Commerçants, résidants et élus de Saint-Sauveur cachaient mal leur déception, samedi, moins de 24 heures avant de basculer en zone rouge. Pour bon nombre d’entre eux, une sensibilisation ainsi qu’une surveillance accrue auraient permis d’éviter de devoir mettre tout un pan de l’économie locale sur pause.

« Pour moi, la décision de nous faire fermer est plus politique qu’autre chose ; on faisait partie des 2 % de restaurants qui étaient encore ouverts. Il fallait régulariser tout ça pour calmer le monde », confie Jonathan Martin, directeur général du resto-pub Le Saint-Sau, rue Principale.

Dans les dernières semaines, estime-t-il, environ 80 % la proportion de sa clientèle provenait de l’extérieur. « D’habitude, l’activité au mois de novembre est toujours très basse, même avec des locaux. Là, on a vraiment doublé notre occupation mensuelle avec des gens de l’extérieur », illustre-t-il.

Cela dit, le problème n’est pas aussi simple, selon ce restaurateur, qui rappelle que beaucoup de gens de Saint-Sauveur travaillent aussi dans le Grand Montréal. « Ça va dans les deux sens. Les gens ont continué de se déplacer beaucoup. Avec la zone rouge, on marque l’esprit des gens, on fait comprendre rapidement la réalité », soulève M. Martin.

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Jonathan Martin, directeur général du Saint-Sau

Il faut qu’il y en ait qui paient, quelque part. Je pense que la restauration est visée parce que c’est un domaine qui se reconvertit constamment, peut-être plus facilement que les grosses industries, même si on perd une manne financière.

Jonathan Martin, directeur général du Saint-Sau

Encore des inquiétudes

Non loin de là, le restaurant mexicain Senior Sanchez était ouvert pour une dernière soirée samedi, ayant choisi de fermer avant même la fin du week-end. « Le temps des Fêtes est probablement le meilleur moment pour fermer, sauf qu’on se demande quand on va rouvrir », confie sa propriétaire, Laurence Hamel, qui devra mettre à pied la majorité de sa petite équipe de 23 salariés.

Zone rouge ou pas, le problème de circulation des populations ne sera pas totalement réglé pour autant, croit Mme Hamel. « Avec le ski qui reste ouvert, il y a plusieurs personnes qui ont loué des chalets pendant les Fêtes. Et il y en a beaucoup qui se foutent un peu de ce qui se passe aussi », s’inquiète-t-elle, en ajoutant qu’« à la base, c’est du monde d’ici qu’on veut servir ».

Sur la montagne, des skieurs assurent pour leur part qu’ils seront très vigilants. « Le ski, c’est pas mal la dernière activité qui nous reste cet hiver. Et dehors, le virus est beaucoup moins menaçant », lâche le Lavallois Éric Gagnon, au bas des pentes. Selon lui, les protocoles sanitaires en place sont bien faits et limitent la transmission de la COVID-19 au maximum.

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Les files d’attente pour le télésiège de la station de ski Les Sommets Saint-Sauveur

Fin novembre, le directeur de l’expérience client du Sommet Saint-Sauveur, Simon Pagé, l’avait dit clairement. « La responsabilité partagée sera très importante. Si les gens veulent skier jusqu’au printemps, c’est entre leurs mains », avait-il déclaré, en assurant que les règles seraient strictes. « Toutes nos files d’attente, même extérieures, sont modifiées pour assurer une distanciation. On ne peut pas se permettre d’avoir des tapons de gens qui deviendraient problématiques », a-t-il illustré.

Plus d’écoute réclamée

Si tout était à refaire, le dialogue pourrait probablement être plus ouvert, croit Stéphane Julien, qui réside à Saint-Sauveur. « Il aurait dû y avoir plus d’écoute gouvernementale. Quand on a fermé les commerces à Montréal, on aurait pu sensibiliser les gens davantage. Ici, tous les week-ends, on voyait des tas de personnes venant de l’extérieur », raconte-t-il.

Certains jours, sa famille et lui ne sortaient plus pour encourager leurs commerces locaux, tant ceux-ci étaient envahis de clients venus des zones rouges avoisinantes.

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Maude Lapointe et Stéphane Julien, résidants de Saint-Sauveur

On n’y allait plus, honnêtement, surtout parce que les files d’attente duraient des heures. Je pense qu’on aurait dû accorder plus d’attention à ça.

Stéphane Julien, résidant de Saint-Sauveur

Sa conjointe, Maude Lapointe, voyait venir l’imposition de restrictions depuis un bon moment déjà. « On est entourés de rouge, donc c’était sûr que ça s’en venait. C’était une question de temps », lance-t-elle. « C’est juste dommage que tout ça arrive avant les Fêtes, quand on faisait attention. On se voyait encore prendre des vacances, aller manger dans nos restaurants », ajoute-t-elle également.

« On est allés trop vite », dit le maire

Rencontré tout près de l’hôtel de ville, le maire de Saint-Sauveur, Jacques Gariépy, n’a pas mâché ses mots pour décrire son sentiment à la veille du passage au palier rouge, lui qui avait réclamé à plusieurs reprises l’érection de barrages routiers pour prévenir la transmission de la COVID-19.

« On aurait pu demeurer en zone orange. Il n’y avait aucune raison pour qu’on passe au palier maximal, martèle l’élu. On est allés trop vite. Certes, les cas ont doublé, mais ici, on est passés de 10 à 19 infections. En réalité, ça se passe très bien. »

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Le maire de Saint-Sauveur, Jacques Gariépy

Le maire réitère qu’il aimerait être davantage sondé par le gouvernement dans le futur. « Je comprends que ce sont eux qui prennent les décisions, comme moi je le fais pour ma municipalité. Mais il y a toujours moyen de se parler, de s’écouter », ajoute celui qui a été élu pour la première fois en 2013.

M. Gariépy affirme que même avec l’arrivée des mesures supplémentaires, des agents de sécurité continueront de surveiller les allées et venues. « On s’attend quand même à recevoir beaucoup de monde à l’approche de Noël. La moyenne d’âge est de 53 ans ici. Les gens sont préoccupés, ils sont craintifs », conclut-il, en espérant voir les restaurants rouvrir plutôt tôt que tard.