(Québec) Québec envisage d’autoriser les rencontres entre deux ménages d’adresses différentes pour Noël et le jour de l’An, une permission qui s’accompagnerait d’un isolement préventif avant et après les Fêtes. Dans l’espoir d’y parvenir, le premier ministre François Legault maintient les restrictions sanitaires pour deux semaines, « au moins jusqu’au 23 novembre », alors que le plateau de cas de COVID-19 sur lequel le Québec se trouvait fait place à une tendance à la hausse.

« Les indicateurs nous montrent qu’il faut être encore plus prudents. Malheureusement, on n’a pas réussi à réduire le nombre de nouveaux cas chaque jour. On voit depuis quelques jours une augmentation », a-t-il expliqué en conférence de presse mardi, en compagnie du ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, et du directeur national de santé publique, le DHoracio Arruda.

Le dernier bilan, qui fait état de 38 morts et de 1162 nouveaux cas, montre en effet le début d’une tendance à la hausse. Quatorze des dix-sept régions du Québec sont dans une situation stable tout en restant sous surveillance, comme Montréal et Québec, ou connaissent une augmentation de la propagation de la COVID-19, en particulier le Saguenay–Lac-Saint-Jean, Lanaudière, la Mauricie–Centre-du-Québec et la Gaspésie.

Il y a tout lieu de croire que, dans les régions où ça va moins bien, il y a eu plus de contacts dans les dernières semaines, puis là, il faut réduire vraiment le nombre de contacts et respecter les consignes.

François Legault

Il n’y a que trois régions où, dans l’ensemble, les choses sont au beau fixe aux yeux du gouvernement : l’Abitibi-Témiscamingue, la Côte-Nord et le Bas-Saint-Laurent.

Le 26 octobre, lorsqu’il a reconduit les mesures sanitaires en zone rouge pour 28 jours – donc jusqu’au 23 novembre –, François Legault s’était engagé à réévaluer la situation dans un délai de deux semaines, et c’est ce qu’il a fait mardi.

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« On est obligés de garder des restrictions pour plusieurs raisons, d’abord sauver des vies, ensuite garder nos enfants à l’école et garder nos travailleurs au travail, puis continuer à garder le contrôle de notre réseau de la santé, être capables de continuer à soigner les gens qui ont d’autres maladies que la COVID-19 », a-t-il plaidé.

Une autre raison milite pour le maintien des restrictions : le temps des Fêtes qui approche. « On ne doit pas s’attendre à des gros partys dans le temps des Fêtes, mais on va essayer de tout faire pour être capables d’avoir des plus petits partys pour que les familles, les amis soient capables de se voir à Noël, au jour de l’An. Mais il est trop tôt pour vous annoncer ce qu’on pourra faire », a affirmé François Legault.

Au gouvernement, on étudie le scénario de permettre, quelques jours à l’occasion de Noël puis quelques jours au Nouvel An, des rassemblements privés restreints. Deux ménages d’adresses différentes pourraient se réunir.

Québec veut créer les conditions favorables à cette possibilité. On évoque l’instauration d’un isolement préventif avant et après les Fêtes afin de limiter les risques de propagation de la COVID-19.

François Legault a voulu tempérer les attentes alors qu’il y a eu des nouvelles encourageantes lundi au sujet du développement d’un vaccin. Il faudra du temps avant de le recevoir et de parvenir à vacciner une part significative de la population. « Donc, malheureusement, il faut tenir le coup encore pendant des mois », a-t-il prévenu. Les préparatifs sont en cours à Québec pour préparer une opération de vaccination.

Alors que la ventilation dans les écoles est une source d’inquiétude à l’approche de l’hiver, Christian Dubé a indiqué qu’un comité d’experts a été formé pour lui proposer des solutions. Il se dit prêt à agir rapidement « si on a besoin d’avoir des purificateurs d’air, si on a besoin de prendre des mesures temporaires qui vont être sûrement dispendieuses ».

Un bilan qui s’alourdit encore

La somme des 38 décès annoncée mardi est notamment attribuable au délai dans la transmission des données la fin de semaine. La moyenne hebdomadaire, elle, demeure à 25 morts par jour. Au total, 6493 personnes ont maintenant succombé à la maladie au Québec. C’est la Capitale-Nationale qui est la plus touchée, avec 12 nouveaux décès à elle seule. La Montérégie suit de près avec neuf morts. Montréal recense cinq décès.

Dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, où le bilan risque de s’alourdir dans les prochains jours selon le ministre de la Santé Christian Dubé, on rapporte aussi quatre nouveaux décès. Trois morts s’ajoutent également dans Lanaudière, deux en Outaouais, un en Chaudière-Appalaches, un à Laval et un dernier dans les Laurentides.

Les hausses observées dans plusieurs régions ont mis à mal le plateau autour de 1000 cas observé depuis six semaines. En regardant les cas par date réelle où les tests ont été effectués, on observe désormais une légère tendance à la hausse. Dimanche, le Québec a établi un nouveau sommet avec 1319 cas en une seule journée ; c’était 1162 mardi, pour un cumulatif de 117 151 cas déclarés de COVID-19.

L’augmentation des cas s’observe dans toutes les tranches d’âge.

Pendant ce temps, les admissions à l’hôpital demeurent relativement stables.

Le nombre d’hospitalisations est en baisse de six patients par rapport à la veille ; il atteint dorénavant 534. De ce nombre, 82 personnes se trouvent toujours aux soins intensifs, en augmentation de six. Le nombre de prélèvements est toutefois en baisse depuis quelques jours. Lundi, la province n’a réalisé que 18 911 tests de dépistage. Or, la moyenne des cinq derniers jours à ce chapitre était beaucoup plus élevée et atteignait 26 804 tests.

Des tendances à la hausse

Avec 89 nouveaux cas enregistrés mardi, la tendance à la hausse semble bien en place au Saguenay–Lac-Saint-Jean. On y recense en moyenne, depuis une semaine, 39 cas par 100 000 habitants. La situation continue également de préoccuper la Santé publique dans Lanaudière. En moyenne depuis une semaine, on y constate 29 cas par 100 000 habitants ; 173 nouveaux cas ont été rapportés mardi.

En Montérégie, on rapporte 192 nouveaux cas, soit une hausse marquée par rapport aux 123 infections qui avaient été déclarées lundi. L’Estrie, qui passera ce jeudi en zone rouge, présente 85 cas, contre 54 lundi.

À Montréal, une légère augmentation se fait aussi sentir, avec 13 cas par 100 000 habitants en moyenne depuis une semaine, dont 253 infections mardi. De son côté, la ville de Québec enregistre 76 nouvelles infections. La région est sur un plateau, à près de 10 cas par 100 000 habitants.

En dépit de plusieurs éclosions actives sur son territoire, la région de Laval recense quant à elle 66 infections, soit une baisse notable par rapport aux 109 cas déclarés la veille.

Le combat des régions

Si Montréal était le cœur de la contamination il y a quelques mois, c’est maintenant le tour de plusieurs régions de combattre une multiplication de cas. Pour Benoît Mâsse, professeur de santé publique à l’Université de Montréal, la réalité est que plusieurs d’entre elles sont encore « inexpérimentées ». « Ce n’est pas pour rien qu’on voit des éclosions majeures à l’extérieur des grands centres. Les populations n’ont pas développé la même assiduité aux mesures, et n’ont pas vécu la première vague aussi fortement », dit-il.

On peut s’attendre à ce qu’une région après l’autre y passe. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a un rattrapage à faire. Il ne faut pas donner une avance au virus.

Benoît Mâsse, de l’Université de Montréal

Au-delà des habitudes, c’est la logistique du réseau qui complique la situation, dit le spécialiste. « Avoir une transmission communautaire dans une région où on ne l’a jamais vécu, c’est difficile. Transférer un patient, par exemple, est plus ardu quand il y a moins de ressources à proximité », soutient-il.

Sa collègue Roxane Borgès Da Silva, experte en organisation des soins de santé, seconde. « Il y a une pénurie de ressources humaines en région qui joue pour beaucoup. Quand on manque de travailleurs, on promène le monde, ce qui fait forcément circuler le virus », lance-t-elle.

Quant à la hausse du nombre de décès, Mme Da Silva est catégorique. « C’était prévisible. Non seulement on a un nombre de cas important tous les jours, mais on se rend aussi compte de plus en plus que les milieux de vie pour personnes âgées sont davantage touchés, et même à Montréal. Ça continuera d’avoir un impact tant qu’on ne contrôle pas la transmission », conclut-elle.

– Avec Pierre-André Normandin, La Presse