Après les avertissements, la punition. François Legault demande à la police de sévir contre les Québécois qui contreviennent aux règles visant à freiner la pandémie. Les récalcitrants recevront de grosses amendes : de 1000 $ à 6000 $ par personne. « C’est tout ce que méritent les gens qui ne respectent pas les consignes », a déclaré le premier ministre, jeudi. Avec 900 nouveaux cas confirmés en une journée, les policiers seront désormais « moins tolérants ». Bilan.

« Plus d’amendes »

Les personnes et les commerces qui ne respectent pas les mesures de confinement et les consignes de distanciation sociale mettent en danger la vie de nombreux citoyens, a fait valoir François Legault. « Les policiers vont distribuer plus d’amendes », a-t-il prévenu, ajoutant que « des vies sont en danger si on continue d’avoir des rassemblements et des entreprises qui fonctionnent » malgré les interdictions. « Il va y avoir des morts, donc c’est très, très, très sérieux », a ajouté le premier ministre, inquiet. Jeudi, M. Legault a invité la Sûreté du Québec et les corps policiers municipaux à appliquer avec zèle les décrets en vigueur. Le temps de la tolérance et des avertissements est terminé. Il a souligné que pour la seule journée de jeudi, 7000 dénonciations citoyennes avaient été faites aux policiers. « Il faut mettre toutes les chances de notre côté pour réduire la propagation du virus », a-t-il dit. La Sûreté du Québec a rapidement répondu à l’appel du premier ministre. « Certaines personnes refusent sciemment ou par insouciance de respecter les mesures décrétées par le gouvernement. Des rapports d’infraction générale seront rédigés lorsque les policiers constateront de tels comportements et les contrevenants s’exposent à des amendes », a prévenu le corps de police sur les réseaux sociaux. En soirée, le Service de police de la Ville de Montréal est d’ailleurs intervenu à l’angle des rues Hutchison et Bernard, à Montréal, pour disperser des membres de la communauté juive hassidique réunis dans un immeuble. Le ton a monté et les services de sécurité hassidiques ont accouru, mais aucune arrestation n'a eu lieu, selon les témoins rencontrés sur place.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

L’immeuble où est intervenu le Service de police de la Ville de Montréal

Bond important du nombre de cas

Le Québec a une fois de plus connu jeudi un important bond de nouveaux cas confirmés de COVID-19 : 5518 Québécois en sont désormais infectés, une augmentation de 907 cas ou de 21 % en une journée. À ce jour, 365 personnes sont hospitalisées en raison du coronavirus, une augmentation de 58 patients en 24 heures. De ce nombre, 96 personnes sont traitées aux soins intensifs, une augmentation de 14 depuis le dernier bilan. Le Québec compte également 3 nouveaux décès, ce qui porte le bilan à 36 morts depuis le début de la pandémie. François Legault s’est fait rassurant sur le bilan du Québec depuis le début de la crise. Si on compare la province à d’autres pays dans le monde, a-t-il dit, la situation est toujours sous contrôle, d’où la nécessité de redoubler d’efforts pour qu’elle le reste. À titre comparatif, le Québec compte 4 décès par million d’habitants liés à la COVID-19, alors que des pays comme l’Italie ou l’Espagne déplorent 200 décès par million d’habitants.

Révision du dépistage

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE 

Le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, et le premier ministre du Québec, François Legault, lors du point de presse quotidien du gouvernement

Québec révise sa stratégie de dépistage parce que les nouveaux cas de COVID-19 sont maintenant le résultat de la transmission communautaire du coronavirus. Les cas étaient directement liés à des séjours à l’étranger auparavant, et les tests étaient faits prioritairement auprès des voyageurs. Désormais, les tests seront faits en priorité auprès des patients hospitalisés, des professionnels de la santé symptomatiques en contact direct avec les patients, des personnes âgées en CHSLD ou en résidence qui ont des symptômes ou qui sont exposées à une éclosion de coronavirus. Puis, toujours dans l’ordre, on accordera la priorité aux personnes symptomatiques vivant en région éloignée, isolée, ou dans une communauté autochtone. Viennent ensuite les premiers répondants, les travailleurs de la sécurité publique symptomatiques et ceux fournissant des services essentiels.

Ajout de dizaines de cliniques

Des dizaines de cliniques désignées d’évaluation seront ajoutées dans le réseau de la santé pour répondre à la pandémie. Québec a pour objectif d’en avoir près de 100 au total ; il en existe une cinquantaine à l’heure actuelle. Ces cliniques sont, par exemple, des groupes de médecine familiale ayant adapté leurs services. Ces cliniques de « phase 2 » du ministère de la Santé et des Services sociaux, comparativement aux cliniques de dépistage annoncées dans la phase 1, seront chargées d’accueillir les patients qui ont des symptômes grippaux – comme ceux de la COVID-19 – et de gastroentérite, et de faire l’évaluation médicale. L’objectif est de désigner des cliniques pour gérer ces cas et faire en sorte que les autres services de première ligne puissent s’occuper des malades qui ne présentent pas ces symptômes. On cherche ainsi à limiter la propagation du coronavirus, mais aussi à concentrer l’équipement de protection, comme les masques, aux endroits traitant des cas de COVID-19. Si l’état du patient est jugé préoccupant, la clinique prépare un transfert vers un hôpital.

La liste des résidences reste secrète

La liste des quelque 600 lieux d’hébergement pour aînés qui comptent au moins un cas confirmé ou soupçonné de COVID-19 restera secrète. Les autorités sanitaires jugent que de dévoiler cette liste ne servirait pas l’intérêt public. « Dans le respect de la confidentialité, on rend une information publique quand elle est d’intérêt public », a dit Horacio Arruda. « Ce n’est pas nécessairement d’intérêt public », s’est-il empressé d’ajouter. En après-midi jeudi, le gouvernement avait identifié 566 « milieux de vie » possiblement touchés par le virus. De ce nombre, 94 comptaient au moins un cas confirmé et 472 avaient un cas suspecté. Les « milieux de vie » regroupent les CHSLD, les résidences privées pour aînés et les ressources intermédiaires. La plupart des cas confirmés (42) étaient dans des CHSLD.

Espoir pour les opérations

PHOTO PATRICE LAROCHE, LE SOLEIL

Danielle McCann, ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec

La ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, a indiqué que le réseau de la santé allait pouvoir « rouvrir un peu » les salles de chirurgie pour les cas de patients « qui se trouvent entre les deux », c’est-à-dire entre une opération urgente (qui doit être exécutée sur-le-champ) et une opération non urgente. « Il fallait qu’on donne la capacité de lits suffisante pour donner vraiment le service dans le cadre de la pandémie. Et ça, c’est fait, là, on en a presque 7000 maintenant », a indiqué la ministre. En outre, l’inventaire de masques N95 s’est « un peu amélioré » et les banques de santé sont en « meilleure position », a énuméré Mme McCann. Elle a même évoqué la possibilité que des patients en oncologie, dont l’opération a été reportée récemment, puissent être rappelés.

— Avec la collaboration de Tommy Chouinard, La Presse

L’aide des Rangers de l’armée demandée dans le Nord

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE 

Geneviève Guilbault, ministre de la Sécurité publique du Québec

Dans une lettre envoyée à son homologue fédéral Bill Blair, la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, « demande l’aide des Rangers des Forces armées canadiennes pour soutenir le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) dans la mise en place de zones de dépistage et d’investigation de la COVID-19 dans les communautés nordiques ». Les Rangers sont déjà présents sur le territoire, car ils ont pour mandat d’assurer une présence militaire dans les régions isolées du Canada. La ministre Guilbault ajoute dans sa lettre que « les Rangers fourniraient des équipements et pourraient assurer la logistique pour mettre en œuvre ces zones de dépistage », en coordination avec le MSSS. La ministre a fait cette demande auprès d’Ottawa après que le gouvernement Legault a reçu une lettre de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik réclamant l’appui des Rangers dans la lutte contre le coronavirus. Jusqu’à maintenant, deux personnes sont atteintes de la COVID-19 au Nunavik, selon le bilan des cas dévoilé par Québec jeudi. Le directeur national de santé publique, le DHoracio Arruda, a souligné récemment que le risque de propagation de maladies infectieuses y est élevé – on y a déjà connu des épidémies de tuberculose, notait-il.

— Tommy Chouinard, La Presse

Québec freine les dépenses non essentielles

Québec donne un coup de frein aux dépenses qui ne sont pas liées à la pandémie de la COVID-19 et qui ne sont pas jugées essentielles. Dans une directive envoyée mercredi, le Conseil du trésor demande à tous les ministères de respecter de nouvelles « mesures de contrôle des dépenses ». Il annonce en outre un gel des embauches dans la fonction publique. Il exige de l’ensemble des ministères et des organismes d’« assurer une gestion serrée des achats » et de « limiter les dépenses » qui ne sont pas liées à la pandémie ou qui ne sont pas jugées essentielles. Parmi ces achats et dépenses, on compte, entre autres, les heures supplémentaires, l’attribution de contrats et les dépenses en publicité. « Tous les nouveaux programmes ou les renouvellements de programmes d’aide financière qui ne sont pas reliés à la pandémie de COVID-19, ou qui ne sont pas jugés essentiels et incontournables, ne seront pas autorisés par le Conseil du trésor », et ce, jusqu’à l’adoption des crédits budgétaires 2020-2021 par l’Assemblée nationale, peut-on lire dans la directive. Quant aux nouveaux programmes et nouvelles initiatives annoncés dans le budget Girard du 10 mars, ils « ne devront pas être mis en œuvre » avant l’adoption des crédits budgétaires, « sauf exception » à préciser plus tard.

— Tommy Chouinard, La Presse, avec la collaboration de Denis Lessard, La Presse