Des essais cliniques qui testaient l’effet d’anticoagulants pour traiter des patients « gravement atteints » de la COVID-19 ont été suspendus mardi, après que l’usage de ces médicaments n’eut montré aucun « effet bénéfique », causant la stupéfaction et la déception dans la communauté scientifique.

« C’est vraiment une surprise pour tout le monde. Toute la communauté scientifique s’attendait à l’inverse », lâche d’emblée le DAlexis Turgeon, chercheur au centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval, en entretien avec La Presse.

À ses débuts, l’étude avait en effet suscité beaucoup d’espoir. Comme la COVID-19 est entre autres associée à la formation de caillots dans les microvaisseaux sanguins, les anticoagulants — médicaments visant à éclaircir le sang — avaient été vus comme une « partie de la solution ». De nombreux médecins ont alors utilisé la technique à dose élevée, sur cette base, pour traiter leurs patients en soins intensifs.

Mais au final, le résultat a été beaucoup plus sombre que prévu. « En termes scientifiques, c’est futile. Ça veut dire que l’on considère qu’il y a moins de 1 % de chances de montrer un effet positif », résume à ce sujet le DTurgeon.

« Ironiquement, quand on a commencé cette étude, des gens ont refusé de participer parce qu’ils n’avaient pas de doute sur l’efficacité de l’intervention. Ça montre bien à quel point les gens y croyaient, et à quel point il faut aller au fond des choses même si ça tombe sous le sens », ajoute-t-il.

Encore des étapes à franchir

Des essais continueront néanmoins à être pratiqués sur des patients hospitalisés qui ne sont pas gravement malades, afin de raffiner certains éléments. C’est que la futilité a seulement été observée chez ceux qui sont gravement malades. Les équipes affirment par ailleurs qu’elles ne peuvent pas non plus exclure les effets « potentiellement délétères » des anticoagulants, dont une augmentation des saignements.

« On sait certainement que c’est inefficace, mais on ignore si ça augmente même les risques », conclut le médecin. L’étude était menée sur la plateforme REMAP-CAP, fondée il y a 10 ans dans la foulée de la grippe H1N1. Le tout a été réalisé en collaboration avec l’Université de Toronto et l’Université du Manitoba.

En fin de compte, malgré la déception, ces résultats « représentent un immense effort de collaboration impliquant des patients, des familles, des membres du personnel médical, des médecins et des chercheurs du monde entier, ce qui nous permet d’apprendre rapidement comment traiter au mieux la COVID-19 », a par ailleurs expliqué dans un communiqué le DRyan Zarychanski, professeur de médecine à l’Université du Manitoba et médecin spécialiste en soins intensifs.

« La pandémie de COVID-19 a abouti à de nouvelles collaborations mondiales créatives sur plusieurs plateformes d’essais cliniques pour répondre le plus rapidement possible aux questions urgentes sur le traitement optimal des malades », s’est-il réjoui.