas. Le fait que le retour à l’école ne soit pas obligatoire crée des problèmes supplémentaires.

Sophie Banford, mère de deux garçons de 7 et 14 ans

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Marie-Claude Marsolais, mère de deux garçons de 4 et 6 ans

Je fais confiance aux autorités de santé publique. S’ils disent que les élèves du primaire peuvent retourner à l’école, je ne suis pas inquiète. Je comprends pourquoi il faut revenir à la vie normale. Sinon, la solution, c’est d’attendre un vaccin, et ça va prendre un an ou deux. Je me dis qu’on va peut-être tous finir par attraper le coronavirus. Mais je suis contente, c’est la lumière au bout du tunnel.

Marie-Claude Marsolais, mère de deux garçons de 4 et 6 ans

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Véronique Alarie, mère d’une fille de 4 ans et d’un garçon de 6 ans

Sincèrement, je n’ai pas encore une opinion claire sur le sujet. Je ne peux pas dire que j’ai hâte parce que je suis un peu inquiète. J’ai surtout hâte d’en discuter avec l’enseignante de mon fils, qui a de petites difficultés d’apprentissage. Je veux savoir si ça va être important qu’il soit dans les premiers à retourner en classe. Mais si c’était juste de moi, je serais prête à continuer à faire l’école à la maison jusqu’à ce qu’on trouve un vaccin, même si ça prend deux ans.

Véronique Alarie, mère d’une fille de 4 ans et d’un garçon de 6 ans

Que le dernier mot revienne aux parents est une bonne chose, tout comme le fait qu’on pourra aller récupérer des effets personnels à l’école comme des manuels scolaires, des cahiers d’exercices ou même des espadrilles. On est un peu déçus qu’il n’y ait pas de possibilité pour les jeunes du secondaire de retourner à l’école. Eux aussi ont hâte de socialiser et de revoir leurs amis, et il y a aussi des élèves vulnérables au secondaire. On espère qu’ils ne soient pas mis de côté et que le soutien arrive.

Kevin Roy, président de la Fédération des comités de parents du Québec

Enseignants

PHOTO LA PRESSE CANADIENNE

De quelle façon vais-je pouvoir aider mes élèves si je ne peux pas les approcher ? Ça ne se fait plus, le prof qui parle en avant et la classe dans laquelle il ne se passe rien. Il va falloir qu’on change notre façon de travailler et je me demande comment on va faire pour s’ajuster en deux semaines. C’est certain qu’on pense à notre santé, mais si on se compare aux infirmières, je serais mal placée pour me plaindre.

Mélanie Garant, enseignante de 5e et 6e année dans la région de Kamouraska

Une fois de plus, les directives du Ministère oublient de tenir compte de la réalité montréalaise : la pénurie de profs, les milieux défavorisés, les parents et les élèves allophones, etc. Nous avons plusieurs doutes sur la faisabilité de respecter les mesures de distanciation sociale dans le contexte montréalais.

Catherine Beauvais-St-Pierre, présidente de l’Alliance des professeures et des professeurs de Montréal

On avait émis la recommandation que l’école ne soit pas facultative et que les élèves ne passent pas automatiquement d’une année à l’autre. On veut pouvoir accumuler des traces, des travaux, pour pouvoir entre autres améliorer les résultats des élèves qui ont eu des difficultés. Oui, on a l’impression d’avoir été entendus par Québec. […] Même en temps de pandémie, il faut continuer à toujours encourager la persévérance scolaire.

David Bowles, président de la Fédération des établissements d’enseignement privés du Québec

Le point de vue d’un juriste

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Me Alain Roy, professeur en droit de la famille à l’Université de Montréal

Que se passera-t-il si un parent souhaite le retour à l’école, mais pas l’autre ? En vertu du droit de la famille québécois, aucun des parents n’aura préséance sur l’autre. On parle ici d’un enjeu fondamental qui suppose une prise de décision à deux. Si impasse il y a, elle devrait donc être tranchée par le tribunal. Or, les tribunaux n’entendent que les cas d’urgence à l’heure actuelle. [...] Dans les cas de garde partagée, les autorités dérogeront-elles à ce principe de collégialité pour attribuer à chacun des parents le pouvoir de décider seul de ce qu’il souhaite pour sa propre période de garde ? […] Que vaudra un tel aménagement pour le parent qui souhaite garder l’enfant en raison de ses inquiétudes sanitaires ? L’enfant sera exposé aux ‟risques” appréhendés une semaine sur deux…

Me Alain Roy, professeur en droit de la famille à l’Université de Montréal

La position d’un microbiologiste

PHOTO PATRICK SANFACON, ARCHIVES LA PRESSE

Personnellement, oui, j’entends envoyer mes enfants à l’école quand elles rouvriront. La décision de rouvrir les écoles est politique et économique, et oblige les parents à faire un pari statistique. Car si les enfants semblent les moins à risque, quelques-uns tomberont quand même malades. [...] Si plus personne ne bouge, du strict point de vue de la santé physique, il y aura moins de risques, c’est certain. Mais en tenant compte des autres paramètres – les dangers sociaux du confinement, la reprise de l’économie, etc. –, la réouverture des écoles m’apparaît être un moindre mal. [...] Mais si les enfants ou leurs parents souffrent de diabète, d’asthme, d’hypertension, d’une maladie cardiovasculaire ou s’ils prennent des médicaments qui portent atteinte au système immunitaire (les chimiothérapies, mais pas uniquement), mieux vaut user de prudence et rester à la maison.

Christian Jacob, président de l’Association des microbiologistes et père de deux enfants, l’une en garderie et l’autre à l’école primaire