(Ottawa) Le gouvernement fédéral n’avait probablement pas assez d’équipement de protection dans ses réserves d’urgence pour répondre à l’actuelle pandémie de COVID-19, reconnaît la ministre de la Santé, Patty Hajdu.

En conférence de presse mercredi, la ministre a admis que les gouvernements successifs à Ottawa n’avaient pas dépensé suffisamment d’argent pour se préparer aux crises de santé publique.

« Je pense que les gouvernements fédéraux, pendant des décennies, ont sous-financé des choses comme la préparation aux urgences de santé publique. Et je dirais que de toute évidence, les gouvernements partout à travers le monde sont dans la même situation », a reconnu Mme Hajdu.

Les fonctionnaires fédéraux tentent aujourd’hui désespérément de mettre la main sur de rares équipements, comme des masques chirurgicaux, alors que tous les gouvernements du monde se bousculent sur les marchés, a-t-elle déclaré.

« Il s’agit actuellement d’un marché extrêmement compétitif pour les équipements de protection individuelle. Nous mettons tout en œuvre […] pour essayer d’obtenir de l’équipement dans une situation mondiale où ces fournitures sont extrêmement restreintes. »

La ministre Hajdu croit qu’il faudra certainement un jour tirer des leçons de cette pandémie. « C’est l’occasion pour tous les gouvernements d’envisager de réinvestir dans la santé publique et la préparation, et j’ai bien hâte d’avoir ces conversations. »

La guerre froide

La Réserve nationale stratégique d’urgence du Canada conserve des fournitures que les provinces et territoires, lorsque leurs propres ressources sont insuffisantes, peuvent demander en cas d’urgence, comme une éclosion de maladie infectieuse ou une catastrophe naturelle.

La création de cette Réserve nationale remonte au début des années 1950, en pleine guerre froide, dans le cadre d’un plan de défense civile du gouvernement fédéral. La réserve se trouve dans un entrepôt central de la région de la capitale nationale et d’autres stratégiquement situés un peu partout au Canada. C’est l’Agence de la santé publique du Canada qui est responsable de l’entretien de la Réserve, de l’évaluation constante de son contenu et du renouvellement des fournitures.

Ottawa affirme que l’agence a libéré des articles de la réserve stratégique pour soutenir des efforts d’intervention provinciale et territoriale contre la COVID-19. On a ainsi fourni des équipements de protection individuelle tels que des masques chirurgicaux, des gants et des respirateurs N95, ainsi que d’autres articles, notamment du désinfectant pour les mains.

Le gouvernement soutient qu’il travaille à augmenter sa réserve de fournitures pour répondre aux demandes des provinces ou d’autres partenaires fédéraux qui pourraient également avoir besoin d’équipement.

Donner l’heure juste

Selon Wesley Wark, professeur invité à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa, l’aveu de la ministre Hajdu est important, parce qu’il permet de « tirer des leçons immédiates » et n’induit pas les Canadiens en erreur sur l’ampleur du problème d’approvisionnement.

La réserve stratégique a été conçue pour assurer une capacité de pointe afin de répondre à une crise de santé publique et pour fournir une pause —gagner du temps — afin de trouver d’autres sources et de nouvelles capacités de fabrication.

Mais il semble que la réserve ait échoué dans cette mission, en raison d’un sous-financement, d’un manque de vigilance ou d’un inventaire mal géré, a suggéré le professeur Wark. « Aujourd’hui, c’est la course contre la montre. »

Par ailleurs, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les hôpitaux de tout le pays doivent savoir exactement dans quelle mesure ils peuvent compter sur la réserve nationale pour l’aide d’urgence, a-t-il estimé. « La transparence est vitale. Le réflexe du secret n’est pas de mise. »