Noël est peut-être compromis, mais les commerçants continuent leurs préparatifs en vue du magasinage des Fêtes, a constaté La Presse sur le terrain. La clientèle est par ailleurs déjà au rendez-vous.

« Noël, c’est l’espoir », souffle Daniel Gabrian, propriétaire d’une petite boutique de souvenirs dans le centre-ville de Montréal. Depuis le début de la pandémie, il estime avoir perdu 95 % de ses revenus, en raison de l’absence des touristes.

Mais Noël pourrait changer la donne. « Beaucoup d’étudiants étrangers retournent passer les Fêtes dans leur famille. Ils leur rapportent des souvenirs du Canada ! », dit en rigolant M. Gabrian, penché sur un petit poste de radio.

Il espère aussi que la fin des travaux de construction dans la rue Sainte-Catherine attire la clientèle cet hiver. « C’est très difficile, mais il faut continuer, il faut regarder le bon côté des choses. »

À l’autre bout de la ville, dans une boutique de vêtements des Galeries d’Anjou, Véronica pose devant une caméra. L’employée tourne une vidéo dans laquelle elle invite sa clientèle à venir magasiner pendant le temps des Fêtes. « Je veux que les clients sachent qu’on les attend et que nous sommes sécuritaires », explique-t-elle.

Les centres commerciaux étaient occupés mardi soir, la clientèle profitant des dernières aubaines du Vendredi fou. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, s’en est d’ailleurs inquiété. « On voit quand même un grand achalandage dans les centres commerciaux, dans les magasins à grande surface », a-t-il indiqué lors d’un point de presse tenu mardi à Québec.

La plupart des commerçants interrogés par La Presse resteront ouverts pour le Boxing Day, cette journée de magasinage particulièrement populaire au lendemain de Noël.

La boutique spécialisée Gosselin Photo a même décidé d’allonger ses heures d’ouverture le 26 décembre prochain afin d’éviter les attroupements. « On s’attend à beaucoup de monde et on ne veut pas qu’ils arrivent tous en même temps », explique son directeur, Pierre-Luc Darche.

Pour d’autres, un « répit » au Boxing Day

Cette année, le commerçant de jouets québécois L’Entre-Jeux ne participera pas à la folie du Boxing Day. Le propriétaire, Olivier Ménard, a préféré donner congé aux employés de ses cinq succursales et de son centre de distribution à travers le Québec, « qui travaillent tellement fort depuis le début de l’année ».

« La course a été folle, ils méritent un répit avec leurs proches », témoigne M. Ménard.

En novembre, il avait décidé d’annuler le Vendredi fou, afin d’éviter les rassemblements dans ses boutiques. L’annonce a été si bien reçue par sa communauté que ses ventes ont explosé. « On a reçu une belle part d’amour. C’est normal que l’on continue dans cette direction-là », conclut-il.

Un plan pour le magasinage

Québec doit annoncer ce mercredi des mesures pour s’assurer que les règles sanitaires soient bien appliquées dans les centres commerciaux et les magasins à grande surface. La vice-première ministre, Geneviève Guilbault, tiendra un point de presse à ce sujet durant la journée.

« Je veux quand même lancer un message aux clients, aux Québécois : soyez prudents. Il faut garder la distance de deux mètres, il faut bien sûr porter le masque, autant dans les magasins que dans les allées des centres d’achats, puis évidemment, on essaie de faire son magasinage le plus rapidement possible », a imploré mardi le premier ministre, François Legault, en conférence de presse.

M. Legault invite par ailleurs la population à bien planifier ses déplacements à l’intérieur des centres commerciaux. « Ce n’est pas un message pour personne, là, mais on essaie de savoir ce qu’on veut avoir, on va l’acheter, puis on sort », a-t-il soulevé.

C’est important que ça se fasse relativement rapidement. […] On n’est pas là pour faire des grosses jasettes avec le voisin qu’on n’a pas vu depuis deux mois.

François Legault, premier ministre du Québec

Faut-il plus de mesures ?

Pour l’expert en virologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Benoit Barbeau, les centres commerciaux devront forcément s’adapter à la hausse de l’affluence dans les prochaines semaines. « C’est certain qu’il y a quand même un danger. Les gens seront beaucoup plus présents et circuleront dans les magasins, où les espaces sont très souvent plus clos », dit-il.

À ses yeux, les entreprises pourraient bien vite recommencer à limiter le nombre de clients dans leurs succursales, comme ç’a été le cas au printemps, pour prévenir toute forme d’éclosion. « Je pense que ça risque de devenir une réalité assez rapidement. Il faudra aussi rappeler aux gens de ne pas rester longtemps aux mêmes endroits », ajoute M. Barbeau.

On n’aura pas le choix : avec l’achalandage qui s’en vient, il faudra être plus restrictifs. Fermer les centres commerciaux serait un coup trop dur, mais on peut limiter la transmission de plein de façons.

Benoit Barbeau, expert en virologie de l’UQAM

À l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM), le professeur Thomas Poder abonde dans son sens. « S’il y a une recrudescence des cas, c’est sûr que les mesures vont être renforcées. En attendant, c’est de rester le moins longtemps sur place, et aussi d’aller faire ses courses seul lorsque possible », soulève l’expert.

La situation risque toutefois de modifier les habitudes de plusieurs personnes, rappelle M. Poder. « Il y a beaucoup de gens qui, par peur, risquent de faire davantage leurs achats en ligne. Sur place, ce sera toujours une question de respect des consignes. Si on ne se touche pas et qu’on ne se parle pas sans masque, il n’y a pas plus de risques qu’ailleurs normalement », conclut-il.