Il y a au moins un nouveau cas confirmé de contamination à la COVID-19 à la résidence EVA de Lavaltrie, où quatre personnes âgées sont déjà mortes de la maladie, alors qu’une autre résidante a été placée en isolement à son arrivée à l’hôpital, dimanche. Le foyer de contamination continue de croître. Et l’inquiétude aussi.

La Santé publique de Lanaudière a refusé de dévoiler le nombre de cas suspects et de cas confirmés de la maladie parmi les résidants des 156 unités pour des raisons de confidentialité.

La Presse s’est entretenue avec la famille d’un homme de 77 ans qui a reçu samedi un résultat positif au test de dépistage de la COVID-19. L’homme est en isolement dans son appartement, comme tous les autres locataires, d’ailleurs.

« Il prend ça très mal. C’est très difficile pour lui. Il est isolé. On l’appelle. Hier, on a chanté une chanson ensemble », a confié sa nièce, qui nous a demandé de ne pas publier son nom pour protéger son oncle.

Six ambulanciers paramédicaux qui sont intervenus auprès des trois premières victimes du coronavirus à la résidence EVA sont pour leur part en quarantaine après avoir été exposés « parce qu’ils n’avaient pas toute l’information quand ils se sont présentés », déplore Claude Lemay, directeur des opérations chez HRH services préhospitaliers. Ils ne portaient donc pas l’équipement nécessaire.

Pour l’instant, ils n’ont pas de symptômes. Leur état est suivi de près.

Depuis, toutes les équipes qui interviennent à cet endroit ont ordre de revêtir l’équipement, quel que soit le cas.

Claude Lemay a aussi indiqué qu’une de ses ambulances avait transporté une personne à l’hôpital dimanche après-midi. L’appel initial était pour une chute. « Finalement, quand on est arrivés à l’hôpital, ils ont mis la personne en isolement. »

Des contacts fréquents

Dans le complexe résidentiel, les locataires passent par toutes les émotions.

Une des personnes infectées aurait participé à une fête de la Saint-Patrick dans la salle à manger peu de temps avant d’être transportée à l’hôpital.

Aline Desbois était son amie. « Elle ne filait pas, raconte la femme de 78 ans au bout du fil. Elle est remontée chez elle. On s’est dit qu’on se verrait pour souper. On ne s’est jamais revues. »

Sa sœur Paulette Desbois, aussi résidante de l’endroit, était également à la fête. « Il y avait bien du monde », se souvient-elle.

Les deux femmes ont appris le décès avec beaucoup de désarroi.

Ça m’a frappée fort. J’ai éclaté. On s’adonnait bien. On se gardait une place une à côté de l’autre au conditionnement physique et au bingo le vendredi.

Aline Desbois

Lisette Gaboury, 75 ans, côtoyait cette femme quotidiennement. « À la salle à manger, j’étais assise à côté d’une dame [qui est morte]. Je commence à m’inquiéter », raconte Mme Gaboury, confinée dans son 1 1/2. Elle tousse, mais ne fait pas de fièvre. Elle reçoit la visite de l’infirmière quotidiennement.

Dimanche, comme tous les autres habitants, elle a reçu une lettre lui indiquant qu’elle ne pourrait pas quitter son logement avant le 20 avril. « Ça m’a mise à terre. C’est très dur pour le moral. Je suis toute seule. Les employés sont tous habillés comme des scaphandres, raconte Mme Gaboury. Si au moins on pouvait se voir dans les couloirs et s’encourager. »

Son fils Patrick Larrivée est en colère. « Ma mère a été en contact avec cette personne. Il faut tous leur faire passer un test de dépistage et sortir les personnes infectées de là », rage-t-il, traçant un parallèle avec ce qui est arrivé sur certains navires de croisière.

Ils condamnent ma mère. Ils vont attendre que le dernier meure et ils vont mettre la clé dans la porte ?

Patrick Larrivée, fils de Lisette Gaboury

La mère de Sonia Richer habite à la résidence. « On lui a laissé un iPad à la réception et on soupe avec elle par vidéo pour briser l’isolement », dit-elle. Bien qu’elle encense le travail des employés, elle aussi s’inquiète des contacts qui sont survenus entre les locataires avant les mesures d’isolement.

« Ce n’est pas tant maintenant que c’est inquiétant. Les repas sont livrés à l’appartement. Il n’y a pas de contamination. C’est l’avant qui est inquiétant. Avant, elle a rencontré des gens dans les corridors. »

Manque d’information

Cette crainte d’une contamination à grande échelle déborde des murs de la résidence. À Lavaltrie, plusieurs personnes nous ont fait part de leurs préoccupations. Sur les réseaux sociaux, la machine à rumeurs s’est emballée. Tel résidant est-il allé à l’épicerie ? À la pharmacie ? Au restaurant ?

Le maire de Lavaltrie, Christian Goulet, est bien au fait de cet état d’esprit généralisé. « On a beaucoup de demandes de gens qui sont inquiets de ce qui se passe aux alentours. »

« Il ne faut surtout pas banaliser la situation. C’est grave, ce qui se passe, et si on suit tout ce que le gouvernement nous donne, c’est comme ça qu’on va passer au travers. »

Il déplore le manque d’information dévoilé par la Santé publique de sa région.

« On essaie de rassurer la population et de faire respecter les consignes. On apprend les informations en même temps que tout le monde à la conférence de presse du premier ministre. On entend des bribes sur les réseaux sociaux. C’est difficile pour la Ville de confirmer ou d’infirmer des choses. Il faudrait que le CISSS prenne son rôle et rassure la population », dit le maire qui, par ailleurs, est « tellement fier des gens de Lavaltrie ».

La porte-parole du Centre intégré de santé et de services sociaux de Lanaudière (CISSSLAN), Pascale Lamy, appelle au calme.

« Je vous confirme que chaque résidant a été joint aujourd’hui [dimanche] par un membre de notre personnel pour leur donner les informations et répondre à leurs questions. Nous sommes en lien avec eux et avec la direction de la résidence et soyez assurée que la priorité du CISSS est de bien les accompagner dans cette situation. »

Mesures en place à la résidence EVA

Voici une liste des mesures mises en place par la Santé publique à la résidence

• Du soutien en matière de ressources humaines est offert à la RPA ce lundi et mardi matin. Des infirmières sont sur place pour dépister les personnes selon les indications données par la Santé publique du CISSSLAN.
• Des agents de sécurité sont sur place.
• Le confinement des résidants est demandé et une enquête épidémiologique a été effectuée (tous les résidants et contacts étroits sont en isolement volontaire et font l’objet d’un suivi quotidien).
• Les employés surveillent aussi leurs symptômes et appliquent les mesures de protection.
• Le CISSS a procédé à la vérification de l’application des mesures de prévention à la résidence le 21 mars 2020.
• La désinfection de la résidence a été orchestrée par les exploitants.
• Le soutien de la Sûreté du Québec a été demandé en renfort afin d’assurer le déroulement paisible des activités en cours.