Une étude réalisée par des épidémiologistes de Toronto laisse croire que la plus grande province du Canada pourrait manquer de lits de soins intensifs et être en pénurie de ventilateurs d’ici la fin avril, même en supposant une forte baisse du taux d’infection actuel.

Des chercheurs de l’Université de Toronto, du University Health Network et du Sunnybrook Hospital ont publié un modèle montrant que l’Ontario pourrait manquer de machines et d’espace pour ventiler les patients très malades dans un peu plus de cinq semaines.

Dans les travaux dirigés par Beate Sander, titulaire de la chaire de recherche du Canada en économie des maladies infectieuses, même un « scénario conservateur » supposant un taux d’infection inférieur à celui actuel entraînerait de graves pénuries.

Ce scénario suppose que le taux quotidien moyen d’infections au cours des 37 jours serait de 7,5 %, le taux que le Japon a connu, comparativement au taux quotidien de 26 % enregistré ces derniers jours.

Il suppose également que les hôpitaux réussiraient à conserver 25 % des 2053 lits de soins intensifs de la province pour les patients atteints de la COVID-19, bien que la plupart des experts disent que 85 à 90 % des lits sont généralement occupés par des patients atteints d’autres maladies.

Mme Sander a affirmé dans une entrevue qu’elle espérait que la recherche aboutirait à une « prise de décision éclairée » sur les mesures de santé publique.

Un modèle plus optimiste de son groupe prédit que si la province parvient à augmenter la capacité pour les patients atteints de la COVID-19 en ajoutant plus de 2000 lits et 600 ventilateurs, le système pourrait tenir pendant 60 jours, mais qu’il « pourrait toujours y avoir une pénurie critique de ventilateurs ».

L’étude évalue que le séjour moyen dans l’unité de soins intensifs serait de huit jours.

Les modèles n’ont pas encore inclus de facteurs susceptibles de ralentir la propagation du virus, tels que l’impact des récentes restrictions frontalières ou la fermeture des écoles.

Il existe également un « pire scénario » intégrant des taux d’infection plus élevés qu’en Italie. Le système ontarien serait alors en pénurie de lits et de ventilateurs en soins intensifs en seulement 16 jours.

Au cours de la dernière semaine, certains ministres provinciaux de la Santé ont annoncé leur intention d’acheter des ventilateurs additionnels.

Mercredi, la ministre de la Santé de l’Ontario, Christine Elliott, a déclaré aux journalistes : « Nous avons certainement un approvisionnement suffisant pour la situation que l’on vit présentement. »

Elle a ensuite indiqué que la province avait commandé 300 ventilateurs de plus qu’elle devrait recevoir sous peu et que les fabricants de pièces d’automobiles cherchent à se rééquiper pour pouvoir produire des ventilateurs en Ontario.

« Nous savons qu’avec la fermeture de nombreuses frontières, nous devons trouver notre approvisionnement à l’interne », a-t-elle déclaré.

Le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, a déclaré : « Les services de santé de l’Alberta nous avisent qu’ils ont des fournitures adéquates pour faire face à cette crise ». Il a ajouté que la province avait commandé 50 ventilateurs.

Au Québec

Le premier ministre du Québec, François Legault, a déclaré que sa province a suffisamment de ventilateurs et en acquerra plus si la demande augmente.

« On a assez d’équipement à court terme, mais on travaille quand même sur des scénarios plus pessimistes, pour être prêt au cas où », a déclaré M. Legault, vendredi, en conférence de presse.

« On a commencé à parler avec des entreprises, si c’est nécessaire, pour construire des respirateurs, pour fabriquer des masques, pour fabriquer tous les équipements qui pourraient être essentiels s’il y avait une situation qui devenait beaucoup plus critique », a-t-il poursuivi.

En Colombie-Britannique, le ministre de la Santé, Adrian Dix, a affirmé qu’il rendrait public le nombre de nouveaux ventilateurs une fois les commandes reçues, ajoutant que la province en compte actuellement 1272.

Des épidémiologistes disent que ces niveaux d’approvisionnement pourraient ne pas être suffisants à moins que n’entrent en vigueur des distanciations sociales encore plus importantes et d’autres mesures de santé publique à travers le pays.

David Fisman, épidémiologiste à l’École de santé publique Dalla Lana de l’Université de Toronto, a salué le modèle de Mme Sander, mais a ajouté que la projection sur 37 jours était optimiste.