Le microbiologiste-infectiologue Karl Weiss est aux premières loges de l’épidémie de COVID-19 qui sévit actuellement au Québec. Comme chef du service des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif, il a traité une trentaine de patients atteints de la maladie jusqu’à maintenant. Même si l’éclosion n’en est qu’à ses débuts et qu’il est trop tôt pour prévoir la suite des choses, le Dr Weiss croit que le Québec, et le monde entier, tirera des leçons de cette pandémie. « Il y aura donc un avant et un après. Et il y aura des leçons à en tirer », écrit le Dr Weiss dans une lettre ouverte publiée dans La Presse.

Prévoir des réserves de masques

Le Dr Weiss croit que la première leçon à tirer de l’actuelle pandémie est le fait que « pour protéger une population, il faut avoir une capacité de réserve stratégique », dit-il en entrevue. Les États devront donc selon lui prévoir à l’avenir des réserves de masques, de ventilateurs, d’équipements de protection médicale… « Souvent, l’achat de réserves de ces équipements est vu comme une dépense en Occident », note le Dr Weiss. Mais il souligne que la pandémie actuelle a prouvé qu’il faut toujours être prêt à « augmenter notre capacité d’intervention subitement ».

PHOTO TIRÉE DU SITE DU MAGAZINE DE L’HÔPITAL JUIF

Karl Weiss, microbiologiste-infectiologue

Selon le Dr Weiss, le but « n’est pas de blâmer les politiciens », mais bien de prévoir la prochaine pandémie. Car il y en aura une.

Il croit que les gouvernements devront réfléchir « de façon stratégique » afin de déterminer ce qui pourrait à l’avenir être produit localement en temps de pandémie. « Il faudra questionner nos industries pour savoir comment elles pourraient nous aider », dit-il. Par exemple, en Europe, l’entreprise Ferrari produit aujourd’hui des ventilateurs pour le réseau de la santé surchargé et l’entreprise Louis Vuitton produit du gel désinfectant. Des entreprises québécoises pourraient aussi réfléchir à une possible contribution en temps de pandémie future. « Il faut prévoir », dit-il.

Plus de postes en maladies infectieuses

Aussi président de l’Association des médecins microbiologistes infectiologues du Québec, le Dr Weiss mentionne que dans le passé, 12 nouveaux postes de résidents en maladies infectieuses étaient ajoutés chaque année au réseau de la santé. Mais depuis deux ans, seulement quatre nouveaux postes par année se sont ajoutés. « On a coupé drastiquement. Il va falloir revoir ça, je pense. On devrait monter à 24 », dit-il. Le Dr Weiss mentionne que dans les hôpitaux, les médecins microbiologistes infectiologues traitent tous les patients présentant des infections, que ce soit le VIH, l’hépatite, les maladies tropicales, les infections postopératoires ou les virus de type COVID-19. Ils s’occupent aussi entre autres des laboratoires, et de la prévention et du contrôle des infections.

À l’Hôpital général juif, le Dr Weiss a traité de nombreux patients atteints de la COVID-19. Son message est clair : « C’est nettement plus sérieux que l’influenza. » Le Dr Weiss dit avoir traité plus de 3000 cas d’influenza dans sa carrière. Mais la COVID-19, « ce n’est pas du tout la même chose ». Entre autres parce que des gens plus jeunes peuvent être touchés. Et que certains peuvent être très malades.

« Rester humble »

En ce qui concerne l’avenir de la pandémie de COVID-19, le Dr Weiss estime qu’il faut « rester humble ». « On apprend tous les jours. Si on se fie aux autres, ça va prendre encore de 10 à 12 semaines avant de voir une décroissance. On est au début », dit-il. Selon le Dr Weiss, le gouvernement de François Legault a fait un travail « dynamique et proactif » dans sa gestion de la crise. « Il a pris des décisions difficiles, tôt. Peut-être que ça aura un impact positif. Mais il va falloir attendre à juin ou juillet pour pouvoir le dire », dit-il. 

Le Dr Weiss est toutefois certain d’une chose : il y aura une fin. « Au beau milieu de cette sombre crise, il faut se rappeler que la lumière viendra au bout du tunnel […]. Que représentent six mois dans notre histoire ? »