Une citoyenne du quartier Rosemont, à Montréal, déplore que les espaces extérieurs du Jardin botanique, normalement ouverts au public à l’automne et en hiver, soient fermés actuellement sous prétexte qu’ils font partie d’un musée. Alors que la grisaille est de plus en plus présente, Marie-Claude Giard estime que les citoyens devraient avoir le droit de profiter de ces espaces verts et qu’il est temps de faire place au cas par cas dans l’application des consignes de santé publique.

« On ne peut pas se permettre de perdre une ressource comme ça actuellement », dit-elle. L’hiver, les citoyens sont nombreux à aller se promener dans les espaces extérieurs du Jardin botanique ou à y faire du ski de fond. « On en sera privé si rien n’est fait », déplore Mme Giard.

Porte-parole d’Espace pour la vie, l’organisme qui gère le Jardin botanique, Isabel Matte confirme que les sites extérieurs sont actuellement fermés « conformément aux directives de la Direction nationale de santé publique ». Elle explique que le Jardin botanique « a le statut officiel de musée ». Le gouvernement du Québec a fermé les musées en zone rouge pour affronter la deuxième vague de COVID-19 au début du mois d’octobre.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Les espaces extérieurs du Jardin botanique sont actuellement fermés.

Pour Mme Giard, cette fermeture des espaces extérieurs du Jardin botanique est injustifiée : « Il n’y a pas plus de risque de contamination là que dans un parc ordinaire. Et les parcs sont ouverts. »

Pour prendre l’air, les citoyens du quartier Rosemont peuvent se rabattre sur le parc Maisonneuve adjacent. « Mais les fins de semaine, c’est souvent bondé, note Mme Giard. Sur les chemins, il y a beaucoup de gens. »

On manque d’espaces verts. C’est frustrant de voir qu’il y en a un de disponible, mais qu’il ne peut pas être utilisé.

Marie-Claude Giard

Québec dit chercher des solutions

Mme Giard a l’impression qu’on applique les grandes règles de santé publique « mur à mur, sans exception possible ». Elle souligne que le virus sera présent pour encore des mois au Québec. Et qu’avec les découvertes sur la transmission de la COVID-19 par aérosols, « les rassemblements intérieurs vont rester difficiles ». « On va devoir continuer de privilégier les activités extérieures. On parle beaucoup de santé mentale actuellement. On n’a pas le luxe de se priver d’espaces verts comme le Jardin botanique », plaide-t-elle.

Au ministère de la Santé et des Services sociaux, on dit être « conscient que la situation est très difficile pour la population ». « C’est pourquoi la Santé publique analyse plusieurs scénarios pour contrer la grisaille des semaines à venir, mais comme tout est à l’étude actuellement, il est trop tôt pour se prononcer sur la situation », indique la porte-parole, Marie-Louise Harvey.

Adapter les mesures de santé publique

Professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, Roxane Borgès Da Silva souligne que les risques de contracter la COVID-19 dans des espaces extérieurs comme le Jardin botanique sont minimes.

Je suis d’accord avec cette citoyenne : les espaces extérieurs devraient rester ouverts.

Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Mais Mme Da Silva précise qu’il n’existe pas de données scientifiques pour savoir quand il est temps d’adapter les mesures de santé publique en temps de pandémie, sous peine de perdre l’adhésion des citoyens ou de voir leur santé mentale se dégrader. « Des crises sanitaires comme celle que l’on vit, on n’en a pas vécu beaucoup dans les pays développés », explique-t-elle.

Professeur agrégé en psychiatrie à l’Université McGill et à l’hôpital Douglas, Robert Whitley souligne que plusieurs études ont démontré l’impact positifs des espaces verts sur la santé mentale des gens. « Notamment parce qu’ils permettent l’exercice », dit-il. Les espaces verts sont aussi bénéfiques pour la santé mentale « parce qu’ils permettent d’être exposés à la lumière », explique Robert Whitley. Un facteur qui aide à régulariser le sommeil et l’humeur. Un avantage non négligeable alors qu’à ce temps-ci de l’année, la lumière se fait plus rare, note-t-il.

Pour Mme Giard, « on a jeté le bébé avec l’eau du bain ». « On applique une loi sans se pencher sur certains cas précis. On devrait faire davantage de cas par cas et garder certaines choses ouvertes qui peuvent être bénéfiques pour la population, sans comporter plus de danger. La santé mentale des gens devient de plus en plus criante. Il faut y penser », dit-elle.