(Ottawa) Alors que les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni et le Mexique évoquent des campagnes de vaccination dès décembre 2020, le Canada continue de viser le début de 2021 – un décalage qui s’explique par le fait que le Canada n’avait pas la même capacité de production pharmaceutique que ces pays, a expliqué le premier ministre Justin Trudeau.

« Comme les gens savent peut-être, on n'a pas de capacité de production de masse de vaccins au Canada. On en avait il y a plusieurs décennies, mais depuis ces années-là, on n'a plus notre capacité domestique », a-t-il plaidé en conférence de presse à Rideau Cottage, mardi.

« D'autres pays qui en ont, comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et d'autres, évidemment, vont prioriser l'accès à leur vaccin pour leurs citoyens d'abord », a-t-il ajouté en arguant que c'est la raison pour laquelle le fédéral a opté pour une stratégie d’achat « robuste » de centaines de millions de doses.

Et s'il est normal que ces pays vaccinent leur population en premier, cela ne signifie pas que les Canadiens devront attendre que ces campagnes de vaccination, qui pourraient s'échelonner sur plusieurs mois, soient terminées avant de commencer à recevoir les doses commandées, a assuré le premier ministre.

Il a dit comprendre l'impatience des Canadiens en matière d'accès au vaccin, mais « la réalité, c’est qu’on ne sait pas lesquels vont être les plus efficaces, lesquels vont arriver en premier », plaidant qu’il serait ainsi hasardeux d’« encercler une date sur le calendrier » pour l’arrivée du vaccin.

Le Canada a réservé l’équivalent d’environ 414 millions de doses de vaccins en développement auprès de plusieurs entreprises pharmaceutiques, dont 76 millions de doses de celui développé par Pfizer et BioNTech – un vaccin qui nécessite deux doses, devant être administrées à trois semaines d’intervalle.

Les premières doses de vaccins devraient arriver entre janvier et mars, estime le gouvernement fédéral.

Distribution : quel est le plan ?

Le plan de distribution d’un vaccin contre la COVID-19 représente un casse-tête logistique de taille, entre autres en fonction du vaccin auquel le Canada aura accès le plus rapidement parmi la gamme disponible dans son carnet de commandes.

Car, par exemple, celui de Pfizer et BioNtech doit être conservé à une température de -75 degrés Celsius. Il nécessite donc les infrastructures nécessaires (des congélateurs industriels) et nécessitera par conséquent une rigueur militaire dans sa distribution.

Un autre vaccin supposerait une stratégie différente: à titre comparatif, le vaccin de Moderna doit pour sa part être entreposé dans des installations aux températures de réfrigération standard de 2 à 8 degrés Celsius pendant 30 jours.

Le fédéral a acquis 126 congélateurs spéciaux fabriqués par Panasonic, dont 26 «ultra-froids» qui peuvent stocker les vaccins à -80 degrés Celsius, ainsi que de la glace sèche pour leur transport, a noté la ministre des Services publics et de l'Approvisionnement, Anita Anand.

Bien que les contours du plan de vaccination n'ont pas encore été divulgués, il est d'ores et déjà acquis que les Forces armées canadiennes (FAC) seront dans le coup. En Ontario, le gouvernement de Doug Ford a d'ailleurs confié la mission au général à la retraite et chef d’état-major de la Défense Rick Hillier.

En conférence de presse, mardi, le ministre Jean-Yves Duclos a souligné que la distribution des doses ne se ferait pas nécessairement au prorata de la population par province ou territoire. Il a par ailleurs suggéré que l'opération vaccin ne serait pas chapeautée par une personne en particulier, mais bien par « Équipe Canada ».

L'opposition pilonne le gouvernement

Le fait que le gouvernement Trudeau demeure avare de détails sur la campagne de vaccination suscite le mécontentement des partis d'opposition. À la Chambre des communes, mardi, le Parti conservateur et le Bloc québécois ont tenté d'arracher à Justin Trudeau une date de disponibilité du vaccin, mais en vain.

Dans les banquettes conservatrices, la porte-parole conservatrice en matière de santé, Michelle Rempel, s'est particulièrement insurgée du fait que les Mexicains pourraient être vaccinés avant les Canadiens, comme le rapportait l'agence de presse Reuters.

« [Le vaccin] Pfizer arrivera au Mexique en décembre cette année, s'il est approuvé par COFEPRIS [l'agence de réglementation sanitaire du pays»], a indiqué sur Twitter le ministre mexicain des Affaires étrangères, Marcelo Ebrard, mardi.

En réplique à l'élue albertaine, la ministre de la Santé du Canada, Patty Hajdu, a nié qu'il fallait en conclure automatiquement que les Mexicains seraient vaccinés avant les Canadiens. Avant qu'une campagne de vaccination puisse se mettre en branle, tout vaccin devra avoir été approuvé par Santé Canada.

Seringues, aiguilles et traitement thérapeutique

Le premier ministre a profité de sa conférence de presse pour faire le point sur le matériel que le Canada a en sa possession pour administrer le futur vaccin contre la COVID-19.

Il a signalé que jusqu’à maintenant, plus de 24 millions de seringues et d’aiguilles ont été reçues, et que d’autres livraisons vont arriver toutes les semaines.

« On sait que tout le monde ne sera pas vacciné en même temps. On va devoir établir des priorités. Mais tout ce qu’on fait présentement va nous aider à faire vacciner les Canadiens aussi vite que possible », a déclaré Justin Trudeau.

Parallèlement à cela, le gouvernement fédéral a conclu une entente pour réserver jusqu’à 26 000 doses d’un produit thérapeutique d’Eli Lilly, qui a été mis au point en partenariat avec l’entreprise AbCellera Biologics de Vancouver, a-t-il ajouté.

L’anticorps neutralisant appelé bamlanivimab, qui est destiné aux adultes ainsi qu’aux enfants âgés de 12 ans et plus présentant « une forme légère ou modérée de la COVID-19 », a décroché l’autorisation provisoire de Santé Canada vendredi dernier.