(Québec) Faut-il rouvrir les écoles et les garderies au plus tôt ou vaut-il mieux attendre en septembre ?

Au sein du caucus caquiste, les avis sont très partagés sur cette question d’actualité.

La perspective d’un déconfinement hâtif du milieu scolaire et des garderies fait craindre le pire à certains députés, tandis que d’autres le réclament ardemment. Entre les deux, on trouve aussi ceux qui préfèrent ne pas se prononcer, laissant ce soin aux experts.

Il y en a donc pour tous les goûts et au bout du compte, il reviendra au premier ministre François Legault de trancher, après avoir analysé les pour et les contre des divers scénarios.

Lundi, il a indiqué que le scénario d’une réouverture le 4 mai était abandonné, sans vouloir se commettre davantage. Il a laissé entendre qu’on débuterait par les services de garde.

Chose certaine, le gouvernement va procéder « graduellement ». Pas question d’ouvrir les garderies, les écoles et les entreprises « en même temps à l’automne ».

Un coup de sonde lancé par La Presse canadienne auprès d’une dizaine de députés de l’équipe gouvernementale au cours des derniers jours montre qu’une reprise rapide des activités est loin de faire l’unanimité.

Un député n’hésite pas à parler de « grogne » qui pourrait contaminer le caucus de la CAQ, si jamais ce scénario s’avère.

Quoi qu’il en soit, chose certaine, les élus sont nerveux, inquiets. Et ils ont peur de parler publiquement. Sauf une, tous les députés contactés ont accepté de parler à une condition : que ce soit sous le couvert de l’anonymat.

La « grosse cote d’amour » de la population envers le premier ministre — qui enregistre un taux d’appui de 95 % selon un récent sondage Léger — a de quoi inhiber les députés « qui n’osent pas critiquer » leur chef, même si parfois ils en ont envie, dira un membre de son équipe.

Mais sur un point il y a unanimité : quel que soit le scénario retenu, le caucus se rangera derrière son chef. Sa « crédibilité » dans la population le rend inattaquable, observe un élu.

De l’avis d’un membre du caucus caquiste, « beaucoup de députés ont des craintes de voir le premier ministre permettre un déconfinement rapide » des écoles, ce qui serait une erreur, et montrerait que le gouvernement est déconnecté de la population.

On dit anticiper que le premier ministre pourrait être tenté de céder aux pressions des membres de son gouvernement proches du milieu économique et d’abord préoccupés « par les signes de dollar », pour précipiter les mesures de déconfinement.

Il y aurait alors « un ressac politique assez important » si le gouvernement allait trop vite, insiste un élu qui se range dans le camp des prudents et exhorte son chef à « bien gérer la sortie de crise » pour conserver sa cote de popularité.

Tous s’entendent pour dire que le premier ministre a créé une onde de choc, le 10 avril, en conférence de presse, en évoquant la perspective d’ouvrir les écoles même « avant le 4 mai ».

« On a senti la secousse » sur le terrain, en voyant la réaction des citoyens au bureau de comté, confie un député, heureux de constater que le premier ministre s’était depuis ravisé devant le tollé suscité par son intervention, en affirmant qu’il ne prendrait aucune décision sans l’aval de la santé publique.

Mais le mal était fait. En quelques jours, une pétition réclamant le report de l’ouverture des écoles en septembre a ramassé 180 000 noms.

La députée d’Iberville, Claire Samson, fait partie des députés inquiets et convaincus qu’une réouverture à court terme serait une erreur.

« C’est trop vite », car le réseau n’aurait pas le temps de s’organiser, de « se revirer de bord », dit-elle, pensant à toutes les mesures et consignes à mettre en place : désinfection des lieux, distanciation sociale, transport scolaire, etc.

La reprise des activités en milieu scolaire et dans les garderies devra se faire de manière « exemplaire », fait-elle valoir, le gouvernement n’ayant pas droit à l’erreur.

Car si jamais « un seul enseignant, une seule éducatrice » attrapait le virus, on assisterait « à un branle-bas de combat » politique, selon elle.

Mme Samson se demande s’il n’est pas plus réaliste d’ouvrir les écoles seulement à la mi-août, pour rattraper le temps perdu avant d’entreprendre la nouvelle année scolaire en septembre.

Mais cet avis n’est pas partagé par tous. Un collègue député croit qu’une réouverture « n’est pas plus logique en septembre qu’en mai », puisque le virus circulera toujours dans la communauté et qu’il n’y aura toujours pas de vaccin disponible.

Ce dernier est partisan d’une « immunisation collective » facilitée par le retour en classe rapide des enfants, qui ne courent « pas de risque » d’attraper le virus ou d’en être très affectés, selon lui.

Le directeur national de la santé publique, Horacio Arruda, a déjà affirmé à ce sujet que les enfants participaient à « l’immunisation naturelle de la population ».

Ce député dit craindre par ailleurs que les syndicats d’enseignants profitent de la crise actuelle pour monnayer des avantages corporatistes. Il se demande aussi « pendant combien de temps on va continuer à payer les professeurs », alors qu’ils restent à la maison.

Un autre élu caquiste, qui hésite à trancher, fait valoir que « la logique du déconfinement est exponentiellement plus complexe » que celle du confinement.

D’autres, enfin, insistent pour dire qu’il revient aux experts de la santé publique et non aux députés de se prononcer sur la question.

Alors quel que soit le moment choisi par ceux qui prendront les décisions, « je suis derrière eux à 100 % », dira une députée.

Ce n’est pas le temps de jouer les « Jos Bleau », renchérit une autre, qui insiste elle aussi pour laisser toute la place aux experts, qui s’appuieront sur des données empiriques.

Depuis le début de la crise sanitaire, les députés caquistes tiennent deux caucus téléphoniques par semaine. Le premier ministre Legault prend part à un des deux.

Tous saluent la qualité d’écoute de M. Legault, qui ne cherche pas à les influencer, préférant savoir ce qui se passe sur le terrain.

Les avis divergent cependant sur le processus de consultation du caucus en temps de crise. Si certains restent sur leur faim, la plupart n’avaient rien à redire, estimant qu’ils étaient suffisamment consultés et bien informés de ce qui se passe. De l’information sur la crise, « il y en a trop », estime un député.