Devant les « images choquantes » de Québécois qui ont voyagé dans le Sud en faisant fi des consignes sanitaires au cours des derniers jours, le gouvernement Legault hausse le ton. Il demande à Ottawa de mettre sur pied rapidement une série de mesures pour prévenir la transmission de la COVID-19 au retour des Fêtes.

« Premièrement, ça prend une obligation de se faire tester avant de prendre son avion de retour au Québec », a martelé le ministre de la Santé, Christian Dubé, lors d’une mêlée de presse tenue mardi après-midi à Montréal, en compagnie du directeur national de santé publique, Horacio Arruda.

Québec affirme avoir aussi demandé la mise sur pied de tests de dépistage « rapides » dans les aéroports internationaux de Québec et de Montréal pour les voyageurs qui arriveront de l’extérieur. « Surtout, il faut une intensification du suivi de la quarantaine, ce qui est une responsabilité du fédéral », a insisté M. Dubé.

Ce dernier soutient que la volonté d’Ottawa d’appliquer ces mesures au début janvier n’est pas suffisante. « Ce n’est pas assez rapide d’attendre la semaine prochaine », a martelé le ministre, en assurant qu’il avait fait part de ses inquiétudes au gouvernement Trudeau. « La première chose qu’on aurait aimée, c’est qu’il n’y ait pas de voyages à l’étranger. On l’avait demandé, mais le fédéral n’est pas allé là », a-t-il ajouté.

Les images qu’on a vues des vacanciers dans le Sud sont choquantes pour tout le monde, surtout pour [...] les travailleurs de la santé.

Christian Dubé, ministre de la Santé

M. Dubé dit s’inquiéter que la transmission communautaire soit « excessivement importante » alors que le nombre d’hospitalisations « ne cesse d’augmenter ». « On ne s’en va pas dans la bonne direction. Je ne sais que ce n’est pas ce que les gens veulent entendre, mais on a des décès chaque jour et des hôpitaux qui s’approchent dangereusement de leur capacité », a-t-il martelé.

L’élu caquiste, qui avait soutenu il y a quelques semaines qu’on allait « frapper un mur » en janvier si la transmission n’était pas maîtrisée, s’est montré plus pessimiste mardi. « Malheureusement, on se rapproche de ça. Et la seule façon d’y remédier, c’est de se plier aux consignes », a-t-il soutenu au passage. S’il n’est pas exclu de prolonger le confinement au-delà du 11 janvier, Québec affirme « qu’on n’est pas rendu là pour le moment ». « On est le 29 décembre. Donnons-nous encore une chance », a illustré M. Dubé.

Sur Twitter, le premier ministre François Legault a pour sa part dit vouloir « éviter de reproduire ce qui s’est passé après la semaine de relâche au printemps ».

Vers un changement dans la vaccination ?

Si la campagne de vaccination se déroule « selon le plan de match », le gouvernement Legault avoue qu’il se questionne sérieusement – comme d’autres provinces, dont l’Ontario – sur la nécessité de conserver la moitié des vaccins pour administrer une éventuelle deuxième dose, tel que prescrit par le fabricant Pfizer, alors que les premières doses sont sur le point d’être « écoulées ».

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Le Dr Horacio Arruda

« Dès le départ, on a voulu évaluer cette possibilité-là. C’est clair qu’on a une réflexion intense là-dessus. On va arriver avec une recommandation sous peu qui va être adaptée à la situation épidémiologique du Québec, c’est-à-dire une très grande circulation », a soutenu le Dr Horacio Arruda, en précisant que le virus « ne prend pas de vacances » et qu’il est « partout actuellement ». « Le vaccin va nous aider, va nous donner de l’espoir, mais il faut encore tenir le coup », a ajouté M. Arruda.

On pense probablement que même si on vaccinait certaines personnes avec un délai plus élevé que prévu, il n’y aurait pas d’effet sur la protection des individus. C’est un scénario qu’on étudie bien avant que d’autres provinces l’aient regardé.

Horacio Arruda, directeur national de santé publique

En début de semaine, une étude de l’Université de Toronto concluait en effet qu’il serait plus sage de vacciner massivement et rapidement la population avec toutes les doses disponibles, au lieu de garder la moitié des doses en réserve. Interpellé à ce sujet, le ministre Dubé a souligné qu’il a demandé aux autorités de Santé publique de déterminer si le Québec pouvait « forcer la main à Pfizer » pour libérer les doses.

Des 55 000 doses déjà reçues par le Québec, 27 000 d’entre elles doivent actuellement être préservées à cause des exigences de Pfizer. Le ministre Dubé, lui, affirme que la demande d’assouplissement du Québec sera probablement bien reçue par le fabricant américain, entre autres parce que la province a vacciné rapidement et respecté ses règles à la lettre.

« L’enjeu des demi-doses, on va être capables de jouer avec. À mon avis, c’est une question d’une semaine, pas plus », a ajouté M. Dubé. Le Dr Arruda, lui, s’est voulu rassurant. Il a notamment promis qu’il ne « mettra jamais en péril la santé des Québécois » en utilisant un « calendrier modifié » si la Santé publique ne dispose pas de suffisamment de données probantes.

Ce que les autres États font dans le monde

Alors qu’au Québec, le retour des voyageurs inquiète vivement experts et politiciens au retour des Fêtes, les mesures déployées pour s’assurer de stopper la transmission de la COVID-19 lors du retour au pays varient en fonction des États un peu partout dans le monde. En voici quelques exemples en rafales.

Thaïlande

Toute personne qui entre sur le territoire doit observer une quarantaine de 14 jours dans un hôtel, et ce, à ses frais. La circulation y est limitée et les règles sont strictes. Ainsi, les portes sont régulièrement fermées à clé et des amendes sont imposées sur-le-champ aux récalcitrants. On interdit par ailleurs aux couples non mariés de cohabiter dans une seule et même chambre. Une personne qui tenterait d’évacuer l’hôtel s’expose à une peine de deux ans de prison et une lourde sanction financière. La Thaïlande a aussi fermé ses frontières terrestres très tôt et suspendu ses vols commerciaux dès la mi-mars.

France

La quarantaine à observer est plus courte : elle n’est que de 7 jours et n’est pas systématiquement imposée. Ainsi, un voyageur provenant de l’extérieur de l’espace européen doit en règle générale présenter un test négatif à l’arrivée, avec un résultat datant de moins de 72 heures. Sinon, un test est effectué sur-le-champ, et si le résultat est positif, les autorités peuvent alors imposer un isolement d’une semaine.

Japon

Les mesures en place ont récemment été resserrées au Japon après que le variant britannique du coronavirus, jugé plus contagieux, eut été détecté. Les frontières ont alors été temporairement fermées à tous les étrangers qui ne résident pas dans le pays, et ce, jusqu’à la fin du mois de janvier. Depuis, tous les Japonais qui désirent revenir chez eux doivent présenter un test négatif à la COVID-19 au moins trois jours avant leur voyage. Les exigences de quarantaine ont du même coup été resserrées.

États-Unis

Officiellement, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), soit la Santé publique américaine, recommandent de se faire tester 3 à 5 jours « après le voyage » et donc l’entrée au pays. On suggère également de rester à la maison pendant 7 jours après le voyage, même si le résultat du test est négatif. « Si vous ne vous faites pas tester, il est plus sûr de rester à la maison pendant 10 jours après le voyage. Évitez de côtoyer des personnes à risque accru de maladie grave pendant 14 jours, que vous subissiez un test ou non », précise-t-on également.

Corée du Sud

Les autorités sud-coréennes ont annoncé qu’elles effectueraient beaucoup plus de tests chez tous les arrivants de l’extérieur du pays, en réaction à l’apparition du nouveau variant britannique, qui a aussi été détecté dans ce pays. Le Service coréen de l’immigration soumet aussi tout voyageur à une prise de température au moment de son arrivée à l’aéroport. D’autres tests de dépistage de diverses maladies infectieuses, dont le choléra et la fièvre à virus Zika, peuvent aussi être réalisés. En présence de symptômes, une mise en quarantaine pour « observation médicale » peut aussi être faite.