Après avoir longtemps prétendu que la Russie maîtrisait la situation en ce qui concerne le nouveau coronavirus, Vladimir Poutine a finalement cédé sous la pression, mercredi. 

En plus de quelques mesures, encore timides, visant à stopper la propagation de la COVID-19, le président russe a annoncé mercredi le report, à une date indéterminée, du référendum constitutionnel qui devait avoir lieu le 22 avril prochain.

Il s’agit d’un vote crucial pour le président russe. Un changement constitutionnel introduit à la dernière minute dans le texte qui devait être adopté par le Parlement, avant d’être soumis au vote populaire, permettrait de remettre le compteur de mandats présidentiels à zéro.

En d’autres mots, Vladimir Poutine pourrait briguer à nouveau la présidence au-delà de 2024, quand son deuxième mandat d’affilée, son quatrième au total, arrivera à échéance.

Le président russe a beau assurer que tout va bien et se targuer d’un nombre relativement bas de cas d’infections (à peine 1200 personnes contaminées, sur une population de 146 millions d’habitants !), ces statistiques officielles sous-estiment largement la réalité, estime la politologue russe Tatiana Stanovaya.

Celle-ci ne croit pas que les autorités russes mentent, mais pense plutôt qu’elles ne connaissent pas la réalité sanitaire du pays.

Nous n’avons pas assez de tests diagnostiques et ceux que nous avons ne sont pas assez précis.

Tatiana Stanovaya, politologue russe

En même temps, les élites proches du Kremlin préfèrent ne pas trop exposer la vulnérabilité du pays, et des tensions sur la stratégie à déployer face au virus déchirent la classe politique.

Ainsi Sergueï Sobianine, le maire de Moscou, capitale frappée par l’épidémie, tient un discours beaucoup plus alarmiste. Selon lui, le nombre de contaminations est « significativement plus élevé » que les cas reconnus officiellement.

Avertissement public

Mardi, la Russie a vécu un moment charnière, alors que Vladimir Poutine visitait un hôpital moscovite dont le directeur médical l’a publiquement averti de la possibilité d’une crise semblable à celle qui dévaste l’Italie.

Le lendemain, Vladimir Poutine a tenu son premier discours solennel évoquant la gravité de la crise. Il a décrété une semaine de vacances payées pour tous à compter du 30 mars, avant d’annoncer que le référendum constitutionnel serait reporté à une date choisie après consultation des autorités médicales.

Poutine n’avait pas vraiment le choix de reporter ce vote, observe Tatiana Stanovaya. C’est que le Kremlin se sent sous forte pression. « L’opposition a demandé à Poutine de reporter le vote, et quand je parle d’opposition, ce ne sont pas seulement les militants libéraux habituels, mais aussi les communistes, des journalistes, des commentateurs. »

Pour Vladimir Poutine, le vote du 22 avril devait clôturer une séquence d’évènements aboutissant, à terme, à une nouvelle Constitution qui lui aurait permis de rester en poste, avec des pouvoirs accrus.

C’est partie remise. En attendant, un autre évènement à forte charge symbolique, les célébrations du 75e anniversaire de la victoire contre l’Allemagne nazie, risque lui aussi d’être annulé, autre épine potentielle au pied du dirigeant russe.

Quand le coronavirus frappe la démocratie

FRANCE : DEUXIÈME TOUR REPORTÉ

Le maintien du premier tour des municipales françaises, le 15 mars, en pleine pandémie, a causé tout un imbroglio. Les maires élus au premier tour n’ont pas pu être confirmés, parce que les assemblées municipales devant officialiser le résultat du vote n’ont pas pu avoir lieu, dans un contexte de « distanciation sociale ». Certains maires contestent déjà le résultat du premier tour, en raison du fort taux d’absentéisme. Le deuxième tour a finalement été reporté à la fin juin, date à laquelle seront finalement entérinés les résultats du premier tour. En attendant, les maires sortants assurent l’intérim.

BOLIVIE : EXIT LA PRÉSIDENTIELLE

Les Boliviens étaient appelés à élire leur prochain président le 3 mai. C’est la première élection post-Evo Morales, ce dirigeant socialiste qui aura passé 14 ans au pouvoir avant de démissionner et de s’exiler, sous la pression de la rue, l’automne dernier. Son Mouvement vers le socialisme parviendra-t-il à garder le pouvoir, à travers son candidat Luis Arce, un proche de Morales ? Ou la Bolivie fera-t-elle un virage à droite, comme d’autres pays d’Amérique latine ? La réponse à cette question a été reportée… à une date indéterminée.

POLOGNE : PRÉSIDENTIELLE MAINTENUE

Le gouvernement ultraconservateur de Pologne a longtemps refusé d’envisager le report de la présidentielle dont le premier tour doit avoir lieu le 10 mai. Mais samedi, pour la première fois, devant une accélération de l’épidémie, le président sortant Andrzej Duda a évoqué cette éventualité. Le maintien du vote est unanimement dénoncé par l’opposition, ne serait-ce que parce qu’il favorise le président actuel, du parti Droit et justice (PiS), formation qui contrôle aussi le gouvernement.

La Pologne a franchi le cap de 1400 cas de contagion. Les Polonais sont confinés, les rassemblements sont interdits, les évènements publics aussi. Impossible de mener une campagne électorale dans ce contexte. Pire : les critiques se demandent comment le vote lui-même pourra avoir lieu, et quel sera, le cas échéant, le taux de participation. Mais le président du PiS, Jarosław Kaczyński, qui est le véritable homme fort du pays, estime que le vote doit avoir lieu. « Je suis persuadé qu’actuellement, il n’y a aucune nécessité de mettre en place un état de catastrophe naturelle qui permettrait de reporter le scrutin », a-t-il déclaré dans une récente entrevue. En attendant, le président sortant, lui, a le champ libre. Il multiplie les apparitions publiques, visites dans des hôpitaux ou déclarations à la télévision d’État. Ce qui lui donne un avantage indu dans cette non-campagne électorale, déplorent ses opposants.

ET LES ÉTATS-UNIS ?

La présidentielle américaine de novembre 2020 risque-t-elle d’être reportée ? C’est peu probable. Cela exigerait que le Congrès adopte une loi, qui serait entérinée par le président et potentiellement contestée devant les tribunaux. Et puis, le délai ne pourrait pas être très long, puisque la date de la prestation de serment du nouveau président, le 20 janvier, est inamovible, car elle est inscrite dans la Constitution. En revanche, des États ont commencé à reporter leurs primaires. C’est le cas de la Géorgie, dont les primaires ont été reportées du 24 mars au mois de mai, et de la Louisiane, qui a reporté les siennes du 4 avril au mois de juin. L’État de New York, le Kentucky et le Maryland ont aussi reporté leurs primaires.