On s’est confinés, on s’est déconfinés et on s’est reconfinés. Pendant des mois, on a cherché à « aplatir la courbe » et à améliorer la « moyenne mobile sept jours ». La pandémie a tout changé. Y compris, par moments, la façon de s’exprimer.

En quelques mois, on a vu apparaître des « cliniques de dépistage à l’auto ». Les aérosols sont entrés dans les conversations comme on causait jadis de possibilités d’averses et du facteur vent, dans ce bon vieux temps où on ne savait pas que le seul fait de se montrer le nez à un réveillon nous exposerait un jour au danger et qu’il faudrait littéralement annuler Noël. Sale époque, certes.

Maintenant, on écouvillonne, on se salue du pied, on se zoome. Certains abusent de la quarantini (la quarantaine passée à boire trop de martinis), tandis que tant d’autres « confinés » ont maintenant des cabanons rangés comme jamais ou des albums photo dûment organisés en ordre chronologique.

Pour le premier conseiller linguistique à Radio-Canada, Guy Bertrand, les néologismes de la COVID-19 démontrent bien à quel point une langue, c’est vivant. « La plupart des langues européennes ont beaucoup de souplesse pour la création de mots. »

Ainsi, déconfinement, COVID, gestes barrières, distanciation physique et télétravailler ont tous fait leur entrée dans le Petit Robert.

« L’un de ses grands patrons, Alain Rey, décédé en octobre, disait qu’avec l’internet et les réseaux sociaux, un nouveau mot qui mettait 10 ans à s’imposer il y a 20 ans ne met plus qu’une petite année pour entrer dans l’usage », fait remarquer Lucie Côté, conseillère linguistique à La Presse.

Dans le sens inverse…

En entrevue, Muriel Gilbert, correctrice au quotidien français Le Monde et auteure d’Un bonbon sur la langue, souligne qu’il est arrivé souvent, ces derniers mois, qu’un lecteur lui écrive pour lui dire par exemple que « déconfinement » n’était pas dans le dictionnaire.

Ce que les gens ignorent souvent, c’est qu’un nouveau mot, ça naît dans le sens inverse, « d’abord parce que les gens l’emploient souvent, puis parce que les journalistes le reprennent ». Ce n’est qu’ensuite qu’il entre dans les dictionnaires, et l’Académie française y est pour bien peu !

« Par exemple, en mai, en s’appuyant sur ce qu’avaient décidé les Québécois, l’Académie française a dit qu’il fallait dire la COVID-19, au féminin. Mais c’était trop tard, tout le monde en France continue de parler du COVID-19 au masculin. »

Idem avec les mots anglais, comme « cluster » et « tracking », qui se sont retrouvés partout dans les médias français.

Si on ne réagit pas tout de suite, ils s’imposent. Il faut vite trouver des mots courts et séduisants pour les remplacer.

Muriel Gilbert, correctrice au quotidien français Le Monde

Lucie Côté, de La Presse, fait observer que « click and collect » a été beaucoup employé et critiqué en France, si bien que « certains commencent à le remplacer par ‟clique et rapplique”, une formulation qu’elle trouve amusante.

Parfois, les néologismes passent, d’autres fois, non. Ainsi, « mascné », pour évoquer l’acné que peut exacerber le masque, « est un mot trop mal formé », selon Guy Bertrand.

Karine Picard, chef du pupitre linguistique au magazine L’actualité, explique pour sa part que toutes les abréviations ne se valent pas. « Les préposés aux bénéficiaires se désignent entre eux comme des PAB, mais ça ne va pas de soi pour le lecteur. Et à l’inverse, si on écrit “centre d’hébergement et de soins de longue durée”, ça paraît plus incongru que d’écrire carrément CHSLD. »

Ces autres mots et expressions qu’on a beaucoup, beaucoup entendus

• Coronavirus

• Quarantaine

• Anges gardiens

• Antimasques

• EPI (équipements de protection individuelle)

• Couvre-visage

• Faux positif, faux négatif

• PCU (Prestation canadienne d’urgence)

• Isolement

• pic

• présentiel