Un deuxième vaccin arrive au pays. Santé Canada a donné son feu vert mercredi à celui de Moderna, après celui de Pfizer. Si cette homologation suscite encore davantage d’espoir pour lutter contre la propagation de la COVID-19, notamment parce qu’il sera plus facile à distribuer en régions éloignées ou isolées, le combat n’est pas pour autant gagné. Le virus gagne toujours du terrain au Québec.

« On avait besoin de plus de souplesse, et Moderna va nous aider. À terme, ça va nous permettre de séparer les doses et d’aller vacciner dans de plus petites résidences de type familial ou dans les lieux où la clientèle ne peut pas se déplacer elle-même », avance le directeur de la santé publique de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, le DYv Bonnier Viger, en entretien avec La Presse.

Le médecin souligne que les Madelinots, qui n’ont toujours pas eu accès au vaccin de Pfizer, « attendent Moderna avec impatience ». « Les quantités restent relativement limitées pour l’instant, donc on ne s’attend pas à en recevoir sur la péninsule gaspésienne, mais aux Îles, oui. Une fois que les besoins auront été comblés en régions éloignées, ça peut faire toute une différence », ajoute-t-il.

Restant stable à des températures de 2 à 8 °C pendant 30 jours, le vaccin de Moderna sera en effet moins complexe à entreposer que le vaccin de Pfizer, dont la température de conservation doit être maintenue à environ - 70 °C. Il sera donc plus facile de l’acheminer dans les villages du nord du pays ainsi que dans les communautés autochtones. Ottawa a déjà prévu de recevoir 168 000 doses de ce vaccin contre la COVID-19 avant la fin de l’année. Deux millions de doses du vaccin de Moderna, attendues d’ici le 31 mars, permettront de vacciner un million de personnes. Ce vaccin, comme celui de Pfizer, requiert deux doses par personne. On attend près de 40 millions de doses au Canada, à terme.

En marge d’une conférence de presse mercredi, le DHoward Njoo, administrateur en chef adjoint de la santé publique du Canada, a salué l’arrivée du vaccin de Moderna. « Nous sommes bien placés pour assurer l’accès au vaccin à l’ensemble des Canadiens d’ici septembre 2021 », a-t-il dit, en assurant que sa livraison serait fondée sur le principe de « distribution équitable » à travers le pays, d’abord pour les clientèles les plus vulnérables. « Ça nous donne beaucoup plus de flexibilité », a aussi reconnu M. Njoo.

On a un autre signe encourageant important. La sortie de crise tiendra beaucoup à la capacité de distribuer un vaccin efficace pour immuniser les gens.

Le DYv Bonnier Viger, directeur de la santé publique de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine

Mais il reste encore un nuage gris important à prendre en compte, dit le DBonnier Viger. « On sait que ce virus peut se transformer, et nous ne sommes pas à l’abri d’une mutation qui rendrait inefficaces les vaccins existants. C’est pour ça que c’est important de ne pas voyager à l’étranger, au moins tant qu’une majorité des gens ne sont pas vaccinés. Rapporter des mutations indésirables nuirait à tout le monde », dit-il.

Des spécialistes rassurés, mais vigilants

Appelée à réagir, l’experte en médecine préventive de l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM) Marie-France Raynault parle d’une « excellente nouvelle ». « L’arrivée de Moderna va rendre possible la vaccination de clientèles prioritaires à qui on ne pouvait pas acheminer de doses. Ça donne beaucoup plus de latitude, surtout dans des communautés qui seraient très à risque en cas d’éclosions », indique-t-elle.

Le plus facile arrive après le difficile. Au Canada, comme nous n’avons pas tant de doses que ça, tout apport sera le bienvenu.

Marie-France Raynault, experte en médecine préventive de l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Néanmoins, la spécialiste rappelle que la lutte contre la COVID-19 est loin d’être terminée. « Avant que la majorité de la population ne soit vaccinée, il faudra encore plusieurs mois. Le positif, c’est que comme on vaccine d’abord les CHSLD et les travailleurs de la santé, on verra certainement une différence dans les hôpitaux autour de la mi-mars », note-t-elle.

Le virologue Benoit Barbeau, aussi professeur à l’UQAM, abonde dans le même sens. « Maintenant, au moins, on n’a pas juste une option, dit-il. On doit tous accueillir l’arrivée du vaccin très positivement. » Il précise qu’il reste toutefois plusieurs défis à surmonter avant de crier victoire. « Ce nouveau vaccin, il faudra le distribuer stratégiquement en fonction de ses propriétés avantageuses, donc aller dans des endroits où le transport et les infrastructures sont moins efficaces en priorité », note-t-il.

« Un autre point important est que comme celui de Pfizer, ce vaccin s’administre en deux doses. Il faudra s’assurer de faire un bon suivi pour que tout le monde reçoive cette deuxième dose. Si on veut venir à bout de cette pandémie, on a besoin de rendements très élevés », ajoute M. Barbeau, en insistant sur le fait qu’il faut continuer d’appliquer toutes les mesures sanitaires dans l’intervalle.

Le Québec atteint un nouveau sommet

Pendant ce temps, mercredi, l’épidémie de COVID-19 n’a montré aucun signe d’essoufflement au Québec, alors que la Santé publique rapportait 2247 nouveaux cas de COVID-19, soit au total 183 523, fracassant ainsi le record atteint la veille. On déplore également 74 décès supplémentaires, et le nombre d’hospitalisations a bondi de 12.

C’est à Montréal qu’on enregistre le plus de décès ; la métropole en compte à elle seule 24, suivie de la Capitale-Nationale, avec 12, puis de la Montérégie et de l’Estrie, qui déplorent chacune 8 décès. La Mauricie et le Centre-du-Québec recensent en tout sept décès, alors que Chaudière-Appalaches et le Saguenay–Lac-Saint-Jean en totalisent chacune quatre. Lanaudière, l’Outaouais et les Laurentides déplorent deux morts.

On compte dorénavant 1067 personnes hospitalisées dans la province. De ce nombre, 142 patients se trouvent toujours aux soins intensifs, soit une hausse de cinq admissions en 24 heures. Sinon, le nombre de tests de dépistage reste élevé ; en date du 21 décembre, soit lundi, le Québec avait réalisé un total de 36 498 prélèvements. Québec précise également que 1891 doses de vaccin supplémentaires ont été administrées mardi. Jusqu’ici, 7229 doses ont donc été injectées à la grandeur de la province.

« La vaccination a commencé dans plusieurs régions : Saguenay, Capitale-Nationale, Mauricie et Centre-du-Québec, Montréal, Outaouais, Lanaudière et Laurentides. Les autres sites débuteront dans les prochains jours », a précisé mercredi le ministre de la Santé, Christian Dubé, sur son compte Twitter.

Encore des études à mener

Pour le moment, le vaccin de Moderna ne peut être administré qu’aux personnes âgées de 18 ans ou plus. Toutefois, l’entreprise « mène d’autres études portant sur les enfants de 12 ans et plus, ce qui fait que cette indication pourrait être révisée dans l’avenir afin d’inclure ces enfants, si les données des études sont concluantes », a indiqué le gouvernement fédéral.

PHOTO DAVID KAWAI, LA PRESSE CANADIENNE

Le major-général Dany Fortin, des Forces armées canadiennes, responsable de la distribution des vaccins contre la COVID-19 au Canada

Le major-général Dany Fortin, des Forces armées canadiennes, a parlé d’une « étape charnière » pour le pays, promettant que les 168 000 premières doses du vaccin de Moderna arriveraient le 28 décembre. « On a au-delà d’une centaine de points de livraison. […] Les trois territoires recevront leurs doses. Notre focus, c’est de faire ça le plus rapidement possible », a-t-il avancé.

On prévoit recevoir 125 000 doses du vaccin de Pfizer à partir du 4 janvier, puis 200 000 chaque semaine pour le reste du mois. Des quantités similaires sont attendues pour le vaccin de Moderna. « Il s’agit d’un effort national sans précédent. Chaque maillon compte, chaque personne compte », a soulevé M. Fortin.

Le DTom Wong, médecin hygiéniste en chef de la santé publique à Services Autochtones Canada, a rappelé qu’il fallait « faire équipe avec les territoires » pour s’assurer que le vaccin de Moderna soit distribué de manière « juste et adaptée à la culture » de chaque nation, « tant en milieu rural qu’en milieu urbain ».

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