Non seulement les enseignants ne devraient pas hésiter à entrer en contact avec les élèves et leurs familles, mais en plus, le ministre de l’Éducation devrait leur envoyer une directive claire pour leur dire de le faire, recommande une chercheure de l’Université McGill.

Il y a bientôt deux semaines que les élèves des écoles primaires et secondaires du Québec ont quitté leurs classes sans préavis. Depuis, la pandémie force toute la province au confinement, les petits comme les grands.

Professeure à l’École de service social de l’Université McGill, Delphine Collin-Vézina croit que les enseignants doivent être encouragés à « tendre la main » à leurs élèves.

« Ça prendrait des directives claires qui permettent que les enseignants voient ce rôle comme étant primordial, et qu’il soit endossé par la personne qui chapeaute les écoles, c’est-à-dire le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur », dit la docteure Collin-Vézina.

Si les parents et enseignants n’ont pas tous les outils technologiques à leur disposition, « il reste le téléphone », rappelle-t-elle.

Enseignante en adaptation scolaire à l’école secondaire Chomedey-de-Maisonneuve, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, Gabrielle Chamberland dit qu’elle ne s’inquiète pas pour ses élèves, mais elle a senti le besoin de leur faire savoir qu’elle « est là ». Elle passe habituellement plusieurs heures chaque jour avec ses élèves.

« Je me sentais impuissante. Ils doivent vivre leur lot d’inquiétude et je n’ai pas pu les préparer à ce départ-là, je n’ai pas pu leur donner du soutien », dit-elle.

En plus de leur envoyer un courriel, Gabrielle Chamberland a fait appel à d’autres amis enseignants pour qu’ils joignent leur voix à la sienne dans une vidéo qu’elle a mise en ligne sur Facebook.

Titulaire d’une classe de 4e année à Gatineau, Pascal Giguère a lui aussi envoyé une vidéo à ses élèves.

« J’ai essayé de trouver le bon ton. La vidéo fait 15 minutes : je fais un retour sur la situation actuelle et je les invite à m’écrire une lettre sur ce qu’ils font à la maison. Je répète les informations de la commission scolaire, je leur suggère de faire des recettes, de sortir prendre l’air. Je refais le lien avec eux », dit l’enseignant.

En ce moment, son « rôle pédagogique est à zéro », dit-il. « Je ne suis pas dans les maisons des élèves, je ne sais pas à quel point [la vidéo] a une influence », dit Pascal Giguère.

La professeure Delphine Collin-Vézina rappelle que le lien entre les enseignants, l’école et les familles est essentiel et que l’important est de briser l’isolement.

« On est tous anxieux. Même les élèves qui ne sont pas en difficulté pourraient bénéficier d’un appel de leur professeur et peut-être que les élèves de certaines familles pourraient bénéficier de plus d’un appel. J’ai parlé avec la directrice d’une école qui m’a dit qu’elle ferait une liste de ressources pour les parents qui ont de la difficulté à faire leur épicerie, par exemple. Ça peut être difficile pour une famille d’en arriver là, mais si c’est introduit par une personne de confiance, ça peut donner un élan », dit Delphine Collin-Vézina.

Et puis, dit-elle, les effets positifs vont dans les deux sens. Elle cite en exemple un enseignant qui a téléphoné récemment à tous ses élèves. « Il m’a dit que ça lui avait fait du bien à lui aussi », dit la docteure Collin-Vézina.