Plusieurs établissements ont répondu jeudi à un appel à la « désobéissance civile » lancé par le restaurant Joe Beef, en vendant une bouteille de vin sans l’accompagner d’un plat, ce qui est contraire à la loi. Les commerçants martèlent que Québec doit s’adapter pour leur permettre de « respirer un peu » à l’approche des Fêtes.

« Il est temps que ça change. Tous les restaurants ont de la misère. Plusieurs ont une cave immense et des produits de qualité à offrir. C’est de l’argent déjà dépensé. On veut juste continuer à survivre », lâche le copropriétaire de la Taverne Monkland, Josh Crowe.

En affaires depuis 25 ans dans Notre-Dame-de-Grâce, l’entrepreneur demande justice. « On paie nos taxes et les frais d’agence, donc la Société des alcools (SAQ) a sa cote. Pendant ce temps, on voit les files d’attente dans leurs succursales, et notre marchandise ne peut pas bouger sans nourriture », martèle M. Crowe.

Sous le mot-clic #OuvrezNosCaves, une campagne a été lancée sur les réseaux sociaux, jeudi, à l’initiative du Joe Beef. Ce dernier décrit sa sortie comme un « acte de désobéissance civile » ayant pour but « démontrer notre découragement face au médiocre renoncement du gouvernement » à changer les règles.

La publication a été reprise par des dizaines de restaurateurs. « On est le clou sur lequel les autorités tapent depuis le début. Une vente d’alcool, c’est une transaction facile et simple qui nous aiderait », martèle Michael Picard-Labelle, chez Le Pied de Cochon, sur le Plateau-Mont-Royal.

Tout le monde a ses défis, mais en bout de ligne, tout le monde est dans la merde. Il faut qu’on s’adapte.

Michael Picard-Labelle, au Pied de Cochon

Un projet de loi en préparation

La Régie des alcools des courses et des jeux (RACJ) assure que des changements arrivent, alors que l’étude du projet de loi 72 est en cours à l’Assemblée nationale. « Pour le vin, ça sera bientôt possible d’en vendre à l’achat d’aliments, et non d’un repas », précise la porte-parole, Joyce Tremblay, ajoutant que cela permettra aussi aux restaurants de livrer des aliments par un tiers.

On vient assouplir le tout. Nous espérons que ce projet de loi soit adopté avant la fin de la session. C’est une grande avancée.

Joyce Tremblay, de la RACJ, pour qui ces ajustements créeront une nouvelle « dynamique »

Présentement, si les salles à manger étaient ouvertes, elles ne pourraient vendre un seul verre de vin, ce que la RACJ veut aussi changer. « Dorénavant, à condition que la cuisine soit fonctionnelle, les gens pourront prendre un verre », précise Mme Tremblay, qui se dit « surprise » par la sortie des restaurateurs.

Le ministère de la Santé (MSSS), lui, affirme que les restaurateurs « s’exposent à des pénalités et même à des amendes ». « Notre position à ce sujet est très claire et son objectif est de limiter les impacts de la COVID-19 afin de protéger les personnes les plus vulnérables et d’éviter de surcharger le système de soins », indique-t-on.

Député solidaire dans Rosemont, Vincent Marissal dénonce la position du gouvernement. « Priver les restaurateurs des quelques ventes qui leur restent dans le contexte, ça n’a pas de bon sens. C’est ajouter l’insulte à l’injure. Je veux bien croire que les policiers ne font qu’appliquer la loi, mais la loi est archaïque et fonctionne tout croche », dit-il.

Police « de la moralité » dénoncée

Dans le Mile-End, le Butterblume réclame aussi des assouplissements. « Au lieu de soutenir, on nous met des bâtons dans les roues. Pourtant, les Montréalais ont envie de consommer nos produits », lance la copropriétaire, Nadine Boudreau.

Elle dénonce par ailleurs que le SPVM agisse comme « police de la moralité ». « On entend de plus en plus que les agents font des tournées pour vérifier les timbres sur les bouteilles en vente. Ce n’est pas ça, nous soutenir », tonne Mme Boudreau, qui réclame au minimum des « mesures temporaires » pour les Fêtes.

C’est dur de comprendre pourquoi on nous menace d’amendes. On ne fait rien d’illégal, on ne fait rien de mal.

Nadine Boudreau, du Butterblume

L’agence Le Vin dans les Voiles a aussi déploré cette approche sur sa page Facebook. « Plusieurs restaurants vivent ce genre d’intimidation […]. Nous demandons respect, empathie et solidarité́ envers l’industrie de la restauration », martèle l’organisme, en demandant aux autorités d’adresser la situation rapidement.

Par courriel, la police de Montréal affirme de son côté qu'il « ne s’agissait pas d’une opération spécifique, mais plutôt d’une vérification de routine qui s’inscrit dans le mandat du SPVM, notamment dans le cadre du programme ACCES (Actions Concertées pour Contrer les Économies Souterraines), un projet gouvernemental qui vise entre autres le commerce illégal d’alcool ».