(Québec) Québec a demandé la tenue d'une enquête policière sur le CHSLD privé Herron de Dorval après avoir appris que 31 résidants y sont morts depuis le 13 mars, dont au moins cinq étaient atteints de la COVID-19. « Je pense qu'a priori, il y a [eu] de la grosse négligence » dans cet établissement, soutient le premier ministre François Legault.

Par ailleurs, Québec craint pour ses réserves d’une vingtaine de médicaments, servant surtout à la sédation.

Le premier ministre a annoncé le déclenchement de l’enquête samedi, jour où le Québec enregistre son pire bilan quotidien de décès provoqués par le coronavirus : 48 personnes ont succombé à la COVID-19 en 24 heures, pour un total de 289.

« Je trouve que ce n’est pas acceptable, la façon dont on traite nos aînés au Québec », a laissé tomber M. Legault, visiblement ému, promettant de corriger le tir pour l’avenir. « Ça fait longtemps qu’on sait qu’il manque du personnel dans les CHSLD, que le personnel n’est pas assez bien payé, en particulier au privé. On a ajouté des ressources au cours de la dernière année, mais [je ne suis] pas fier de voir ce qui se passe dans nos CHSLD. »

Il a annulé son congé de samedi devant la situation préoccupante soulevée par le CHSLD privé Herron. Les ministres de la Santé et de la Sécurité publique ont demandé une enquête policière sur cet établissement, a-t-il confirmé.

C'est le 26 mars qu'un premier résidant a été transféré à l'hôpital général juif. Il a été testé positif à la COVID-19 puis il est décédé.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Une personne résidant au CHSLD Herron, à Dorval, a été emportée en ambulance samedi après-midi.

Le 29 mars, les autorités du CIUSSS local sont allées sur place. Elles ont constaté des "graves problèmes" et qu’une bonne partie du personnel a « abandonné » l’établissement. Elles ont ensuite envoyé du personnel pour prendre soin des résidants,

François Legault a révélé que le CHSLD privé a « caché de l’information » aux autorités, ce qui a retardé l’intervention. Il n’y a pas eu de collaboration de la part de la propriétaire, a-t-il ajouté. Le CIUSSS n'avait pas accès aux dossiers des patients. Il ne l'a eu que douze jours plus tard, vendredi, à la suite d'une ordonnance. Le même jour, la résidence a été placée sous tutelle.

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En soirée, à 20 h, Québec a donc appris que 31 résidants sont morts depuis le 13 mars. Il n’a pas toute l’information concernant la cause de ces décès, mais au moins cinq des résidants décédés étaient atteints de la COVID-19. « On n’a pas toute l’information pour les 26 autres », a indiqué M. Legault.

Québec a donc demandé à la police de faire enquête. La propriétaire du CHSLD Herron détient d’autres résidences qui feront l’objet d’inspections.

Ce CHSLD a déjà fait l’objet, en 2017, d’une enquête du Protecteur du citoyen, qui avait relevé des lacunes.

Le Québec compte 40 CHSLD privés non conventionnés. « On a demandé de tout visiter ces résidences, donc aller s’assurer que tout est sous contrôle », a dit le premier ministre. Ces établissements « gèrent leurs propres affaires », mais l’État devra de toute évidence « de plus en plus » s’en mêler, selon M. Legault.

Selon le bilan dévoilé samedi, 778 Québécois sont hospitalisés (+45), dont 211 se trouvent aux soins intensifs (+25). Il y a 12 992 cas confirmés de COVID-19, en hausse de 615.

Risque de pénurie pour une vingtaine de médicaments

Le gouvernement Legault craint une pénurie pour une vingtaine de médicaments d’ici une semaine, en particulier des anesthésiques comme le propofol.

« On a un problème du côté des médicaments, a signalé le premier ministre François Legault samedi. J’aime mieux être transparent : il y a une vingtaine de médicaments où on en a peut-être pour à peu près une semaine, où il y a des difficultés d’approvisionnement. »

M. Legault a souligné qu’il existe des substituts pour certains médicaments et que des échanges sont en cours avec Ottawa et les autres provinces pour trouver des solutions. Comme c’est important de dire « toute la vérité à la population », il a reconnu que son gouvernement « a des inquiétudes » quant à l’approvisionnement de certains médicaments.

La ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, a indiqué que les craintes concernent surtout des médicaments utilisés pour la sédation, des anesthésiques comme le propofol.

Réouverture des écoles

Vendredi, François Legault a soulevé une controverse avec sa déclaration selon laquelle il n’exclut pas de rouvrir les écoles et les garderies avant le 4 mai. Samedi, il a tenté de corriger le tir pour « rassurer les parents » - dont « beaucoup » sont « inquiets », a-t-il reconnu.

« Je ne donnerai pas le O.K. pour rouvrir les écoles, d'abord tant que je n'aurai pas l'accord de la santé publique, puis tant que moi, je vais me dire : Est-ce que les enfants sont en sécurité? Moi, la journée qu'on va rouvrir les écoles, c'est parce que j'aurai été prêt à envoyer mes propres enfants. Donc, il n'est pas question de ne faire aucun compromis », a-t-il affirmé.

La décision reposera sur « un seul critère » : la santé. « La santé, ce n'est pas l'économie. C'est la santé des Québécois qui va primer pour décider quand on rouvrira les écoles. Évidemment, on va suivre chacune des journées qui s'en viennent, chacune des semaines qui s'en viennent, quelle est la situation de la contamination. Et on va prendre une décision qui est dans l'intérêt de nos enfants. Nos enfants, c'est ce qu'on a de plus important », a-t-il expliqué.

Plusieurs scénarios sont à l’étude pour un retour en classe : « nombre d'élèves réduit, certaines régions, ne pas mettre l'école obligatoire », a-t-il énuméré.