Le gouvernement Trudeau implore les milliers de snowbirds et autres voyageurs qui rentrent au pays d’observer les consignes d’isolement volontaire de 14 jours dès leur arrivée. L’inobservation de ces directives forcera Ottawa à utiliser la méthode forte, a indiqué dimanche la ministre fédérale de la Santé, Patty Hajdu.

Pour l’heure, la méthode forte, c’est le recours à la Loi sur la mise en quarantaine, qui donne des pouvoirs accrus à la ministre de la Santé en temps de crise afin d’assurer « la protection de la santé publique au moyen de mesures exhaustives » et de « prévenir l’introduction et la propagation de maladies transmissibles ».

Le gouvernement Trudeau continue donc d’écarter, pour le moment, l’idée de recourir à la Loi sur les mesures d’urgence pour forcer les récalcitrants à observer les directives des autorités en matière de santé publique. Cette option, qui donne à Ottawa notamment le pouvoir de limiter les déplacements de la population, doit être utilisée en tout dernier recours, a-t-on fait valoir dimanche.

En vertu de la Loi sur la mise en quarantaine, qui a été modifiée en 2005 dans la foulée de la crise du SRAS, la ministre de la Santé peut notamment établir des postes de quarantaine partout au Canada. Les pénalités imposées sont aussi salées. À titre d’exemple, un individu reconnu coupable par mise en accusation est passible d’une amende maximale de 1 million de dollars ou d’un emprisonnement maximal de trois ans.

« Permettez-moi d’être parfaitement claire. Nous allons utiliser toutes les mesures dans notre coffre à outils au niveau fédéral pour s’assurer du respect des directives », a indiqué la ministre Patty Hajdu en conférence de presse dimanche.

« Quand nous disons que vous devez rester à la maison 14 jours, cela veut dire que vous devez rester à la maison pour 14 jours. Vous n’arrêtez pas faire l’épicerie, vous n’allez pas voir vos voisins ou vos amis. Vous restez à la maison pour 14 jours, sans exception », a ajouté la ministre.

Un refrain qu’a repris à son compte le premier ministre Justin Trudeau durant sa conférence de presse quotidienne devant Rideau Cottage, où il poursuit sa période d’isolement volontaire après que sa femme Sophie Grégoire a été atteinte de la COVID-19 à la suite d’un séjour à Londres il y a 10 jours.

Disant comprendre que la crise actuelle est difficile pour tous, le premier ministre a pressé à nouveau tous les Canadiens de rester chez eux pour freiner la propagation du coronavirus en soulignant à grands traits que l’éloignement social est un outil indispensable pour y arriver.

On doit tous faire des sacrifices pour protéger non seulement notre santé, mais celle des autres. Les ajustements que les gens font cette semaine sont rassurants, mais il faut continuer.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

M. Trudeau a tout même écarté l’idée de recourir à la Loi sur les mesures d’urgence, affirmant que les gouvernements provinciaux et municipaux avaient déjà pris des mesures pour interdire les rassemblements et les déplacements. Certaines régions ont commencé à fermer leurs portes même aux Canadiens. À titre d’exemple, les Territoires du Nord-Ouest ont fermé leurs frontières à tout voyage non essentiel.

« Nous sommes dans une crise mondiale sans précédent », a aussi affirmé le premier ministre pour illustrer l’importance de respecter les directives.

Dans une lettre qu’il a fait parvenir au premier ministre, samedi, le Conseil canadien des affaires a dit s’inquiéter de l’absence de message cohérent d’un bout à l’autre du pays. « En temps de crise, il est vital de communiquer de manière non ambiguë et d’agir d’une seule voix. Nous vous exhortons, vous et les dirigeants des provinces et territoires, à parler clairement et à l’unisson », a écrit le président et chef de la direction de l’organisation, Goldy Hyder.

Rappel de la Chambre

M. Trudeau a profité de l’occasion pour confirmer le rappel d’urgence de la Chambre des communes mardi afin d’adopter le train de mesures concoctées par son gouvernement pour venir en aide aux familles, aux travailleurs et aux entreprises durement touchés par la crise.

Le plan d’aide comprend 27 milliards de dollars en aide directe et une marge de manœuvre de 55 milliards de dollars pour les contribuables et les entreprises grâce au report des paiements de taxes et d’impôts au 31 août.

Crise oblige, un nombre restreint de députés – 32 des 338 élus – seront à l’œuvre, y compris le ministre des Finances Bill Morneau, qui pourrait annoncer d’autres mesures pour soutenir l’économie canadienne au cours des prochaines semaines.

En tout, 14 députés libéraux, 11 députés conservateurs, 3 députés du Bloc québécois, 3 députés du NPD et 1 député du Parti vert seront présents aux Communes tout en observant les règles de l’éloignement social.

« Il y a des travailleurs qui perdent leur emploi chaque jour. Il y a des gens qui sont diagnostiqués. Il y a des gens à qui on demande de rester à la maison, d’autres doivent s’occuper de leurs enfants. Alors le gouvernement du Canada doit répondre présent à tout ce monde-là », a indiqué le leader du gouvernement en Chambre, Pablo Rodriguez.

La session devrait durer tout au plus quatre heures et demie. On s’attend à ce que le Sénat adopte ensuite les mesures mercredi et que la loi instaurant les mesures d’aide reçoive la sanction royale le même jour. 

L’aide gouvernementale devrait être acheminée d’ici deux ou trois semaines par la suite.

« On fait face à une situation sans précédent et je sais que ça inquiète beaucoup de gens. Et quand vous appelez à Service Canada et que vous n’êtes pas en mesure de parler à quelqu’un, ou quand vous êtes à l’étranger et que vous n’arrivez pas à trouver un vol, ça crée encore plus d’anxiété. Je veux vous assurer que toute la fonction publique travaille jour et nuit pour résoudre ces problèmes et vous offrir l’aide que vous méritez », a dit le premier ministre Trudeau.

Les Canadiens qui ont des questions au sujet de l’aide gouvernementale pourront les poser au président du Conseil du Trésor, Jean-Yves Duclos, par l’entremise d’un « Facebook live », ce lundi à 19 h.

Rapatriement des Canadiens

Par ailleurs, l’opération visant à rapatrier au pays les Canadiens qui se trouvent à l’étranger s’intensifie. Le ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, a annoncé dimanche que des vols commerciaux pourront ramener sous peu des ressortissants canadiens qui se trouvent au Pérou, en Espagne, au Maroc, en Équateur, à El Salvador, au Guatemala et au Honduras.

« Nous travaillons avec des compagnies aériennes pour sécuriser des vols commerciaux qui ramèneront les Canadiens », a écrit sur son compte Twitter le chef de la diplomatie canadienne en énumérant la liste des sept pays.

Dans le cas du Maroc, M. Champagne a indiqué s’être entretenu avec son homologue marocain au sujet de cette grande opération de rapatriement. Il a précisé, également sur Twitter, que la compagnie Air Canada compte offrir deux vols supplémentaires pour ramener des Canadiens au cours des prochains jours. Samedi, tard en soirée, 444 Canadiens qui étaient au Maroc sont arrivés à Montréal à bord d’un vol commercial d’Air Canada.

À elle seule, WestJet prévoit offrir 30 vols entre lundi et mercredi pour ramener des Canadiens, tandis qu’Air Transat tente d’obtenir des permissions spéciales pour voler là où les espaces aériens sont fermés. Sunwing entend offrir un billet gratuit à quiconque veut rentrer au pays s’il reste des places libres dans ses appareils.