(Ottawa) Le Québec recevra des masques de protection d'ici deux jours, a promis la vice-première ministre du Canada, Chrystia Freeland.

Le réseau de la santé québécois, sur qui plane une menace de pénurie d'équipement de protection médical, sera ravitaillé d'ici la fin de la semaine: « Je peux confirmer que oui », a lancé Mme Freeland en conférence de presse au parlement, mercredi après-midi.

Le premier ministre Justin Trudeau avait affirmé avant elle que oui, « absolument », Québec pourrait puiser dans la réserve fédérale afin de s’approvisionner, mais sans préciser à quel moment des équipements seraient expédiés.

Il a soutenu que des livraisons étaient attendues « dans les prochains jours », voire « avant ça ». « C'est une situation problématique parce que tellement de pays dans le monde sont en train d'essayer de courir après le même équipement », a-t-il souligné.

D'ailleurs, bien que des millions de masques sont sur le point d’être expédiés au Canada, Justin Trudeau n’était pas prêt, mercredi, à promettre aux Canadiens que le pays était à l’abri d’une pénurie de matériel de protection.

« Dans cette situation, on ne peut rien garantir. On est en train de travailler extrêmement fort pour combler les différents besoins », a-t-il lâché lors de son allocution quotidienne au pas de la porte de sa résidence de Rideau Cottage.

Mardi, le gouvernement fédéral a confirmé l’octroi de contrats à trois entreprises canadiennes qui augmenteront leur capacité de production afin d’équiper les professionnels de la santé qui sont aux premières loges de la crise.

Soixante millions de masques N95, 157 millions de masques chirurgicaux faciaux et 1570 ventilateurs achetés des États-Unis, de l’Europe et d’autres pays doivent aussi commencer à arriver en masse cette semaine.

À ceux-ci s’ajouteront des dons, dont des cargaisons en provenance de la Banque de Chine ainsi que du géant chinois Alibaba. Tout matériel qui arrive de l’étranger doit faire l’objet de contrôles de qualité avant d’être expédié aux établissements de santé.

En conférence de presse au parlement, la ministre fédérale de la santé, Patty Hajdu, a candidement reconnu que la réserve d'équipement de protection individuelle (ÉPI) du fédéral n'était pas suffisamment garnie pour répondre aux besoins.

« Non, je ne crois pas que nous en avons suffisamment », a-t-elle lancé. Le gouvernement canadien, à l'image des autres gouvernements partout dans le monde, a négligé de se préparer adéquatement à affronter une crise sanitaire d'une telle ampleur, estime Mme Hajdu.

Le Québec est la province où l’on recense le plus grand nombre de cas de la COVID-19 au pays. On y dénombrait, en date de mercredi, plus de la moitié des cas (4611) du total national (9017 cas, 105 décès).

Des semaines, voire des mois

Le premier ministre a concédé que la crise de la COVID-19 était appelée à durer encore un bon moment. « Je pense que les gens doivent s'attendre à ce qu'on soit dans cette situation pendant bien des semaines encore, sinon des mois », a-t-il indiqué.

« On est en train de regarder toutes sortes de scénarios [...] Ça va dépendre énormément des choix et des comportements que les Canadiens ont à tous les jours », a-t-il fait valoir au lutrin devant sa demeure d'Ottawa où il est isolé depuis maintenant près de deux semaines.

Il a livré son pronostic après que le National Post eut mis la main sur un document dans lequel il était écrit que selon une modélisation, les mesures de lutte contre le nouveau coronavirus pourraient durer « au moins jusqu'en juillet ».

« Si on regarde à travers le monde, on voit que même dans des pays comme la Corée du Sud ou à Singapour, où ils ont pu assez bien gérer cette crise-là, les mesures continuent pendant longtemps », a noté Justin Trudeau.

Porter ou pas un masque ?

Alors dans certains pays, on recommande le port du masque pour tous, les autorités canadiennes envoient le signal que cet équipement facial n'est pas réellement utile, sauf pour les personnes qui sont infectées, et qu'ils devraient aller en priorité aux travailleurs de la santé.

Invité à ajouter son grain de sel, Justin Trudeau a décliné. « Je m'en remets à la Dre [Theresa] Tam », a-t-il insisté, en faisant référence à l'administratrice en chef de la santé publique du Canada.

Une fois installée dans la salle du parlement où elle répond à tous les jours aux questions des journalistes, celle-ci a argué que la « priorité numéro un » demeurait de réserver ce matériel protecteur aux professionnels de la santé qui sont au front.

La ministre Hajdu a quant à elle parlé d'un « choix personnel ».

Gare aux tricheurs

Alors que son ministre des Finances Bill Morneau s’apprête à dévoiler les détails du programme de subvention de 75 % aux emplois des petites et moyennes entreprises, le premier ministre a réitéré qu’il n’y avait pas de place pour la fraude et l’abus de cet argent public.

« Cet argent est là pour les travailleurs », a-t-il martelé, prévenant qu’il y aurait des conséquences « légales considérables pour ceux qui vont essayer de profiter du système et de leurs compatriotes ».

Il a par ailleurs annoncé qu’il avait demandé au leader du gouvernement en Chambre, Pablo Rodriguez, de rappeler les députés pour déposer et faire adopter le plan d’aide d’urgence. Un nombre minimal de 20 élus doit siéger afin d’y parvenir, les travaux parlementaires ayant été suspendus au moins jusqu’au 20 avril prochain.

Sur Twitter, le député conservateur Pierre Poilievre s'en est insurgé. Il a attribué ce rappel à une mauvaise rédaction de la Loi C-13. Le texte de la mesure législative visant à relancer l'économie a été approuvé après de longues heures de débat, la semaine dernière.

La vice-première ministre Chrystia Freeland a quant à elle justifié cette décision par le caractère historique du plan ficelé par le gouvernement. « La magnitude du plan nécessite un rappel des députés, et que l'opposition collaborera et n'en fera pas une question partisane », a-t-elle offert en conférence de presse.