(Ottawa) Justin Trudeau avance que la majorité des Canadiens seront vaccinés contre la COVID-19 d’ici septembre prochain – un échéancier que le major-général Dany Fortin, à qui l’on a confié les rênes de l’opération de vaccination à l’échelle nationale, sera chargé de superviser.

Au lutrin installé devant sa résidence de Rideau Cottage, vendredi, le premier ministre du Canada a levé le voile sur le calendrier national de vaccination. En fixant comme cible la fin de l’été 2021, il a affirmé qu’il s’agissait là d’une « nouvelle positive » basée sur les « avis d’experts » et de scientifiques.

« Il y a certainement un désir d’arriver à la ligne de départ le plus rapidement possible, et je comprends ça. Mais il faut aussi parler de quand on arrivera à la ligne d’arrivée », a-t-il fait valoir lors de cette conférence de presse à Ottawa.

« Et ça, à ce niveau-là […], il y a de très bonnes chances, si tout fonctionne bien, qu’on puisse vacciner la majorité des Canadiens d’ici septembre », a-t-il enchaîné. Par « majorité », Justin Trudeau entendait plus de 50 % de la population, a précisé par la suite une source gouvernementale.

La veille, les autorités fédérales de santé publique avaient annoncé qu’environ trois millions de Canadiens, soit 8 % de la population, seraient vaccinés dans les trois premiers mois de l’année prochaine, à condition que les deux candidats vaccins les plus prometteurs (ceux de Pfizer et de Moderna) soient approuvés.

On avait aussi évoqué comme cible « optimiste » la fin de l’année 2021 pour faire vacciner la majorité de la population.

Justin Trudeau a-t-il péché par excès d’enthousiasme en rapprochant la cible ?

L’administrateur en chef adjoint de l’Agence de la santé publique du Canada, le Dr Howard Njoo, a voulu minimiser le décalage entre les projections. « C’est la même fourchette », a-t-il fait valoir en conférence de presse au parlement.

« C’est bon d’avoir un objectif pour planifier pour le mois de septembre, mais je pense qu’il faut aussi être un peu réaliste. Moi, j’ai dit la fin du mois de décembre […] Mais je suis toujours d’accord avec notre premier ministre », a poursuivi le scientifique.

« On va mettre le plan à l’épreuve »

Vendredi, Justin Trudeau a également présenté le maître d’œuvre de l’opération de vaccination : le major-général Dany Fortin, officier supérieur des Forces armées canadiennes qui a été commandant de la mission de l’OTAN en Irak d’octobre 2018 à novembre 2019.

« Nous vivons une situation sans précédent avec la COVID-19. Il y a ici, à l’Agence de la santé publique du Canada, des experts […], mais on est vraiment en train de vivre une situation comme on n’en a jamais vu par le passé, et ça demande des solutions nouvelles », a expliqué le militaire en entrevue avec La Presse.

PHOTO SABAH ARAR, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

L'opération vaccination au Canada sera chapeautée par le major-général Dany Fortin.

« La distribution [des vaccins] va exiger des méthodes de transport qui vont être surveillées étroitement […] On a des vaccins qui ont des exigences particulières en termes de température, alors ça demande des solutions comme on n’en a jamais vu », a souligné le natif de Montmagny, au Québec, qui jouera en quelque sorte le rôle de chef d’orchestre.

Le major-général Fortin sera lui-même basé au « centre nerveux » d’Ottawa, mais il travaillera étroitement avec les provinces et les territoires. Et il est « bien au fait des échéanciers visés », a-t-il assuré à l’autre bout du fil lorsqu’on lui a parlé de la cible de septembre évoquée par le premier ministre.

On va mettre le plan à l’épreuve dans les deux prochaines semaines. Dès la semaine prochaine, on aura un exercice de simulation avec les différentes autorités pour identifier les points de friction, s’assurer qu’on est solides dans notre exécution, et ça va peut-être ouvrir la porte à quelque chose de plus pointu.

Le major-général Dany Fortin

La distribution des vaccins contre la COVID-19 promet d’être un casse-tête logistique. Il faut gérer les besoins par provinces et territoires, mais aussi composer avec les différentes précautions à prendre en fonction des caractéristiques des différents candidats vaccins.

Celui de Pfizer, par exemple, doit être entreposé à une température d’environ - 70 °C, tandis que l’autre candidat vaccin le plus prometteur, celui de Moderna, peut être conservé à des températures de réfrigération standards de 2 à 8 °C.

Le gouvernement canadien a dans son carnet de commandes un total de 414 millions de doses de candidats vaccins (on a acheté 194 millions de doses et pris des options d’achat pour 220 millions de doses) auprès d’un éventail de sociétés pharmaceutiques. Les ententes avec cinq des sept entreprises ont jusqu’à présent été finalisées.

Et ailleurs ?

Si de nombreuses questions restent en suspens en ce qui concerne le calendrier de livraison des vaccins au pays, Gaston De Serres, médecin épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec, note tout de même que le réseau de la santé a la capacité de vacciner un nombre important de personnes : « Au Québec, en 2009, on a vacciné 875 000 personnes contre la [grippe] H1N1 en une semaine. »

À l’international, des pays ont des plans de vaccination très ambitieux, notamment l’Espagne, qui envisage de vacciner la grande majorité de ses 47 millions d’habitants avant l’été 2021. Les experts consultés doutent toutefois de la capacité de ces pays à respecter leur promesse.

« Je serais surpris que l’Espagne soit dans une situation nettement meilleure que la nôtre », dit le Dr De Serres. Anie Perrault, directrice générale de BIOQuébec, est du même avis. « Au Canada, on est peut-être plus raisonnables dans nos propos », avance-t-elle.

Mme Perrault précise qu’il est probable que les Américains et les Allemands soient plus rapides, puisque les entreprises les plus avancées dans la fabrication des vaccins se trouvent sur leur territoire. « Par contre, tous les autres pays sont dans la même situation que nous et c’est impossible de penser que toutes les doses vont arriver par miracle le 1er janvier 2021. »