Le Québec enregistre sa plus forte augmentation du nombre de morts depuis le début de la pandémie, alors que la COVID-19 a fait 25 nouvelles victimes, portant le bilan à 61 morts dans la province. Et la bataille – loin d’être terminée – contre le nouveau coronavirus a coûté jusqu’à présent quelque 18 milliards à l’État québécois.

Legault reste optimiste

Le nombre de morts liées à la COVID-19 s’élève maintenant à 61, dont pour la première fois celle d’une personne dans la trentaine – cette dernière présentait des facteurs de morbidité. Le total de cas déclarés d’infection par le nouveau coronavirus passe à 6101 (+ 583). Le premier ministre François Legault a rapidement apporté une nuance quant à la forte augmentation du nombre de décès. « Il y avait une vingtaine de cas qui étaient sous étude depuis une semaine pour savoir si les personnes étaient décédées de la COVID-19 ou non […]. On a 25 décès de plus, mais la grande majorité, ce ne sont pas des décès survenus dans les 24 dernières heures », a-t-il précisé. M. Legault est plutôt optimiste quant au bilan des mortalités jusqu’à présent. « Il faut surtout se comparer avec l’Amérique du Nord. On a beaucoup moins de décès ici qu’aux États-Unis, c’est du simple au double par million d’habitants », a-t-il illustré. On dénombre également 429 hospitalisations (+ 64 ou hausse de 17,5 %), dont 122 aux soins intensifs (+ 26 ou hausse de 27 %). Un total de 4233 personnes sont toujours sous investigation et 77 469 analyses ont été négatives.

Les provinces mettent cartes sur table

PHOTO FRANK GUNN, LA PRESSE CANADIENNE

Doug Ford, premier ministre de l’Ontario

Doug Ford avait l’air sombre en se présentant au micro. « Ces chiffres sont frappants et donnent matière à réflexion, a déclaré le premier ministre de l’Ontario. Dans l’état actuel des choses, jusqu’à 80 000 Ontariens pourraient être atteints de ce terrible virus d’ici la fin du mois. Plus de 1600 personnes pourraient mourir d’ici la fin du mois », a-t-il affirmé d’un ton solennel. Selon les projections que des experts ont divulguées, la pandémie de COVID-19 pourrait faire de 3000 à 15 000 morts en Ontario, voire 100 000, dans le scénario où aucune mesure n’avait été prise. Queen’s Park a donc annoncé de nouvelles restrictions qui entreront en vigueur ce samedi, dont la fermeture des chantiers du secteur de la construction industrielle. Et alors que le temps s’annonce clément pour le week-end, Doug Ford a exhorté ses concitoyens à rester à la maison.

Au cours des prochains jours, d’autres gouvernements mettront cartes sur table. À Québec, celui de François Legault s’est engagé à présenter « quelques scénarios » de l’évolution de la situation mardi. Du côté d’Ottawa, après s’être montré plutôt tiède à l’idée de rendre de telles informations publiques, Justin Trudeau a finalement plié. « Nous avons la ferme intention de partager les projections nationales avec les Canadiens dans les prochains jours », a-t-il dit. Quant au Nouveau-Brunswick, où l’on a fermé les écoles jusqu’à la fin de l’année scolaire, les chiffres devraient venir d’ici mardi.

Aide aux travailleurs

Québec donne de l’air aux travailleurs des services essentiels à faible revenu, qu’ils soient à temps plein ou à temps partiel, en offrant une prestation exceptionnelle de 100 $ par semaine pendant 16 semaines. La nouvelle mesure coûtera 890 millions et touchera 600 000 salariés. Il s’agit d’un « programme incitatif pour le maintien des travailleurs essentiels, pour leur rétention », a précisé le ministre du Travail, Jean Boulet. Il faut comprendre que la Prestation canadienne d’urgence, qui prévoit le versement de 2000 $ par mois pour quatre mois, avait « des effets non souhaités » puisque des travailleurs près du salaire minimum avaient avantage à rester à la maison plutôt que d’être sur le marché du travail.

Pour avoir droit à l’aide provinciale, il faut occuper un emploi dans un secteur décrété essentiel et toucher un salaire brut de 550 $ par semaine ou moins. Le gouvernement Legault a aussi annoncé, vendredi, une aide supplémentaire de 150 millions pour les PME. Le train de mesures annoncées par Québec pour faire face à la pandémie de COVID-19 a coûté jusqu’à présent « approximativement 18 milliards » à l’État québécois, a chiffré pour la première fois le ministre des Finances, Eric Girard.

Pas de familles dans les résidences

François Legault a réitéré vendredi qu’il était hors de question d’accepter que des familles se rendent à l’intérieur des résidences pour personnes âgées, même si c’est pour sortir une personne afin de la ramener chez soi. « Les directions [des résidences] devront décider si [permettre à une personne âgée de sortir] met d’autres personnes à risque », a précisé le premier ministre vendredi à une question posée en anglais. Jeudi, il avait affirmé lors de son point de presse quotidien qu’il était « sensible » à la question des aînés qui voulaient partir vivre chez leur enfant pendant la crise. « Si une personne dit : je vais aller chercher ma mère, mon père, puis le ramener à la maison, bien, il faut prendre des précautions. Mais je suis sensible à ça. Je peux comprendre que des Québécois souhaitent faire ça. Donc, il ne faut pas fermer la porte. C’est du cas par cas », avait dit M. Legault.

Des pouvoirs accrus pour les policiers ?

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

François Legault n’exclut pas de donner des pouvoirs accrus aux policiers afin qu’ils donnent directement des contraventions à ceux qui ne respectent pas les règles pour freiner la COVID-19.

François Legault n’exclut pas de donner des pouvoirs accrus aux policiers afin qu’ils remettent directement des contraventions à ceux qui ne respectent pas les règles pour freiner la COVID-19, plutôt que de passer par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). À l’heure actuelle, un policier qui intervient pour disperser un rassemblement de personnes, par exemple, doit rédiger des rapports d’infraction générale qui sont ensuite transmis au DPCP. Ces rapports peuvent mener à des amendes de 1000 $ à 6000 $ pour les contrevenants, mais le constat d’infraction n’est pas remis sur-le-champ. « On pense que le système [actuel], même s’il est un peu lourd, fonctionne », a toutefois dit le premier ministre, vendredi, précisant que Québec « n’exclut rien » quant aux pouvoirs donnés aux policiers.

L’armée dans le Nord québécois

Comme le rapportait La Presse vendredi, Québec a demandé l’aide de l’armée canadienne, en l’occurrence sa division des Rangers, pour soutenir le ministère de la Santé et des Services sociaux dans la mise en place de zones de dépistage et d’investigation de la COVID-19 au Nunavik. « On pense que c’est une bonne idée d’utiliser leurs services pendant la crise dans le Nord. […] La région là-bas veut vraiment s’isoler, puis il y a aussi une préparation qui doit être faite au cas où la situation s’empirerait », a dit François Legault. « On sait que les Rangers canadiens sont toujours présents dans le Nord pour aider dans les communautés, pour aider à servir. Ce que je comprends, c’est qu’au Nunavik, ils vont être là pour aider à installer des tentes et de l’infrastructure médicale », a de son côté expliqué vendredi le premier ministre Justin Trudeau. D’autres déploiements militaires sont à prévoir ailleurs dans d’autres communautés autochtones au pays, a laissé entendre Ottawa. Du côté de Québec, le gouvernement n’exclut pas de demander l’aide de l’armée si des inondations printanières frappaient à nouveau durement la province cette année.

Des barrages « chaotiques » sur la Côte-Nord

Le Parti québécois dénonce le fait que les barrages policiers érigés pour freiner les déplacements non essentiels sur la Côte-Nord sont « chaotiques ». « L’objectif est de réduire les déplacements. Mais si un point de contrôle est en place seulement quatre heures par jour, ça ne donne pas les résultats escomptés », a affirmé la députée péquiste Lorraine Richard vendredi. Elle affirme que les consignes ne « sont pas claires » et que les élus « sont dépassés » par la situation. « Parce qu’ils veulent protéger leur communauté, certains prennent l’initiative de fermer l’accès à leur municipalité. De plus, les gens continuent de circuler d’une MRC à l’autre ; les policiers ont beau faire de la sensibilisation, ils n’ont pas le pouvoir de bloquer le passage à qui que ce soit », a dit Mme Richard. Le PQ a par ailleurs proposé vendredi cinq idées pour solliciter les banques afin qu’elles donnent de l’oxygène aux Québécois en manque de fonds : exiger que les taux d’intérêt des cartes de crédit soient baissés, augmenter le délai pour les rembourser et empêcher les taux hypothécaires d’augmenter à court terme, entre autres.

Entente avec Amazon

Ottawa a conclu une entente avec Amazon pour faciliter l’acheminement de matériel médical aux provinces et aux territoires. Le réseau de distribution du géant américain sera mis à profit afin d’« assurer la livraison d’équipement médical là où on en a le plus besoin », s’est réjoui le premier ministre Trudeau. L’annonce a déplu au chef du NPD, Jagmeet Singh : « C’est décevant que le gouvernement ait choisi Amazon […]. Des rapports sur le fait qu’Amazon évite des mesures de sécurité comme l’éloignement physique mettent en danger la vie des travailleurs et menacent la santé publique », a-t-il réagi sur Twitter.