Québec bonifie temporairement la rémunération de milliers de travailleurs dans la santé, à cause de la crise du coronavirus. Il y consacre 287 millions.

Le détail des mesures a été annoncé jeudi à Québec par le président du Conseil du trésor, Christian Dubé, et la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann.

Deux mesures toucheront des travailleurs dans la santé dans le secteur public et une mesure bonifiera temporairement la rémunération des préposés aux bénéficiaires qui travaillent dans des résidences pour aînés exploitées par des entreprises privées.

Dans le public

Première mesure : dans le secteur public, une prime de 8 % du salaire sera temporairement versée à ceux qui travaillent à l’urgence, aux soins intensifs, dans les soins de longue durée et dans les cliniques de dépistage, a précisé le ministre Dubé.

Quelque 69 000 travailleurs toucheront cette prime-là.

Le tout sera rétroactif au 13 mars. Le ministre Dubé a indiqué que cela « pourrait être reconduit », selon la situation.

Deuxième mesure : une prime de 4 % sera versée à d’autres travailleurs dans la santé, comme les techniciens en laboratoire, les préposés à l’entretien ménager et les préposés au service téléphonique 811, a précisé le ministre Dubé.

Ce sont 200 000 travailleurs du réseau de la santé qui pourront en bénéficier.

Préposés du privé

La troisième mesure touche les préposés aux bénéficiaires du privé. Ce sont ces derniers, dans des résidences exploitées par des entreprises privées, qui touchent des salaires de 13 $ à 14 $ l’heure.

Ils bénéficieront d’une augmentation de salaire temporaire de 4 $ l’heure à cause du surcroît de travail dû au coronavirus.

Ceux qui travaillent dans des « CHSLD (Centres d’hébergement et de soins de longue durée) privés non conventionnés », qui ont signé une entente avec un Centre intégré de santé et services sociaux, pourront en bénéficier.

Ce sont cette fois 34 000 préposés aux bénéficiaires qui jouiront de cette augmentation temporaire.

Cette mesure vaut pour 16 semaines, a précisé la ministre McCann.

Ces 16 semaines coïncident avec la durée de la Prestation d’urgence du gouvernement fédéral. Il avait été établi que ces préposés dans le privé touchaient un salaire si bas qu’ils n’avaient même plus avantage à travailler : ils gagneraient davantage avec la prestation fédérale, qui est pourtant considérée comme un revenu d’urgence minimum.

McCann : pas assez payés

Même la ministre de la Santé l’a affirmé haut et fort : « les préposés aux bénéficiaires dans le privé ne sont pas suffisamment payés et on reconnaît qu’il y a un problème là. Il faut vraiment faire quelque chose pour rehausser leur salaire ».

La ministre a entrouvert la porte pour l’après COVID-19 : « il y a des discussions qui se poursuivent pour la suite des choses ».

Réactions

Le principal syndicat de préposés aux bénéficiaires dans le secteur privé, le SQEES, affilié à la FTQ, s’est montré déçu des restrictions à la prime de 4 $ l’heure.

« On est vraiment déçu qu’il n’ait pas reconnu le travail essentiel de nos gens aux cuisines, à l’entretien ménager. Encore juste des mots pour les anges gardiens qui ne sont pas des préposés aux bénéficiaires », a commenté en entrevue Sylvie Nelson, présidente du Syndicat québécois des employés de service.

« Mon aide-cuisinière dans la résidence pour personnes âgées, elle gagne 12,75 $ heure. Elle va gagner 13,10 $ le 1er mai (à cause de la hausse du salaire minimum) », illustre Mme Nelson.

La présidente du SQEES se demande aussi ce qu’il va advenir après la pandémie dans ces résidences privées. « On va-t-y leur enlever ce salaire-là, alors qu’ils le méritent entièrement ? »

À la CSN, qui représente la majorité des préposés aux bénéficiaires du secteur public, on se réjouit du fait que l’ensemble des travailleurs dans la santé du secteur public vont toucher une prime.

« Tout le monde est sollicité. Tout le monde doit fournir une prestation de travail additionnelle », a fait valoir en entrevue Caroline Senneville, vice-présidente de la CSN responsable de la négociation du secteur public.

Elle se désole toutefois du fait que la prime soit de 4 ou 8 % selon le poste. Elle rappelle que dans les épiceries, tous les travailleurs touchent 2 $ l’heure de plus. « Quatre % sur un petit salaire, ça ne fait pas une grosse prime », dit-elle, en prenant pour exemple les employés de l’entretien ménager.