La location de grands chalets ou d’appartements continue d’inquiéter à quelques jours de Noël, plusieurs entreprises ne disposant pas de « filet de sécurité » pour filtrer les demandes et ainsi prévenir des rassemblements illégaux. Si l’industrie se veut rassurante, des experts et des professionnels sur le terrain craignent que beaucoup de rassemblements passent « inaperçus ».

« Récemment, j’ai reçu un appel d’un jeune qui voulait louer un très grand chalet pour quatre jours, après le Nouvel An, avec sa blonde. C’est louche quand on sait que ça coûte plus de 1000 $ », lance le fondateur de la plateforme chaletsalouer.ca, Jean-François Demers, qui est aussi propriétaire à son compte.

Ce dernier n’exclut pas que des récalcitrants utilisent son site pour défier les règles de la Santé publique. « Il y a toujours un risque, mais j’ai quand même l’impression qu’avec le risque de délation, les gens vont se conformer. Dans les quartiers, il y a toujours une certaine vigie. Et les gens savent qui loue et pourquoi. Il risque d’y avoir pas mal de dénonciation dans les chalets si des rassemblements se tiennent », ajoute-t-il.

Les propriétaires de chalets sont laissés à eux-mêmes dans tout ça. On présume que oui, il y aura des rassemblements, mais à quel point, on l’ignore.

Jean-François Demers, fondateur de la plateforme chaletsalouer.ca

Ronald Gendron, de ChaletsAuQuébec, reconnaît lui aussi que le risque zéro n’existe pas. « Je pense que les gens respecteront les consignes en général, […], mais il y aura toujours des endroits plus chauds comme Tremblant. Il y a une clientèle d’un peu partout et entre autres beaucoup de la région d’Ottawa. Certains pourraient vouloir prendre des largesses », soulève-t-il.

Les deux hommes rappellent que plusieurs mesures ont été mises en place pour soutenir les propriétaires sur leurs sites, dont l’implantation de « contrats COVID-19 » très explicites. « Un contrat détaillé fait mention du nombre d’invités et même la liste des noms et âges. Et le non-respect entraîne dans bien des cas la perte du dépôt de sécurité », illustre M. Gendron.

« Ce n’est pas respecté »

D’autres sont toutefois beaucoup plus incisifs à ce sujet. Propriétaire d’une entreprise de nettoyage résidentiel dans les Laurentides et Lanaudière, Andréanne s’occupe d’une vingtaine de locations à court terme. Depuis le début des mesures de zone rouge, elle affirme que rien – ou presque – n’a changé. « Oui, les propriétaires ont une bonne volonté, ils veulent louer à une seule cellule familiale, mais dans les faits, on voit très bien que ce n’est pas respecté. Ça arrive régulièrement qu’on tombe sur plus d’une dizaine de lits utilisés, alors que la réservation était pour quatre », explique-t-elle.

L’entrepreneure, qui a requis l’anonymat par crainte de représailles pour sa compagnie, dit trouver « dommage » que le tout ne soit pas davantage encadré. « Ça nous met très à risque, surtout qu’avec l’arrivée des Fêtes, ça me surprendrait que ça ne change. Les politiques sont là, mais elles ne sont pas appliquées dans le concret », martèle-t-elle.

Experte à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM), Roxane Borgès Da Silva, se dit très préoccupée. « C’est très inquiétant, parce que la réalité, c’est que ce type de location-là n’a pas de filet de sécurité. Il n’y a pas vraiment de règles officielles, ni de contrôle sur les chalets qui sont loués au final », soulève-t-elle.

Ce n’est pas vrai que dans un chalet perdu dans le bois, tout le monde pourra aller vérifier ou dénoncer. Ça peut devenir très problématique.

Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Professeure agrégée au département de démographie de l’Université de Montréal, Simona Bignami est aussi de cet avis. « On voit bien que le message du gouvernement ne passe pas. Les mesures dès le 25 décembre ne sont pas un vrai confinement, et les déplacements sont encore permis. Ça et les nombreux voyages, c’est très inquiétant », avance-t-elle.

Tous les partis s’unissent

Dans une sortie conjointe mardi après-midi, les chefs de tous les partis de l’Assemblée nationale ont uni leurs voix pour demander aux Québécois de ne pas se réunir à Noël afin de sauver le réseau de la santé. « On peut faire la différence si on reste unis, a dit le premier ministre du Québec, François Legault. C’est important qu’on soit unis pour carrément sauver notre réseau de la santé. »

PHOTO PAUL CHIASSON, LA PRESSE CANADIENNE

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois, Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral, François Legault, premier ministre du Québec, et Manon Massé, co-porte-parole de Québec solidaire, en conférence de presse, mardi

Pour M. Legault, « le moins qu’on puisse faire au cours des prochaines semaines, c’est de tout faire » pour aider ceux qui travailleront à nous garder en santé. « On a fermé les restaurants. On a fermé les écoles. Mais il y a un bout qu’on ne peut pas contrôler, c’est ce qui se passe dans les maisons. Je voudrais être bien clair avec les Québécois : ce n’est pas le temps de trouver un truc pour ne pas se faire pogner. C’est le temps d’être responsable », a-t-il martelé.

La cheffe libérale, Dominique Anglade, dit comprendre que plusieurs citoyens soient fatigués de respecter les mesures. « Mais il ne faut pas laisser ces sentiments prendre le dessus. Parce que quand ils prennent le dessus, le virus gagne. » « Il faut garder confiance et se serrer les coudes », a-t-elle insisté.

Pour le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, suivre les mesures de distanciation est un « signe de respect » pour les travailleurs de la santé. « Au lieu de choisir le découragement, choisissons l’espoir », a-t-il souligné. Chez Québec solidaire, la co-porte-parole Manon Massé n’a pas caché son agacement à propos des gens qui voyagent dans le Sud. « Je trouve ça dur en tabarnouche. Je demande à mes concitoyens d’y penser à deux reprises avant de faire ça », a-t-elle imploré.

Un nouveau sommet

Pendant ce temps, le Québec a rapporté mardi 2183 infections supplémentaires, un record, surpassant ainsi la barre des 2000 pour une quatrième journée consécutive. On déplore également 28 décès de plus, avec un bond de sept hospitalisations, pour un total de 1055, dont 137 se trouvent toujours aux soins intensifs.

Au total, 7794 Québécois ont jusqu’ici succombé des suites de complications liées à la COVID-19. C’est dans la région de la Capitale-Nationale qu’on recense le plus de décès, avec 10. La région totalise d’ailleurs 219 cas en une seule journée, soit une hausse marquée par rapport à la veille. À Montréal, ce chiffre est aussi en hausse : 893 infections individuelles sont rapportées mardi, un sommet dans les sept derniers jours.

La Montérégie déplore de son côté cinq décès. On enregistre également 337 cas dans cette région qui demeure en état d’alerte, contre 262 la veille. Les régions de la Mauricie–Centre-du-Québec, de l’Estrie et de Montréal recensent chacune trois morts, suivies de Chaudière-Appalaches avec deux. Un décès s’ajoute également au Saguenay–Lac-Saint-Jean et dans Lanaudière.

Plus de 400 doses de vaccin supplémentaires ont été administrées lundi, pour un total de 5273 jusqu’ici à l’échelle du Québec. La majorité de ces vaccins ont été donnés à Québec (3070) et à Montréal (2110), mais 93 d’entre eux ont néanmoins été faits en Outaouais.

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