(OTTAWA) Le Canada tente d’obtenir une prolongation du permis de séjour de ses ressortissants qui n’ont toujours pas été rapatriés et qui pourraient être contraints de demeurer dans un pays étranger pendant encore plusieurs semaines, faute de vol commercial.

Le ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, a indiqué que ce dossier a été abordé durant les discussions qu’il a eues avec ses homologues d’une douzaine de pays lors d’une récente conférence téléphonique.

Ce dossier devrait être de nouveau à l’ordre du jour lors de la sixième conférence téléphonique que M.  Champagne doit organiser ce vendredi avec ses vis-à-vis de l’Allemagne, de la France, de l’Angleterre, de la Turquie, de la Corée du Sud, du Brésil, du Mexique, de l’Indonésie, de l’Australie, de l’Afrique du Sud, de Singapour, du Pérou, du Maroc et de l’Union européenne.

Depuis plus d’un moins et demi, et à l’instigation de M.  Champagne, les ministres des Affaires étrangères de ces pays se donnent un rendez-vous quasi hebdomadaire afin de discuter des enjeux liés à la COVID-19 qu’ils ont en commun. À la prochaine conférence téléphonique, l’Inde a fait part de son intérêt à y participer.

Au cours des dernières semaines, les responsables de la diplomatie étrangère de ces pays ont pu coordonner leurs efforts pour rapatrier leurs ressortissants respectifs dans un contexte des plus difficiles, discuter des mesures à prendre pour protéger la chaîne d’approvisionnement mondiale en biens essentiels, faciliter l’établissement de ponts aériens et protéger les routes maritimes.

La prolongation des permis de séjour pour les ressortissants qui n’ont pas été en mesure de rentrer dans leur pays fait maintenant partie de dossiers prioritaires.

« L’objectif, c’est de s’assurer que nos ressortissants ne se trouvent pas en violation technique de leur visa ou de leur permis de séjour. Il n’y a pas que des Canadiens qui pourraient se retrouver dans cette situation. Il y a aussi des Australiens, des Britanniques, des Français, etc. Cela fait partie des enjeux que l’on aborde ensemble », a indiqué M.  Champagne dans une entrevue accordée à La Presse.

Le ministre a indiqué que les opérations visant à rapatrier les voyageurs canadiens qui se trouvent toujours à l’étranger sont à « 75 % à 80 %  » terminées. En date de mardi, les autorités canadiennes ont pu rapatrier 16 606 Canadiens en provenance de 65 pays à partir de 119 vols. Il a répété que malgré tous les efforts qui ont été déployés jusqu’ici, « on ne pourra pas ramener tout le monde ».

Quant au nombre de ressortissants canadiens qui pourraient avoir besoin d’une prolongation de permis de séjour ou de visa, il est difficile d’en dresser un portrait précis. Tout dépendra du succès des opérations de rapatriement qui auront lieu au cours des prochains jours et du nombre de Canadiens qui se seront inscrits auprès des services consulaires.

« S’il y a un moment dans l’histoire où on doit plus collaborer, c’est bien maintenant. Chaque jour, j’ai toujours l’impression que l’on fait un pas de plus », a affirmé le chef de la diplomatie canadienne.

« Dans le cas des opérations de rapatriement, c’est durant ces discussions que plusieurs pays ont décidé de mettre leurs ressources en commun pour faciliter les opérations. On devrait avoir une déclaration commune sur d’autres mesures que l’on veut prendre ensemble après notre rencontre du 17 avril », a-t-il aussi avancé.

Au départ, M.  Champagne avait comme objectif de créer un sous-groupe de pays membres du G20 pour discuter des enjeux liés à la pandémie de la COVID-19. Alors que certains de ses collègues évoquaient les problèmes qu’ils éprouvaient dans les efforts de rapatrier leurs ressortissants au Pérou et au Maroc, M.  Champagne a décidé d’inviter les ministres des Affaires étrangères de ces deux pays à participer à la conférence téléphonique pour les sensibiliser.

« Je voyais bien que nous avions tous les mêmes enjeux au Pérou et au Maroc. J’ai alors demandé au ministre des Affaires étrangères du Pérou de se joindre à l’appel, comme celui du Maroc. Et ils participent toujours aux appels aujourd’hui, même s’ils ne font pas partie du G20 », a-t-il raconté au bout du fil.

« Ce que j’aime dans la composition régionale, c’est d’abord l’importance des joueurs autour de la table. Ce n’est pas un groupe fermé. Ceux qui veulent s’y joindre – c’est au niveau ministériel – peuvent le faire. Cela nous a permis de développer des liens, de raffermir des liens. Aux dires des collègues, c’est le seul appel régulier qui se tient dans le monde sur la COVID-19 aujourd’hui », a-t-il pris soin de relever.

L’esprit de collaboration qui règne durant ces appels donne espoir à François-Philippe Champagne. Cela pourrait renforcer le multilatéralisme, mis à rude épreuve en ce moment par les États-Unis depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump à Washington.

« Il y aura peut-être un renforcement du multilatéralisme dans le sens où les gens auront vu la nécessité de coordonner, de coopérer et de collaborer face à des enjeux qui dépassent les frontières. On le voit au niveau des changements climatiques, on le voit au niveau du nouveau coronavirus. On est en train de se donner des exemples très concrets où le multilatéralisme prend tout son sens », a-t-il affirmé.