Alors que le seuil « critique » des 1000 hospitalisations a été franchi jeudi au Québec, des spécialistes et des professionnels de la santé tirent la sonnette d’alarme : il faut absolument que ce nombre soit stabilisé puis reparte à la baisse, sans quoi plusieurs régions pourraient devoir procéder à encore plus de délestage.

« C’est inquiétant, surtout parce que les ressources et les gens dans le système sont épuisés, fatigués. On combat des éclosions ici et là depuis des mois. À la veille de Noël, on leur en demande encore plus. Disons que ce n’est vraiment pas évident », avoue Élise Boulanger, médecin de famille qui exerce dans la région de Montréal.

D’après elle, l’atteinte du seuil du millier d’hospitalisations illustre surtout que le réseau est de plus en plus vulnérable. « Si ça continue, il se peut bien qu’on se pointe à l’hôpital et qu’on ne soit plus capable d’avoir les services dont on a besoin. Tout le monde espère que les gens vont se confiner davantage pendant les Fêtes, pour permettre aux indicateurs de diminuer », ajoute la médecin.

La différence majeure avec la première vague, c’est que les médecins de famille voient encore leurs patients en clinique, qui sont très actives. Donc, la COVID-19, ça se rajoute en plus de tout ça. Ça crée beaucoup de tensions.

La Dre Élise Boulanger, médecin de famille

Avec 27 nouveaux patients admis en milieu de soins recensés jeudi, on enregistre actuellement 1002 personnes hospitalisées en lien avec la COVID-19. C’est 154 de plus que la semaine dernière. Du nombre, 134 se trouvent aux soins intensifs. Du même coup, la province a rapporté 1855 nouvelles infections et 22 décès supplémentaires.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, n’a pas caché son inquiétude. « Nous avons franchi la barre des 1000 hospitalisations. Ça signifie que la capacité hospitalière est critique dans les hôpitaux de certaines régions. C’est à chacun de nous de respecter les consignes pour faire [baisser] les hospitalisations », a-t-il écrit sur Twitter. On estime à environ 2000 lits la capacité hospitalière du Québec pour la COVID-19.

Un portrait qui augure mal

Pour l’épidémiologiste Nimâ Machouf, l’atteinte du millier d’hospitalisations est en quelque sorte « une alarme qui a été déclenchée ». « Au printemps, on s’est rendus à environ 1800 hospitalisations, et c’était la catastrophe, mais on était pleinement confinés. Aujourd’hui, alors que les mois de janvier et de février sont déjà très achalandés dans les hôpitaux et qu’on s’en va vers l’hiver, ça implique aussi un risque plus élevé. Le réseau peut déborder facilement », explique-t-elle.

Mme Machouf rappelle également que la réalité des milieux de soins n’est plus la même. « Pendant la première vague, c’était surtout des personnes âgées qui décédaient rapidement. Maintenant, les patients sont plus jeunes, et ils restent plus longtemps dans les ressources », illustre-t-elle.

Avant les Fêtes, ce n’est pas un bon présage, d’atteindre ce taux-là, sachant qu’on est dans une pente ascendante et qu’on n’a pas atteint de plateau.

Nimâ Machouf, épidémiologiste

Jeudi, La Presse traitait d’une nouvelle étude de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), qui révèle que les patients atteints de la COVID-19 restent en moyenne 17 jours à l’hôpital, soit presque trois fois plus longtemps que les malades de l’influenza, notamment. Chez les patients de 80 ans et plus atteints de la COVID-19, la durée moyenne de séjour à l’hôpital est de 22 jours, contre 9 ou 10 pour la grippe. « Les séquelles de cela sont immenses », ajoute l’épidémiologiste à ce sujet.

À l’UQAM, le virologue Benoit Barbeau est globalement du même avis. « Si la majorité de ces hospitalisations surviennent à Montréal, on aura une meilleure capacité de prise en charge. Ce qui m’inquiète, c’est s’il y a une trop forte proportion dans des petites régions, où les moyens sont moindres. Il y aurait alors la possibilité d’une crise réelle », affirme l’expert.

D’ailleurs, la plupart des établissements de santé sont « déjà en état d’alerte », précise M. Barbeau. « Il y a un besoin de se préparer à une situation qui serait drôlement pire à la suite du temps des Fêtes », estime-t-il, ajoutant que le plus difficile sera de convaincre tout un pan de la population « qui ne vit pas la crise en tant que telle » de se conformer aux règles.

Des régions sous surveillance

Les 22 nouveaux décès rapportés jeudi sont nettement en dessous de la moyenne. Depuis une semaine, le Québec déplore en moyenne 36 décès par jour. Or, de ce nombre, 9 sont survenus dans la Capitale-Nationale. Le bilan récent de la région de Québec est particulièrement élevé, alors que 56 décès y ont été rapportés depuis une semaine.

Quant à elle, l’Estrie déplore cinq décès. Les régions de Chaudière-Appalaches, Laval et Lanaudière en dénombrent deux, tandis que la Montérégie ainsi que la Mauricie et le Centre-du-Québec en comptent un chacune. Les 1855 nouveaux cas rapportés jeudi portent à 1815 la moyenne quotidienne de nouveaux cas au cours de la dernière semaine. Rappelons que l’objectif du Québec était de passer sous la barre des 1000 cas par jour.

C’est à Laval que l’on rapporte en ce moment le plus de cas pour 100 000 habitants. Avec 173 nouveaux cas jeudi, la Ville affiche un taux de 36 nouveaux cas en moyenne pour 100 000 habitants. Elle est suivie de l’île de Montréal, où les 561 cas rapportés jeudi ont fait passer son taux à 29 pour 100 000 habitants.

Le Québec rapporte également avoir administré 969 doses de vaccin mercredi, soit au total 2582 depuis le début de la campagne. Quant aux tests, 38 486 ont été réalisés mardi, pour un total de 4,4 millions depuis le début de la pandémie.

Pendant ce temps, l’Ontario a rapporté un nouveau record de cas jeudi, soit 2432 de plus. En proportion, le Québec continue à en rapporter davantage. La province francophone signale quotidiennement en moyenne 214 nouveaux cas par million d’habitants, contre 141 pour sa voisine. C’est toutefois en Alberta que la tendance est la plus élevée : 363 cas par million d’habitants.

La COVID-19 en graphiques

Suivez la progression de la pandémie en temps réel dans notre page de graphiques interactifs.