« C’est vrai, ce qu’elle dit. On a été abandonnés pendant la pandémie », raconte Denis Lamarche, préposé aux bénéficiaires depuis plus de 20 ans. Comme plusieurs de ses collègues, il espère que les recommandations du rapport d’étape de la protectrice du citoyen seront enfin mises en application.

M. Lamarche s’est retrouvé seul à s’occuper de dizaines de patients pendant la première vague de COVID-19, dans son CHSLD de l’est de Montréal. On ne lui fournissait que deux masques qu’il devait manipuler comme des denrées rares à chacun de ses quarts de travail.

Les constatations de la protectrice du citoyen sur la désorganisation dans les CHSLD ne l’étonnent donc pas du tout. « On a été laissés à nous-mêmes », dit-il.

« Ce que j’ai vu durant la première vague, ça va me troubler pour le reste de ma vie », dit-il, des sanglots dans la voix. Le préposé confirme que des résidants sont décédés de façon « indigne », comme le rapporte Marie Rinfret. Dans son CHSLD, la salle à manger a été transformée en « mouroir » au plus fort de la vague de COVID-19, raconte-t-il.

« C’est difficile parce que ce sont des gens qu’on a connus », dit M. Lamarche, qui doit marquer une pause pour ne pas fondre en larmes.

Quand on avait cinq, six, même dix résidants dans le mouroir et que personne ne pouvait les visiter parce qu’on manquait de personnel… Faites-moi pas croire que ces gens-là ont été bien traités. »

Denis Lamarche, préposé aux bénéficiaires

M. Lamarche, qui aime toujours autant son emploi, a été secoué dans les derniers mois.

Infectée au travail

Karine, elle, a contracté la COVID-19 très tôt au début de la pandémie, car elle n’avait pas le droit de porter un masque de protection dans le CHSLD du centre de Montréal où elle travaille. La direction de son établissement voulait éviter une pénurie si le virus frappait. Et il a frappé.

Des dizaines de personnes vivant dans cette résidence sont mortes de la maladie respiratoire et plusieurs collègues de Karine ont également été infectés par le virus.

« Au début, on avait des masques seulement quand il y avait un cas suspect ou quand une personne était placée en isolement », raconte celle qui a préféré taire son nom de famille pour éviter des représailles de la part de son employeur.

C’est sûr que notre sécurité a été mise à risque. Si on avait eu le droit à des masques dès le début, on aurait évité bien des cas et bien des décès.

Karine

Pour la préposée aux bénéficiaires Valérie Tremblay St-Louis, une partie des problèmes liés à la première vague de COVID-19 ont été réglés. Les masques et blouses sont en quantité suffisante et les travailleurs ne se déplacent plus d’un établissement à l’autre.

Mais parfois, même quand les ratios travailleurs-résidants sont respectés, les préposés aux bénéficiaires peinent à donner un bain à tous les résidants, à les faire marcher et à les hydrater adéquatement. Il y a souvent trop de tâches à accomplir en peu de temps dans son CHSLD de Saint-Jérôme, soutient-elle.

« C’est censé être un ratio idéal, mais ce ne l’est pas du tout. Dans un monde idéal, ça peut peut-être fonctionner, mais dans la réalité, sur le terrain, les cas sont de plus en plus lourds, les résidants de plus en plus malades », dit Mme Tremblay St-Louis.

« J’aimerais ça qu’un gestionnaire vienne passer une soirée avec nous juste pour voir c’est quoi, la charge de travail. »