Cinq millions de Québécois passent à la zone rouge, à minuit le 1er octobre. Ailleurs au Québec, les régions passent toutes au palier supérieur, soit au jaune ou à l’orange. Qualifiant la situation de « critique », le premier ministre François Legault demande à la population de suspendre sa vie sociale durant 28 jours « pour changer la tendance », et ferme du même coup bars, salles à manger, cinémas, salles de spectacles et autres lieux de rassemblements.

Les régions de la communauté métropolitaine de Montréal, de la Capitale-Nationale (sauf Portneuf et Charlevoix) et de Chaudière-Appalaches passeront toutes au « palier d’alerte maximale », le 1er octobre, entrainant du même coup de nouvelles restrictions.

Je peux me mettre à la place d’un propriétaire de bar, de restaurant, j’ai été moi-même entrepreneur. Ce n’est pas drôle ce qu’on annonce aujourd’hui. Je le comprends. Et on ne le ferait pas si ce n’était pas pour sauver des vies, pour protéger le réseau de la santé, pour protéger nos enfants.

François Legault, premier ministre du Québec

La flambée de nouveaux cas ces derniers jours laisse présager une augmentation des hospitalisations et des décès, craint le gouvernement, qui a décidé d’agir dès maintenant pour tenter d’enrayer la transmission communautaire de la COVID-19 et « changer la tendance ».

PHOTO FOURNIE PAR LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX

« Les chiffres sont sans appel. On doit prendre nos responsabilités et on doit prendre les décisions difficiles », a d’entrée de jeu annoncé le premier ministre, qui avait « le cœur gros » pour sa première sortie publique depuis la fin de son isolement préventif.

« C’est clair qu’il y a beaucoup de transmission communautaire. Ça veut dire qu’il faut éviter, malheureusement, pour le prochain mois, de socialiser », a annoncé François Legault, qui espère ainsi « protéger les services plus essentiels ».

L’objectif du gouvernement est de protéger le système de santé, mais aussi les écoles, qui resteront ouvertes et où les activités sont maintenues. Le premier ministre parle d’un « risque calculé » et a expliqué qu’il voulait « tout faire pour que ça demeure le plus normal possible dans les écoles » et que le plus de classes restent ouvertes.

« On ne fait pas ça pour le plaisir. On fait ça pour protéger les autres : nos enfants, le personnel soignant, nos personnes âgées. SVP, respectez les consignes. Pas pour moi. Pas pour vous. Pour les autres », a imploré le premier ministre en s’adressant principalement aux récalcitrants.

Changer « l’environnement social »

Pour les trois régions en « alerte maximale », soit en zone rouge, il sera interdit de recevoir des gens chez soi. « On n’accepte pas d’invitations, on ne fait pas d’invitations », a dit M. Legault. Une seule personne à la fois peut être reçue pour des raisons exceptionnelles, comme un proche aidant, une personne qui garde les enfants ou un ouvrier qui doit effectuer des travaux. Les personnes vivant seules sont autorisées à recevoir un convive à la maison.

Les visites sont aussi interdites dans les résidences pour personnes âgées de tous genres ; un proche-aidant à la fois par résident est permis.

Les rencontres sont permises à l’extérieur, en respectant une distance de deux mètres. Le port du masque sera obligatoire lors des manifestations.

Là où le bât blesse économiquement, c’est pour la majorité des lieux publics de rassemblements récréatifs. Les bars, tavernes, salles à manger des restaurants, casinos, salles de spectacles, cinémas, salles de réception, musées et bibliothèques devront fermer pour 28 jours. Le gouvernement a promis aux propriétaires « une formule pour compenser les pertes » sans en révéler les détails. Les commerces, y compris les salons de coiffure, les hôtels, les salles de sports, les centres sportifs et les arénas, peuvent rester ouverts, à condition d’y appliquer à la lettre les mesures de distanciation et du port du masque.

« Sûrement que des tenanciers de bars et de restaurants ont fait que qu’ils avaient à faire, mais on n’est tellement plus capables, actuellement, d’être en contrôle de la situation, qu’on change l’environnement social pour éviter le maximum d’éléments de socialisation. Ça nous fait très mal au cœur, on n’aurait pas voulu en arriver à ça », a admis le DArruda.

Les lieux de cultes pourront accueillir un maximum de 25 personnes, principalement pour des funérailles, et non pour des mariages, que le gouvernement demande de reporter.

> Consulter l’ensemble des mesures pour les zones rouges

Changement de zone pour tout le monde

Les trois régions qui passent au rouge ne sont pas les seules à changer de palier. Durant la conférence de presse, l’ensemble de la carte du Québec a changé de couleur, les régions passant toutes à un niveau supérieur, soit en « préalerte » (jaune) ou en « alerte » (orange). Plus aucune région ne se trouve en vert. D’autres régions pourraient passer à la zone rouge si la situation empire, a averti le premier ministre.

> Voir la carte 

« Même si des secteurs sont plus rouges ou plus foncés, c’est partout que ça se joue. Et le plus grand danger, c’est de penser : “Moi, c’est moins grave qu’à côté”, parce qu’il va vous frapper par en arrière, le virus », a mis en garde le directeur national de Santé publique, DHoracio Arruda, qui se dit « très, très inquiet de la situation » et qui demande à tous les Québécois de « mettre du sien » « pour que ça marche ».

Les déplacements entre les régions ne sont pas interdits, mais sont « fortement » déconseillés.

> Consultez l’ensemble des mesures pour les zones orange 

Les réactions des partis de l’opposition

Je veux vraiment envoyer le message qu’on va encourager les gens à suivre les règles sanitaires. Des gens sont extrêmement inquiets, anxieux. On a passé 24 heures à ne pas savoir ce qui allait se passer. On sentait l’anxiété dans la population. L’important, c’est qu’on se serre les coudes avec ce qui s’en vient. Ça ne sera pas facile et beaucoup de personnes seront touchées. […] Ensuite, on a beaucoup de questions à poser. Comment ça se fait qu’on soit rendus là ? C’est quoi le plan pour ce qui s’en vient ? […] On a besoin de comprendre.

Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du Québec

Le Québec rentre dans une autre phase [de la pandémie]. Je pense que l’heure est sérieuse et que les Québécois l’ont compris. Maintenant, les secteurs dont le gouvernement fait état de leur fermeture ont déjà eu la vie dure durant la première vague. Ce sont des milliers de travailleurs qui ont eu de la difficulté. […] Le gouvernement n’a même pas dans sa poche une mesure pour les rassurer. Ce que je souhaite, c’est que le gouvernement joue son rôle pour soutenir ces travailleurs.

Manon Massé, cheffe de Québec solidaire

Je pense que c’est un signal fort et clair que la situation est délicate et qu’on doit absolument respecter les consignes pour éviter d’engorger le système de santé, de susciter des hospitalisations et que des personnes vulnérables décèdent. […] Je pense qu’il est assez facile quand on s’en donne la peine pour le gouvernement de pouvoir accueillir des demandes d’aide financière [des entreprises touchées] selon les chiffres d’affaires sur une base historique. Le gouvernement doit compenser ces entreprises à la hauteur de leurs pertes.

Joël Arseneau, porte-parole du Parti québécois en matière de santé

– Propos recueillis par Hugo Pilon-Larose, La Presse