Des syndicats de préposés aux bénéficiaires demandent carrément au gouvernement Legault de fixer leurs conditions de travail dans les résidences privées pour personnes âgées.

« Il trouve qu’on n’est pas assez payés ? Bien qu’il les décrète nos conditions de travail ! La balle est dans le camp du gouvernement », s’est exclamée en entrevue mardi Sylvie Nelson, présidente du SQEES.

Ce sont deux grands syndicats affiliés à la FTQ — le Syndicat québécois des employés de service (SQEES) et l’Union des employés de service (UES) — qui ont adressé une lettre à ce sujet au ministre du Travail et de l’Emploi, Jean Boulet.

Le SQEES est le plus grand syndicat de préposés aux bénéficiaires dans les résidences privées pour personnes âgées au Québec. Il en représente 10 000 dans le privé, voire 12 000, si on inclut les travailleurs autres que préposés aux bénéficiaires dans ces résidences.

Dans le privé, les préposés aux bénéficiaires gagnent souvent 13 $ à 14 $ l’heure.

Ils viennent d’obtenir une prime de Québec, de 4 $ l’heure, mais celle-ci est temporaire pour la durée de la crise du coronavirus. Et le premier ministre François Legault a affirmé publiquement que même à 17 $ l’heure, ceux-ci n’étaient pas suffisamment payés encore, compte tenu de la lourdeur de leurs tâches.

« Des peanuts »

« On se fait offrir des peanuts » par les employeurs, se plaint Mme Nelson.

Il s’agirait pour Québec d’adopter un décret de convention collective pour ces travailleurs, qui œuvrent dans les résidences privées pour aînés (RPA), les CHSLD privés, les ressources intermédiaires, les ressources de type familial et les centres d’hébergement privés.

« Explorer des pistes de solution »

Le cabinet du ministre du Travail, Jean Boulet, a confirmé mardi la réception de la lettre. « Je suis sensible à la question des conditions de travail dans les résidences privées pour aînés. J’ai d’ailleurs demandé que l’on explore les pistes de solutions possibles pour améliorer les conditions de travail dans ce secteur », a-t-il commenté.

Legault : de la pression

Interrogé à ce sujet mardi, le premier ministre Legault a soutenu que le fait, pour Québec, de rehausser la rémunération des préposés dans le public allait « mettre de la pression » sur les entreprises privées qui exploitent des résidences.

« Est-ce qu’il faut fixer (la rémunération) dans chaque établissement privé ? Peut-être », a-t-il lancé.

Il s’est empressé d’ajouter que la situation était différente dans les résidences privées et les CHSLD privés non conventionnés, par exemple. « Il ne faut pas tomber dans l’hyper bureaucratisation. »

En janvier dernier, le ministre Boulet avait répondu que pour adopter un tel décret, il faudrait que la demande provienne aussi des employeurs privés.

« On a déjà approché les employeurs et eux n’ont aucun intérêt à demander un décret » qui rehausserait le salaire de leurs employés, a répliqué Mme Nelson.

Ce qu’est un décret

Un décret de convention collective touche tant les syndiqués que les non-syndiqués. Il accorde des conditions de travail minimales aux travailleurs d’une industrie donnée.

Il en existe 15 au Québec, notamment dans l’entretien d’édifices publics et dans les agences de sécurité. Ils sont ensuite gérés par des comités paritaires.

Dans les résidences privées pour aînés, « ils l’ont l’argent pour payer nos travailleurs ; il y a beaucoup d’argent qui se fait sur le dos des personnes âgées », a tonné Mme Nelson.

Dans leur requête pour obtenir un décret de convention collective, le SQEES et l’UES ont obtenu l’appui du Syndicat des Métallos, un autre syndicat affilié à la FTQ, qui représente également quelques centaines de préposés dans les résidences privées pour aînés.

La loi

La loi dit spécifiquement qu’« il est loisible au gouvernement de décréter qu’une convention collective relative à un métier, à une industrie, à un commerce ou à une profession, lie également tous les salariés et tous les employeurs professionnels du Québec, ou d’une région déterminée du Québec, dans le champ d’application défini dans ce décret ».

La loi mentionne aussi que « toute partie à une convention peut demander au gouvernement l’adoption du décret ».